Rewind

Heureusement, j'aime la pluie.

Partir de Gelnhausen à l'aube.
Changer plusieurs fois de train, retrouver des proches, me séparer d'eux bien vite.
Francfort, Cologne, Bruxelles, Lille, Paris, Cahors.
- à bien y réfléchir, préférer la perte de mon téléphone à celle de la citrine et de la sodalite qui demeurent (à ce jour encore) dans mes poches. Qui les déforment. Les lestent.
(Les caresser quand on m'emmerde).

 

La perte : en éprouver une liberté infinie. Vouloir encore changer de vie ?
Plutôt : approfondir mes choix.

 

Penser aux hobos.
Marcher dans la rosée entre les champs.
Cueillir : une bogue de marronnier, un pistil orange et violet de fleur de magnolia, un parapente de tilleul.
Cueillir le regard de l'oiseau.

Les déposer sur ma table et dans mon cœur.


Chercher les noms des fleurs dans l'herbier vendu au tabac en dépot-vente par un mec du village.


Souffler dans différentes eaux : chlorée, limoneuse, salée.
Me dissoudre un peu dans chacune d'entre elles.


Une grenouille dans une mare. Sa patience, sa discrétion, sont supérieures à la mienne.


Croire à la déesse du fleuve lent bordé de peupliers.
Trouver le calme en son milieu.


Dormir avec la tourmaline, marcher avec l'obsidienne.

 

De nombreuses formes de vies minuscules m'accompagnent.
Rien n'est plus doux.


Retrouver les odeurs des cheveux chauds et crasseux, des rires.
Des petits satellites.

Reprendre la route autrement, au-delà des trois villes d'enfance.
Des sources dans des bacs de pierre froide, des sommets plats, herbeux, dorés.
Ne rien faire d'autre que marcher sur le sol et dormir sous la pluie.
Le plus grand silence et le rythme sur la toile.
Dans le peu : le beaucoup.
Un envol de geais.
Un écureuil éclair roux.
Un crapaud qui s'enfuyant disperse comme un poudroiement la boue dans l'eau.

(Sournoisement, un fond d'effroi qui monte.)
(L'ennemi a enfin montré son véritable visage.)

Rentrer en faisant un détour par un creuset d'amour.
Trier toute une année d'aller-retours, avant de repartir,

un tout petit peu.


Quatre poissons, un bateau, deux baignades.
Une femme forte comme une déménageuse.


Décider de vivre à la marge, tant que c'est possible.
Repenser à cette phrase : qui accroit son savoir accroit sa souffrance.