Météo plus plus

Correspondance en forme de bulletin météo

Entre Marie Bouts et Alice Rétorré  (février 2014 - mars 2016)

mar.

31

août

2021

Rewind

Heureusement, j'aime la pluie.

Partir de Gelnhausen à l'aube.
Changer plusieurs fois de train, retrouver des proches, me séparer d'eux bien vite.
Francfort, Cologne, Bruxelles, Lille, Paris, Cahors.
- à bien y réfléchir, préférer la perte de mon téléphone à celle de la citrine et de la sodalite qui demeurent (à ce jour encore) dans mes poches. Qui les déforment. Les lestent.
(Les caresser quand on m'emmerde).

 

La perte : en éprouver une liberté infinie. Vouloir encore changer de vie ?
Plutôt : approfondir mes choix.

 

Penser aux hobos.
Marcher dans la rosée entre les champs.
Cueillir : une bogue de marronnier, un pistil orange et violet de fleur de magnolia, un parapente de tilleul.
Cueillir le regard de l'oiseau.

Les déposer sur ma table et dans mon cœur.


Chercher les noms des fleurs dans l'herbier vendu au tabac en dépot-vente par un mec du village.


Souffler dans différentes eaux : chlorée, limoneuse, salée.
Me dissoudre un peu dans chacune d'entre elles.


Une grenouille dans une mare. Sa patience, sa discrétion, sont supérieures à la mienne.


Croire à la déesse du fleuve lent bordé de peupliers.
Trouver le calme en son milieu.


Dormir avec la tourmaline, marcher avec l'obsidienne.

 

De nombreuses formes de vies minuscules m'accompagnent.
Rien n'est plus doux.


Retrouver les odeurs des cheveux chauds et crasseux, des rires.
Des petits satellites.

Reprendre la route autrement, au-delà des trois villes d'enfance.
Des sources dans des bacs de pierre froide, des sommets plats, herbeux, dorés.
Ne rien faire d'autre que marcher sur le sol et dormir sous la pluie.
Le plus grand silence et le rythme sur la toile.
Dans le peu : le beaucoup.
Un envol de geais.
Un écureuil éclair roux.
Un crapaud qui s'enfuyant disperse comme un poudroiement la boue dans l'eau.

(Sournoisement, un fond d'effroi qui monte.)
(L'ennemi a enfin montré son véritable visage.)

Rentrer en faisant un détour par un creuset d'amour.
Trier toute une année d'aller-retours, avant de repartir,

un tout petit peu.


Quatre poissons, un bateau, deux baignades.
Une femme forte comme une déménageuse.


Décider de vivre à la marge, tant que c'est possible.
Repenser à cette phrase : qui accroit son savoir accroit sa souffrance.

mar.

27

févr.

2018

6 : 22

Déjà un peu tard pour venir ici. Finalement je ne suis pas allée au Carnaval : c'est le mois prochain. 

Le froid me paralyse, j'écrirais plus tard. C'est bien le froid, le temps passe moins vite je trouve.

 

sam.

17

févr.

2018

Loosers have an excuse, winners have a plan

C'est ce que me répète Evy Gruyaert, la dame de l'application Start to run, deux fois par semaine. Malgré son insistance, elle n'arrive pas à me convaincre.

Crois-le ou non (moi je ne le crois pas) mais je fais régulièrement des petites courses à pied dans les champs deux ou trois fois par semaine. On m'aurait annoncé ça il y a quelques mois, j'aurais pu parier un an de salaire (ok, c'est pas grand chose mais c'est une image) que ça ne se produirait jamais. J'ai commencé en novembre, donc c'est d'autant plus surprenant que j'ai persévéré, parce que j'ai dû affronter pluie, froid, vent et bouillasse à chaque sortie. Sauf hier où il faisait beau, et ça m'a presque gâché mon plaisir (pourquoi j'arrive à prévoir et comprendre si souvent les réactions des autres et pas les miennes?). 

Autre parenthèse : l'autre jour il y avait une famille pas très classe au Lidl de l'autre côté du rayon fruits et légumes où je me trouvais. Le fils (dix ans environ) demande : Papa, c'est quoi ça ? Le père : c'est de l'ail. C'est spécial.

 

T'es contente qu'on va faire une résidence d'écriture ensemble l'année prochaine à la mer ? Moi, ravie. Même si ça m'inquiète un peu.

Tu sais que j'ai de nouveaux plans pour météo++ ? Je t'en parlerais après.

 

Quand je cours, j'écoute des podcasts et : 1 son bien incrusté dans les oreilles + 1 sensation de plein air + ce que j'imagine être l'effet des endorphines, c'est juste du pur bonheur et ça vaut en plaisir mes soirées cinéma/parfum (où il s'agit de regarder un bon film en portant un bon parfum).* 

Courir comme ça dans la plaine (chez moi, ça ressemble quand même un peu au Kazakstan), c'est complètement absurde et ça donne, somme toute, un recul particulier sur ce qui se passe dans le monde.  

Dans ce monde de rêve/ je cours dans la plaine/ Solitude  

(merci Kôi)

 

Aujourd'hui, c'est le Carnaval Sauvage à Bruxelles. Dois-je y aller ou ne pas y aller ?

 

Soit j'y vais : je prends un billet de train à 10 euros (aïe), je vois des choses réjouissantes sans pouvoir les partager parce qu'il y a trop de bruit et que je ne connais personne, sauf Julien qui va être trop occupé, et j'ai peur qu'il y ait un accident avec tous ces masques et ces voitures, je me sens timide et je m'ennuie un peu MAIS peut-être que je rencontre quelqu'un, par exemple Brigitte, qui me dit qu'elle veut partager une maison perdue dans le Brabant-Wallon (haha), alors sur un coup de tête, je décide de déménager dans une communauté où je suis utile et à ma juste place, et on abolit le rapport à l'argent, on ne met plus nos enfants à l'école mais on leur apprend à faire du hacking et du fromage de brebis, puis on vit tous ensemble à l'abri de tous ceux qui pensent que l'ail c'est spécial, entre gens normaux qui veulent divorcer de la civilisation occidentale. On peut avoir du poil au pattes ou porter le tchador, comme on veut, on rigole bien et on meurt en paix, entouré d'enfants insolents.

 

Soit j'y vais pas : je range ma grange pour mettre à jour cet espace de rêve où je vais pouvoir travailler, bricoler, m'épanouir et jouer avec les enfants (plutôt que de les traiter de tous les noms parce qu'elles font du bruit et du bordel). On passe une journée constructive comme au bon vieux temps avec Peter a rêver à nos projets tout en réalisant de petites tâches domestiques, tels Charles Ingalls et sa femme (dont j'ai pas retenu le nom parce qu'elle est trop insipide) et ça risque de changer notre vie car enfin on pourra se mettre d'accord sur quoi faire avec les cadavres de voiture et par conséquent avoir un espace pour ouvrir un atelier de ferronnerie où Peter brillera par ses talents de pédagogue, et il aura des horaires normaux sans être complètement crevé, s'occupera avec plaisir des enfants et du ménage pendant que partirais à Paris faire du shopping/ je me mettrais de la crème/ je boirais des pintes avec les voisines. MAIS peut-être qu'il va faire trop froid ou pleuvoir alors je vais rester à l'intérieur et passer quelques heures sur les réseaux sociaux où je n'ai pas d'amis avant de m'apercevoir que la nuit tombe et qu'il faut penser au repas du soir.

 

A quoi ça tient un destin, tout de même...Ceci dit, ma décision est prise. Je vais à Bruxelles, ça va servir mon plan diabolique pour météo++

 

* précision, un bon parfum, c'est pas forcément le dernier Guerlain, ça peut être par exemple une eau de Cologne ancienne qui sent la térébenthine, un musc aux cheveux gras, un patchouli qui rappelle tabac à pipe, une odeur de rouge à lèvres, de la lavande fumée, un cuir à l'immortelle qui sent les dunes chaudes etc....

 

 

 

 

sam.

06

janv.

2018

Smatch

Une citation de Kantor entendue à la radio aujourd'hui a résolu d'un coup un bon nombre d'années d'interrogations: "l'art est inutile, l'amour aussi". Tadaaaa ! Fin du cul de sac philosophique (inauguré en terminale, comme le veut le programme).

Il y a une autre phrase qui me reste toujours en tête qu'on m'a présenté comme un proverbe tzigane. Ca ne résout rien, et c'est moins cucul, deux points ouvréléguïmè: une belle vie, c'est une vie ou on a beaucoup souffert. Je ne préfère pas m'attarder sur ce qui me fait passer de l'une à l'autre...disons que c'est des phrases. Des phrases qui a présent vont guider ma vie, car je vais en 2018 dealer un max de shit pour enfin être riche, avoir de belles chaussures sobres et dorées comme tu sais que j'aime bien, et surtout passer quelques temps dans une prison pour femme. Ca me changera du trajet lave-vaisselle/machine-à-laver/supermarché/fourneau/apéro-chez-la-voisine. Qu'en penses-tu?

Moi je pense que ça sera de l'art.

mar.

05

déc.

2017

Dans le vent

J'attendais quelque chose mais rien n'est venu. Faut pas que ça finisse comme ça avec des histoires de slip. J'attendais pas vraiment puisque je viens juste maintenant, et maintenant c'est mardi et on devrait être en train de marcher sur la plage. Au lieu de ça je suis assise sur mon cul à essayer de fuir la besogne comme je peux. Comment sont remplies les journées des autres, au bureau, sont-ils aussi en train de fuir la besogne en rêvassant? Et toi, tu rêvasses à quoi, toi qui ne donne signe vie ? Tu crois que derrière ces nuages gris (brouillard ou nuages?) se cache un ciel bleu pétant et un soleil d'hiver qui frappe? Moi non.

Nous sommes plongés en plein rêve. Parfois un peu hallucinatoire comme quand je suis allée au magasin de jouets tout à l'heure.

La preuve : j'ai revu hier à Bruxelles un collègue qui m'a fêtée, serrée, embrassée, calinée, re-sérrée, re-embrassée....c'était sympa. Cette nuit, j'ai rêvé la même scène plus ou moins et ça bouleverse complètement ma journée. C'était tout à fait puissant. 

Tu vois ?

mer.

16

mars

2016

Slip

Beau temps froid.

Dans le salon, la vitre a été nettoyée, on aperçoit la route qui poudroie dehors : elle ne va pas rester propre longtemps.

J'étends le linge avec un très jeune homme, Guillaume. Une de mes grandes culottes dans la main (tu connais le "ah, c'est bien que j'ai pensé à laver mes chiffons aujourd'hui"hèhè), il me dit qu'il envisage une carrière dans l'armée ou dans la police.

mer.

17

févr.

2016

alors, on se promène?

Ca fait tellement longtemps que je ne suis plus venue par ici que j'ai oublié comment on fait. Je n'ai pas beaucoup de temps et je me sens un peu timide. J'ai senti que tu étais passée, tu me l'avais dit? Je ne sais plus, je ne suis plus moi même. Cette nuit j'ai rêvé de Kaboul. Kaboul (Kobul comme dit X), de mon rêve était lumineuse. Grand bazar en adobe et en mosaique bleue, des oiseaux colorés dans des cages blanches, les enfants dans les rues font piocher des prédictions du Divan de Hafès par leurs petites perruches. Ca prouve que finalement je suis toujours moi même. Car je rêve beaucoup, je rêve de villes : Kaboul, Istanbul, Lisbonne, Pondicherry, Belgrade, Yerevan.

 

Suis-je toujours moi-même?

C'est la question que je me risque à poser à la version numérique de l'horacle de Hafez. Je tombe sur le Ghazal 245, en anglais malheureusement:

 

O bird of Paradise, your secrets disclose
Cease not the sweetness your tongue outward throws.
May you remain vital, your heart content
From the Great Artisan, the beauty you chose.
You spoke in riddles with all thy foes
Unveiling of the secrets, God only knows.
From the rosy cup splash and bring me scent
We only went to sleep when fate arose.
How the minstrel played this playful tune
Drunk and sober dance on feet and toes.
From intoxication, who is immune?
Both friend and foe lost their repose.
No water in sight for Alexander’s thirst
Neither power nor gold, can impose.
Listen to the pain of the heart at first
Few words that much meaning enclose.
Clay idols, the heart and soul oppose
To all idols my heart and soul may God close.
To the drunken say not secrets of the wine
Nor to lifeless the tale of soul disclose.
By the royal decree wrote line after line
To such poetic heights Hafiz ever rose;
It is not ours but God’s will that goes
May God keep him from all harmful blows

 

?

 

Au fait, tu as vu qu'on a découvert une nouvelle planète?

A bientôt, ici ou ailleurs,

Ta fidèle amie,

 

Aziza

 

mer.

10

févr.

2016

Tu as du entendre parler des deux miroirs,

Az,

Tu as du entendre parler de ces deux miroirs, situés aux bouts de deux tunnels: ils ont tremblé.

Voilà la preuve, qu'on attendait depuis cent ans presque jour pour jour: il n'y a pas de temps universel, et l'espace est une structure dynamique.  Tu me trouves de ce fait aussi émue que le jour où on a ôté Pluton du système solaire, en août 2006.

Est-ce que tu es revenue dans notre vieux coin aux champignons? Je n'ai pas trouvé ta trace. Le monde virtuel ne laisse pas de traces à mes yeux de novice. Imagine pourtant que comme la terre, c'est un monde qui a ses pisteurs, ses débusqueurs de gibier, ses liseurs de traces dans le sable.

 

Vendredi.

ven.

11

déc.

2015

Long temps

Az.,

j'ai eu envie de revenir ici, comme on revient dans un coin bien connu, un coin à champignon ou un coin d'herbe qui aurait repoussé après avoir été aplati longtemps par notre fréquentation assidue, derrière une grosse roche, sous un arbre, mettons un chêne, ou un ormeau (s'il en reste), un arbre dans lequel on pourrait grimper, qui nous fournirait aussi le petit bois pour le feu qu'on allumerait le soir pour se chauffer et le midi pour se cuire une chose ou une autre.

Je ne sais pas si tu reviens voir ici de temps en temps.

Je tente.

Peut-être que ceux qui nous lisaient ont arrêté de nous attendre maintenant et qu'on va pouvoir commencer nos choses chamaniques. Bien que je commence à douter des choses chamaniques, je vais t'expliquer.

 

J'ai un souvenir de l'ormeau de la cour quand il est mort il y a trente cinq ans. Sûrement parce que ça avait beaucoup affecté ma mère. Je me demande si on en trouve ici ou là, maintenant, ou bien s'ils ont tous disparu.

 

Les ormeaux sont morts parce que.

 

J'ai réfléchi à la situation, Az, et je me demande ce qu'il faut faire. Moi qui croyais en une force obscure et claire, l'énergie non rationnelle de l'instinct et de l'intuition, j'ai eu soudain ces dernières semaines la conviction qu'il me fallait renouer avec d'autres valeurs, en lesquelles j'ai cru à l'époque de mon jeune âge d'adulte, celles de la raison éclairée et de l'humanisme. L'école m'en avait dégouté. Mais aujourd'hui alors que je cherche une lunette pour regarder ce qui m'entoure et ne pas laisser mon cœur s'assombrir comme s'assombrit le ciel, pris dans cette drôle de tourmente folle, voilà ce que je me dis: il me faut revenir dans l'esprit du siècle, revenir à l'analyse objective et à la considération scientifique des événements. Ne pas quitter l'intuition, peut-être. Mais l'énergie dionysiaque ne suffit pas. Il faut aussi la forme, et un bain de lumière pour distinguer ce qui nous entoure.

 

Je me demande si tu vas me retrouver, derrière ce rocher qu'on fréquentait alors.

 

J'ai des tas de choses à te dire.

 

S.

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lun.

31

août

2015

Ça marche (mort et résurrection)

C'est d'accord, o esprit inconstant.

Par contre je te dis pas tout de suite qui je suis. Moi-même je ne suis pas sûre de le savoir, d'ailleurs.

On recommence ailleurs?

Comme ça on quitte aussi ton site, qui est peut-être un peu trop proche de toi, il vaut mieux laisser de la place à nos nouvelles enveloppes charnelles.

Est-ce qu'on laisse l'adresse à nos fans ou bien est-ce qu'on les abandonne sauvagement?

Niveau météo je pense qu'on est sur une bonne petite dépression, mais pas moi.

dim.

30

août

2015

Chaleur chaleur, bonheur bonheur

Quel temps magnifique aujourd'hui, dis donc!

Une légère lourdeur, mais agréable, parce que c'est sûrement la dernière de l'année, parce qu'aussi on a bien bullé ; Jen et Brigitte sont venues nous rendre une petite visite. On s'est balladés. Dans un verger, des jeunes ramassaient les pommes.


Il y a longtemps que je voulais t'écrire, aussi parce que quelque chose a mûri dans mon esprit inconstant.

J'ai envie de quitter météo++.

J'ai envie de commencer autre chose.


J'aimerais, je crois, qu'on écrive plus loin de nous. Qu'on devienne des personnages de fiction. Que ce qui nous arrive et qu'on raconte soit passé au travers d'un autre crible. Moi je serais un mécanicien marseillais et toi tu serais un ancien camarade du service militaire. Ou tu serais une jeune énarque parisienne et moi ta vieille maraine. Ou un animateur radio et un fan, un banquier et son fils adoptif...

Qui est-ce qui correspond de nos jours, avec qui? Et pourquoi?

Tu serais un homme ou une femme? Vieux ou jeune? Blanc, noir, beige? Afghan, basque, australien? Riche, pauvre? Moyen? On pourrait être des animaux ou des plantes...ou même des objets.

On aurait des doutes sur le bienfait de posséder un smartphone. On serait pas forcément à la bonne place. On aurait un côté loose. On aimerait plus que tout la nature (c'est pas très loin de nous mais il faut bien avoir des trucs à dire). On aimerait aussi quand même parler du temps mais on serait pas nous, on serait un autre personnage qui se construirait petit à petit. Tu crois que ça serait bien? Tu crois qu'on saurait? J'aimerais qu'on écrive moins bien et des choses moins importantes, mais plus de mots, je suis sûre que ça serait bien. Ca serait un bercement égal et rafraichissant, comme l'eau de la rivière.

La semaine dernière, j'ai emprunté La naissance du jour (Colette) à la bibliothèque. Je veux le lire depuis longtemps. J'ai un peu peur d'être boulversée. J'ai aussi peur de ne pas l'être.

Où je l'ai mis ce livre? je suis juste prête à le commencer.

Il fait nuit, il va falloir penser à dormir.

A demain.

jeu.

20

août

2015

Je t'ai jamais trouvée normale

Voilà exactement ce que je voulais te dire depuis le jour où tu avais eu cette phrase: "pour des filles normales comme nous" (je ne me souviens plus de ce que tu avais dit ensuite) - étant entendu que pour toi, à ce moment là, être normale était vraiment la dernière des choses à faire.

Donc : je ne t'ai jamais trouvé normale, ni avant-hier ni hier ni aujourd'hui et je ne pense pas que ça arrivera un jour.

Qui est-ce donc que je trouve normal? Bonne question, je vais me creuser la tête.

Est-ce qu'Aurélie est normale?

Sa chemise à carreaux relativement onéreuse, portée sur un jean près du corps sans être moulant était normale.

Son mode de vie (un mari ingénieurs deux enfants turbulents un métier pour tout le monde pas de difficultés scolaires) me semble être tout à fait normal.

Est-ce que Jérémie est normal?

Il a des aspects normaux : le style décontracté d'un occidental actif mais cool,  un goût marqué pour la performance sportive, une connaissance approfondie des différentes tribus contemporaines.

Est-ce que Félix est normal?

Sûrement pas, bien qu'extérieurement, il en aie tous les aspects : une vie de cadre moyen qui se manifeste (entre autres) dans sa corpulence d'homme bien nourri, une femme qui travaille comme lui dans la radioactivité, une belle maison - régulièrement cambriolée.

 

Pourtant (alors que je ne trouve aucun exemple de normalité), je vois bien ce que tu veux dire par "des filles normales".

Peut-être qu'on peut être globalement normal, tout en considérant que chacun, dans cette normalité, reste singulier et complètement anormal.

 

D'ailleurs, j'ai également réfléchi assez longuement à l'alternative que tu émettais dernièrement : cette correspondance est-elle celle de filles qui loosent ou bien celles de filles qui s'essaient à l'écriture. Un peu des deux ne tranchais-tu pas. Finalement, ma réponse est OUI, définitivement et c'est d'ailleurs comme ça que c'est bon : des filles qui loosent.

 

J'arrête de chercher l'écriture. Qu'elle vienne toute seule, cette salope.

Par contre, je souhaiterais vivre nue, c'est impossible, Raphaël est déjà inquiet quand je traverse ainsi le salon à toute heure de la journée.

 

C'est assez laborieux, ce soir. Je reprendrai peut-être plus tard.

lun.

17

août

2015

Je suis rentrée

Un mois, presque entièrement déconnectée.

Traversée lente de la France.

j'ai envie de te raconter, mais là aussi, en prenant le temps.

Ça n'a été ni merveilleux ni horrible.


j'ai beaucoup pensé à ton voyage de jeunesse, celui que tu as fait à cheval.


Des titres comme un collier de mots.


Dire adieu à FM.

Jouer son destin aux dés.

Me déplacer juste assez pour ne pas emprunter mes habituelles ornières demande un effort important.

Garder le silence, gouter les fruits, lier dans la distance.

Le genou (1).

Les loups (leurs yeux, leur musculature, leurs promesses).

Suicider mon sens critique.

Deux côtelettes de mouton.

Parler aux enfants quand ils dorment, trois nuits de suite.

Le supermarché avec Magali.

Une véritable sensation de médiocrité.

Enfin la rivière, avec les cailloux plats dans l'eau claire.

Le problème des seins.

Récupérer mon corps dans le courant.

La noyeraie (toît).

La grotte (voûte).

Deux mégaceros, deux hommes blessés.

Les premières étoiles, pieds nus sur l'herbe dure, Isaac sur mon dos.

Partir avant l'heure.

Mémé.

Anaïs.

Les deuxièmes étoiles, rye & rocks.

Plongeons arrières (comme avant).

La tête la première.

Rodrigo.

Suivre la route du sud.

Le début des montagnes.

Le genou (2).

Sentir qu'on les quitte, puis revenir dans leur étau rassurant.

Une nuit blanche et rude.

Le tunnel.

Dominique.

Le cul blanc d'une biche.

La niebla.

Appartenir.

Repartir.

jeu.

30

juil.

2015

J'avais un super titre pour une fois et je l'ai oublié

Vite, j'ai peu de temps avant que tout le monde ne se lève. Tous les matins Peter râle en m'entendant me lever, il rêve d'une grasse matinée, mais c'est plus fort que tout, j'ai envie d'être tranquille à penser et à écrire si possible, je sais qu'un jour au l'autre ça va me retomber dessus. Les rêves sont comme un livre ouvert, celui que j'ai fait cette nuit était parfaitement clair. Je me transformais en une personne que je n'aime pas du tout, je devenais pénible, sans gêne, et je faisais des blagues très lourdes. Tout le monde me le faisait savoir mais ça changeait rien.


On est pour quelques jours chez mon amie d'enfance, Juliette, mais elle n'est pas là. Je ne l'ai pas vue depuis des années mais nos mères sont copines. Elles sont là, Anne et Françoise, et vont garder nos enfants quelques jours ici.

La maison est très belle, une grande maison dans les vignes, avec un beau jardin et une piscine. Est-ce le poids du regard des mères? Je me sens comme si je ne méritais pas d'être là, que ce luxe (pas du tout exagéré) ne peut pas m'être réservé. Est ce ma condition officielle de chômeuse? A la naissance de Liselotte, j'ai basculé du "statut d'artiste" au statut de chômeur. Peu de changement si ce n'est que mes recherches d'emploi, très contrôlées, ne peuvent plus se limiter au secteur artistique, ce qui signifie : femme de ménage, c'est bien aussi. Soit dit en passant je n'ai rien contre, au contraire, sauf que j'ai moins de chances de rencontrer des gens qui me parlent avec aménité (c'est vrai que dans la pub, c'est mieux), et je ne suis plus artiste, je suis chômeuse. Je termine en vitesse car déjà le petit dèj se prépare. Je voudrais bien remercier ma copine et sa mère d'une façon ou d'une autre, (le faut-il vraiment, ou est-ce juste de l'hospitalité?) mais comment? Hier, on est allés acheter du vin à la coopérative (waouw), et je me suis demandé si ça avait du sens d'acheter une bouteille pas chère à quelqu'un qui a des sous et qui habite à 300 m de là? J'ai trouvé ça, mais au bout du compte, je n'ai pas de cadeau. Je préfère faire un dessin mais ça ne me coûte rien, et c'est un cas de conscience qui me fait faire des rêves nuls.

mar.

28

juil.

2015

Retour à l'essentiel

La pluie, le vent, tous les jours. Treize degrées, non mais oh!


Un mois sans écrire, c'est long. Je me sens coupable de prendre ce temps devant toutes les urgences qui m'assaillent : le grand départ en vacances familial est prévu pour midi, rien n'est prêt. Factures en retard, courrier en retard, pile de linge jusqu'au ciel, désordre général, garde-manger désert, chantiers en cours, promesses non honorées, laisse tomber.

Je savoure, tant pis, mon moment préféré, à l'aube devant l'ordinateur, même le chien ronfle; je sirote du thé vert tout bête, amer sucré, dans mon vilain peignoir vert anis, à ta santé.

Alors, les vacances? J'espère que tu as du meilleur temps que nous. Je le crois. L'été en Belgique, c'est quand même surprenant.

J'aimerais bien qu'on se croise pendant nos tribulations. A quand les grandes tablées riantes au crépuscule? Je vais sûrement voir Ju et Fa en Vendée, y seras-tu? Y serez vous?

Je pourrais te rendre Anna Karénine. C'est incroyable dans ce bouquin comme ils se balladent, tu trouve pas? Ils se croisent et se recroisent à Moscou, à Petersbourg, en Europe, à la campagne (la campagne en Russie, c'est pourtant pas mal grand, non?). Pourquoi pas nous?

Il me semble qu'à un certain moment ma vie aussi était comme ça. Maintenant moins mais quand même un peu.

Trois femmes chères à mon coeur sont réapparues presque simultanément ce dernier mois. Avec leurs univers concentrés autour d'elles, la sagesse, la beauté, la force. Parfaite trinité. Trois générations et trois modèles. C'est la vie.

C'est beau mais on a jamais le temps de rien.

En plus j'ai reçu un smart phone dernier cri (iiiiiiihhh!), merci l'arnaque, je te raconterais si j'arrive à le mater, incroyable mangeur de moments. J'ai peur.

En attendant je vais chercher une pelleteuse pour ranger le salon.


Alice, dans les starting blocks. 1,2,3, go!


mar.

30

juin

2015

Longues journées d'été

lun.

22

juin

2015

C'est la première fois

Que j'ai besoin de porter un bonnet à la vieille du mois de juillet. Un bonnet de marin en laine feutrée, dont l'étanchéité n'a même pas été à l'épreuve d'un petit parcours sous la pluie. A présent, je suce des pastilles pour la gorge. Me voilà désoeuvrée et malade.

Je sors d'une plongée dans ce qui est redevenu mon travail - mais comment en suis-je arrivée là?

Plus que de courrir dix heures par jour, ce sont les changements d'ambiance qui sont fatiguants.

Tôt le matin, avant que tout le monde ne me réclame, je m'arrache à mon foyer. Je traverse le village à pied sans croiser personne. Je saute dans une voiture pour aller à la gare, le chauffeur démarre avant que j'aie le temps de fermer la portière. Dans le train avec mon amie, un petit cordon me relie encore à la maison, au jardin, aux enfants qui dorment et à leurs petits pieds chauds. Arrivées à Bruxelles, je traverse la gare du midi, tout le monde court. Je sors dans le quartier des Abbatoirs qui par comparaison, semble dormir encore. Quelques collégiens, quelques ouvriers aux terrasses des cafés grecs. Je me presse un peu, je suis en retard. Je sonne à la porte de l'atelier -ici personne ne dort- et je monte au bureau, le dessinateur est là, et la comptable aussi, et aussi une stagiaire, ils parlent au téléphone devant leurs énormes macs. Debout parmi eux, je me sens étrange avec mon silence et ma torpeur. Je mouds un café (c'est chic) dans la kitchenette en regardant les plantations sur la terrasse. Au rez de chaussée, des bruits de portes et de moteur se font entendre, on m'attend pour charger le camion. On parcourt un dédale d'étagères à la recherche d'objets marqués d'un post-it rose. Quelque part dans la cave, au rayon "chambre d'enfants", on prend presque tout. Il faut aussi des outils. Une bombone de gaz et un brûleur, c'est lourd mais ça peut être utile, dans la pub, la peinture ne sèche jamais assez vite.

Je monte à l'avant du camion, entre mes deux collègues (ceux que j'aime bien). Un peu en hauteur, on voit tout et on raconte des conneries, on continue à charger le camion à travers la ville. On arrive au studio. On peut garer vingt camions dedans, c'est vide et c'est coupé du monde. On monte doucement notre décor, d'abord le plancher. Les constructeurs ne sont pas des as, ils sont lents et n'ont pas reussi à assembler les feuilles de décor correctement. Je propose de les aider à rectifier mais non, ils disent que c'est bien (ta gueule, femelle, tu vas pas m'apprendre mon boulot quand même). J'attends qu'ils finissent, je fais les cents pas dans le studio, je vais voir chez les voisins qui sont plus avancés et plus sympas. Attendre, attendre....Les constructeurs partent et moi j'attaque, si je fais vite, je serais tôt à la maison. Poser la toile prépeinte, la peindre (rose en bas, beige en haut), peindre les moulures, les vernir, peindre les chassis, les patiner : il est déjà trop tard pour rentrer; je reprens mon rythme cool. Le chef arrive -"mais c'est quoi c'est panneaux mal posés!? Tu ne sais pas que c'est à toi de t'assurer que les constructeurs font bien leur boulot? Je ne devrais pas avoir à t'apprendre ça, ah non mais c'est pas vrai on peut compter sur personne, etc...-puis repart.



Une fois le décor monté, les huiles arrivent. Ca pinaille et ça pinaille - moi j'ai travaillé avec le chef op de Jim Jarmusch - ah ouais et moi avec celui de Kubrick (et toc). Et moi Ulysse, je pense qu'ils auraient été moins maladroits en commencant par Salut. Ca devient très fréquenté, certains glandent debout près du frigo ou allongés dans le canapé, le mac à portée d'oeil (quand les huiles sont là, on apporte des canapés. En cuir). Repinaille et repinaille, plus rose mais pas trop. On a le même avec un centimetre de moins? Tu peux me le faire en beige? En beige plus foncé....blablabla. Le match de foot télévisé va bientôt commencer : tout d'un coup le studio se vide. Je suis déchargée de la mission de coudre une housse de couette sur mesure pendant la nuit. Joie. Personne ne surveille plus les frigos, on prends des bières, des yaourts bio des avocats et des mangues "ready to eat", un gros fromage. On remonte dans le camion, bien dosés. Comme je ne suis pas pressée de rentrer (c'est déjà trop tard), les collègues font un crochet pour voir une maison. To be continued, je vais lire Conrad sur tes conseils

lun.

15

juin

2015

"Je vais y arriver", disait Captain F.

J'ai une montagne de choses à faire, haute comme le Mont Ventoux et noire comme les Monts Noirs.

 

Le ciel est couvert de nuages blancs, sans bords.

Le jour est frais comme un jour d'été en dessous des normales saisonnières.

 

J'ai réussi à monter les 44 marches de la maison avec une tasse de café tiède pleine à ras bord. Il m'a fallu passer de biais la porte de l'étage intermédiaire, bloquée par les deux cartables noirs. Le faire en silence, pour ne pas réveiller l'enfant malade. Tout en haut, sur mon bureau, m'attend un tas de choses à trier. Sur le dessus: un petit trépied que je n'arrive pas à utiliser, celui que Barbara nous a donné il y a trois ans. Un petit bocal, qui contient une mèche blonde de cheveux - la première que j'aie coupé à mon fils. Une clé USB, un petit cintre en plastique qui pourrait peut-être servir le 8 juillet avec Julien et toi. Un patron pour fabriquer un sac qui se transforme en tapis de jeux, que je trouverais utile pour que les enfants soient autonomes avec leur sac de vacances cet été. Un drôle de cube en bois (une chute récupérée dans une scierie), reliquat d'un atelier donné à des enfants il y a trois ans, sur lequel il y a écrit "penser à l'amour". De l'autre côté, sur la face posée contre le bois de la table, il y a écrit "penser à la mort". Les enfants m'avaient dit ces deux phrases. Il y a aussi une photo de mon grand-père qui embrasse un bébé de trois jours. C'était moi, ce bébé là. Et puis : un marqueur indélébile, un pompon rouge.

 

Tout est posé là autour de moi, dans ce monde. Tout est posé et tout est calme. Même les cris des enfants en récréation, dehors, au loin, sont calmes. La cloche qui sonne ses onze coups est calme, régulière.

Par contre, à l'intérieur de moi rien ne semble posé à sa place, rien ne semble calme.Tachycardie, fourmillements, impatiences.

 

Cet après-midi je serai obligée de rentrée dans une bulle ouverte. Ce sera comme quitter un pull qui gratte. Il faudra que je prête toute mon attention à ces enfants aveugles qui viendront danser avec Pascaline. Regarder, écouter, sentir, prendre quelques photos peut-être.

C'est une autre Pascaline que la tienne! Rêche comme un tas de pierre et douce comme un tapis de mousse.

 

Entre vingt-quatre et trente deux ans, j'ai vécu une période souple et ouverte comme l'avenir. Je ne m'en rendais pas compte! Le temps m'appartenait, il était fleuve et il était océan. À la terrasse des cafés, avec les hommes, avec les amies. On dansait si souvent.

Alors, je ne voyais pas le squelette sous les traits enfantins d'Isaac comme je l'ai vu ce matin dans le demi-jour. Sous le modelé de sa nuque et sous l'arrière de la tête, sous la ligne continue de son front, de son nez, de son menton, le contrejour et ma fatigue laissaient apparaître le crâne: ce qui est depuis toujours et avant tout, sous la peau, une tête de mort.

Quand j'ai eu trente ans, je disais que vingt ans, ça n'était pas un si bel âge. Que je n'y reviendrais pour rien au monde. Aujourd'hui il me semble que j'ai laissé filé ma jeunesse sans y prendre garde. Mais n'est-on pas tous comme ça? Comment prendre conscience de ce que l'on croit être soi et qui n'est en fait qu'un moment de la vie? La jeunesse ne nous appartient pas plus que la fleur appartient à l'arbre.

Pourtant, aujourd'hui où tout est plus complexe, je suis infiniment reconnaissante à la vie de m'avoir fait suivre ce chemin là: celui de la nuance, de la fin de l'absolu. Tout est devenu tellement plus mystérieux.

dim.

07

juin

2015

Tu as raison: l'orage venait de chez moi

Le ciel ici aussi était noir d'encre.

Je suis sortie de la maison à 16h25 en robe légère et en claquettes en plastique, taille 44. J'avais mis un imperméable, en cas.

À partir de 16h26 et jusqu'à ce que j'arrive à l'école à 16h29, des mégalitres d'eau me sont tombés dessus, du ciel, d'un seul coup. Comme l'éclatement du grand vase de la colère. J'avançais pieds dans l'eau noire sur la chaussée, dans les flaques ondoyaient des taches d'essence irisées. Ma robe trempée me collait aux jambes et même sous mon imperméable, c'était trempé. Ceux qui étaient bien à l'abri ont beaucoup ri en me voyant arriver. J'étais heureuse d'être là, sous cette eau du ciel brusque et violente, après avoir été engluée dans une journée étouffante et épaisse.

Je me suis souvenue de la fois où Maxence Camelin habitait chez moi et que, en voyant un de ces fameux orages alsaciens se préparer, on avait à toute vitesse enfilé nos maillots de bain et on était partis courir pieds nus sous les trombes d'eau. Les rues étaient désertes, on a couru et ri et crié à en perdre le souffle. Le boulevard d'Anvers était bordé de platanes, secoués avec violence et sans ordre aucun.

On était jeune alors et on s'en foutait pas mal de ce que les autres allaient bien pouvoir en penser. Plus même que de s'en foutre, on voulait provoquer la surprise, casser quelques barrières invisibles. Il y a deux jours, j'étais juste sortie chercher ma fille à l'école. Pourtant, être trempée comme ça en jupe et jusqu'à l'os, par cette chaleur et sous cette tension orageuse, avec les autres qui riaient en me voyant passer, ça ressemblait à cet effritement des frontières que je cherchais plus jeune.

Pia, elle, était au bureau. Ellle était déçue de ce que ça a donné, comme spectacle, cette fois-ci.

Je crois bien que l'orage n'a pas complètement éclaté, et qu'il est allé à son climax jusque chez toi, trouver ton Monsieur et ses larmes dans la baignoire.

En rentrant, j'ai vu un nuage molletonneux comme un lit de plumes et nuancé en tant de gris que je ne pense pas que les noms de toutes ces couleurs existent..

dim.

07

juin

2015

Drame météo puis retour du soleil

Retour du beau temps, retour du temps libre.


La semaine dernière, je travaillais à Malines. C'est une petite ville qui a autrefois été importante, c'est le début de la province d'Anvers, une ville flamande, bien policée. Les habitants roulent beaucoup à vélo.

Vendredi 5 juin. L'homme chez qui je travaille me fait visiter la maison qu'il vient d'acheter. Elle est énorme. Il fait une chaleur terrible surtout dans les étages, on resdescend vite. La famille doit déménager dans deux semaines, les parents et deux jeunes enfants. Tout est urgent. L'orage arrive. Il ont acheté la maison pour élever leurs enfants à l'aise, chacun leur chambre, un beau jardin, un chouette quartier. Deux semaines après avoir signé l'acte de vente, la femme est partie avec son patron. Il vont revendre la maison, plus tard, il ne savent pas quand.

Un vent incroyable se lève, du jamais vu en Belgique. Le ciel est si noir qu'on dirait que la nuit est tombée. Le vent soulève toutes sortes de choses, des papiers, des feuilles, des objets en plastique, il envoie du sable et de la terre dans le visage des cyclistes. Tout le monde se cache, se plie en deux. La vie s'arrête et c'est plutôt effrayant.

La salle de bain, c'est la première urgence, debouts sur le bord de la baignoire nous cherchons ce qu'il faut faire pour camoufler au mieux les craquelures d'un ancien dégats des eaux. La voix de l'homme change, il craque, des larmes sont accrochées à ses yeux. Je ne peux pas le toucher, le rebord de la baignoire est trop instable, dehors il fait noir et le vent souffle si fort qu'il nous paralyse.

J'attends calmement la fin de l'orage comme j'attends la fin des pleurs. Il faut encore qu'il me montre la grande chambre à coucher.


Enfin, comme je disais, le soleil est revenu. Je fais le jardin comme je peux, petit à petit, mais c'est toujours assez pour une petit famille comme nous. Courgettes, brocolis, tomates, salades, persil, haricots et maïs, c'est tout. Je trouve qu'il manque de l'ail et des oignons. Et aussi des concombres mais chez nous ça pousse pas.

Hier j'ai regardé le film le plus marrant que j'ai vu depuis longtemps L'enlèvement de Michel Houellebecq, sur les conseils de Fa, ah c'était bien, j'en ris encore.

ven.

29

mai

2015

Il faut absolument que je te lise un extrait de ce livre, page 501,

Ce fut je ne sais quoi de formidable et de prompt, pareil à l'éclatement soudain du grand vase de la Colère. L'explosion enveloppa le navire avec un jaillissement tel qu'il sembla que quelque immense digue venait d'être crevée à l'avant. Chaque homme aussitôt perdit contact. Car tel est le pouvoir désagrégeant des grands souffles: il isole. Un tremblement de terre, un éboulement, une avalanche s'attaque à l'homme incidemment pour ainsi dire et sans colère. L'Ouragan, lui, s'en prend à chacun comme à son ennemi personnel, tâche à l'intimider, à le ligoter membre à membre, met en déroute sa vertu.

mer.

27

mai

2015

Ça fait du bien de se voir un peu

J'ai entendu dire que Josefien était malade, j'espère qu'elle se rétablira bien vite.


Il faut que je te dise quelque chose : j'ai enfin bien rencontré Liselotte et j'en suis vraiment heureuse. On dirait qu'elle a enfin décidé qu'elle pouvait venir vers moi. Je ne voulais pas faire le premier pas mais je voulais qu'elle comprenne que j'étais là. C'était long, c'était pas facile, je me demandais si ça allait arriver, ou bien jamais, mais je ne voulais surtout pas la brusquer, la forcer, et puis je me sentais timide moi aussi en face de cet être sauvage qui regarde le monde de tous ses yeux plus clairs encore que le ciel le plus clair - mais tout aussi profonds.


Nous avons tous beaucoup aimé le feu, le jardin, la maison, les animaux.


Le printemps est enfin là.

Le doigt de dieu a dissipé les nuages, à moins que ce soit le vent avec ses joues rondes et sa bouche en o.

Hier soir, en rentrant de chez Sylviane., Raphaël a dit: "je ne veux plus m'agripper à ce qui n'est pas si important, même si ça nous a plombé tout l'hiver et même s'il faut quand même s'en occuper."

Cette phrase toute bête, toute évidente, m'a paru très lumineuse. La vie est là, dans le creux de la main.


J'ai aussi entendu une phrase à la radio: "les lumières des villes ont éteint les lumières du ciel".

C'est visiblement une phrase de poète.

De plus en plus éloigné de la fréquentation du cosmos qui l'entoure et dont il fait partie, l'homme se coupe de lui-même.

Comme Peter qui trouve que rentrer 8 stères de bois pour l'hiver, ça fait partie de la vie, je suis bien d'accord avec lui.


J'aimerais vivre dans une sorte d'évidence, avoir la foi sans en avoir honte.

Peut-être quand je serai très, très vieille, avec des jambes toutes tordues et une canne toute droite. Avec des rides profondes. Je préfèrerais avoir des rides profondes et marquées, comme des rayons ou comme des traits ou encore comme des entailles, plutôt qu'une peau flétrie et molle comme un pot de beurre mou.


Cette après midi au parc les dames arabes avaient emmené le thé, elles étaient sous l'arbre, à l'ombre, avec des chips et des gâteaux. Leurs fils faisaient des dérapages poussiéreux sur le gravier blanc avec le vélo d'Ella, l'air tout entier au-dessus de l'aire de jeux en était saupoudré. Il y avait aussi isabelle, qui riait fort.


Ella a grimpé dans un arbre assez haut. Elle y était si bien, si paisible. Elle voulait y rester. Elle me disait Maman, je veux en profiter, les jambes pendantes et qui se balançaient légèrement sous sa robe rose et bleue, celle qui a appartenu à sa tante.

Leya, en dessous, les yeux levés vers le feuillage, disait Cet arbre aime tout le monde, il aime Leya, il aime Ella maintenant.

Isaac courait: il vient d'apprendre à courir.


Je prête un grand intérêt à toutes ces sensations que les enfants savent goûter de tout leur corps.

J'essaie de m'entraîner à faire comme eux, à retrouver ça.


Quelle temps fera-t-il demain? je pars tôt, je voudrais préparer mes habits.

mar.

19

mai

2015

Cependant

Moi par contre j'ai rêvé qu'il fallait que je téléphone au constructeur d'insert pour voir si la garantie marchait toujours.

Ici aussi il y a du vent.

J'ai pensé que Gilgamesh, Ulysse, Œdipe et tous ces autres mecs qui avaient vu l'enfer avaient ensuite eu du mal à se remettre dans le commerce des hommes. Ils avaient eu en sortant un drôle de recul, un recul qui pourrait s'appeler proximité.

C'est la fréquentation de la vérité?

Que vais-je faire de tout ce que j'ai appris?

Ça fait des jours et des jours que j'écris des textes dans ma tête. Ils sont tous formidables et magnifiques. Et puis quand je passe à l'écran, voilà ce qui reste.

Ça fait longtemps qu'on s'est pas vues.

Il y a une rue Josephine à La Madeleine.

Est-ce que tu crois toi aussi que le ciel est en un seul morceau?

Que deviennent Olivier et Cécilia Bartissol?

Dans mes pièges à limaces, je ne prends que des escargots. Question: est-ce que mes pièges ne fonctionnent pas ou bien est-ce que ce sont les escargots et non les limaces qui dévorent mes plants?

Est-ce que tu es libre le week-end prochain? ici on a un lundi férié. C'est peut-être une fête religieuse, je ne sais pas. On avait envie d'aller à Bruxelles une journée, voir les amis. Tu veux pas?

Pourquoi les gens pètent si peu et moi non?

Comment ça se fait que les enseignants et le club de parents d'élèves décident de faire la kermesse de l'école un jour après le début du Ramadan, alors que 50% des enfants sont musulmans?

J'ai écrit. Me voilà rassurée. Malgré le piètre style de ces lignes.

lun.

18

mai

2015

confession

J'ai rêvé que je faisais l'amour avec l'agriculteur bio du village, Marc Laporte, dans une baignoire.

dim.

17

mai

2015

Ceux qui ont tout vu

lun.

11

mai

2015

“Le vent souffle où il veut ; tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va."

Moi non plus je ne fais pas grand chose, pas grand chose d'autre que peindre de hauts plafonds. Je suis courbattue.

J'ai eu un peu de temps pour me promener aujourd'hui, quel vent! Depuis ce matin qui souffle par raffale. Les nuages foncent à toute blinde. Des champs de blé vert, debouts-couchés-debouts. J'essaie garder mon calme, parce que ça énerve, le vent. J'avais oublié comme les corneilles adorent jouer dedans, j'en croise partout sur ma route, ça fait vraiment envie, elles s'éclatent. Dans le village, des pétales roses volent partout, ça donne un air mystérieux. Un cortège de mariage fantôme. Souffle, souffle, souffle, ça ne s'arrête jamais? Je refuse de penser à l'impermanence des choses. Corneille vole, papier vole, lessive vole. Les arbres à peine feuillus me font de grands signes. Qu'est ce que j'y connais moi, à l'amour?

dim.

03

mai

2015

Je fous rien

Il pleut. Ça commençait en petite bruine printanière et ça a fini en drache. Comme souvent ici en mai après un beau mars et un bel avril, il fait moche jusqu'à juin, voire juillet.

Mon père est à la maison, pour son anniversaire. Depuis qu'il a arrêté de boire, il fait boire les autres, c'est très fatigant. Et pas de la piquette, donc tu dis pas non. Il vient en train avec un carton de six bouteilles pour quatre jours, du foie gras, du magret. Il achète du poisson par kilos au marché, de la viande chez le boucher. Je tiens vaillamment le rythme mais ma santé s'en ressent, vu que j'ai eu beau m'entrainer longtemps et assidument depuis l'an 1999 (avant j'étais cloîtrée), j'ai jamais réussi à tenir l'alcool. Quand à la grosse bouffe on peut pas dire que ce soit mon quotidien. Je dois avoir hérité ça de ma mère. Ce qui fait qu'entre l'eau de pluie et l'eau de vie, je trouve ces jours-ci assez liquides. Haut-médoc, bruine, Cadillac, éclaircie, vin blanc de Loire, drache, Bourgogne blanc, couverture nuageuse, Bourgogne rouge, nuit. Le soir, un thé au jasmin et une aspirine et le tambourinement des gouttes sur le toit de l'extension.

À deux heures du matin, en général, je suis réveillée par le même père qui fourrage au rez-de-chaussée, jusqu'à 4 ou 5 heure. Allumage de lampes, déplacements d'assiettes ou de verres, toux, mouchages de nez, bruyantes ouverture de portes. C'est le problème du bruit chez les sourds. Consoler les enfants qui pleurent, réveillés en pleine nuit par les mêmes bruits, les mêmes lumières.

- Parle moins fort ça réveille les enfants.

- Hein? Je parle pas fort je chuchote.

Sourds d'oreille doublé de sourd du cerveau, ça donne, dans les discussions.

J'observe sans trop d'émotion, maintenant.

 

Bon.

Mais du coup je traine une fatigue certaine, malgré le fait que je ne foute rien.

 

Autre chose.

J'ai pas réussi à te trouver sur les images du carnaval sauvage. Une touffe de sapin avait tes yeux, mais je ne suis pas sûre. J'ai reconnu Julien après maintes recherches, et c'est par le style que je l'ai eu (les perles). J'ai trouvé Lou grâce à sa tête, trouvé Ramona grâce aux yeux. Pas trouvé Till non plus.

Tiens, Till, je me demande ce qu'il fait quand il pleut. Et l'hiver, aussi, quand les sols sont trop durs.

 

Bon, je vais me reposer, j'ai fini trois bouteilles, ce midi. Il en restait pas tant que ça, mais le mélange.

Je vais chercher le nom de ces indiens qui ne tiennent pas l'alcool.

dim.

03

mai

2015

Bons plans

Je viens de relire les deux prédents posts : bons plans + histoires, et ça me rappelle certaines idées fameuses de bons plans que j'ai entendues et que j'ai moi-même eues et ça me fait vraiment rigoler. Je trouve cette forme d'art splendide, et je l'appelle l'Art de la loose. Attention, avoir l'idée ne suffit pas: il faut aussi rater la mise en oeuvre.

J'énumère donc :

Monter un club de derviches tourneurs, vendre des grigris, ouvrir un magasin d'outils de seconde main, commercialiser le tracteur à poules, vendre des accessoires anti-incontinence lors de réunions Tupperware, produire des fleurs bio, élever des insectes, vendre des dessins par abonnement sur internet, produire un succédané au tabac, ouvrir un "fermentation bar", importer des strings en Iran,  braquer les dépots de la croix-rouge....blablabla

J'aurais d'autres souvenirs plus tard, mais là je dois aller boire du thé, une longue journée m'attend et il parait qu'il va pleuvoir.

sam.

25

avril

2015

L'important c'est l'histoire

Je prends cinq minutes dans mon travail sur le même texte chiant dont je ne trouve toujours pas la fin, pour une petite considération méthodologique.

Ca fait je ne sais pas combien de temps que je cale sur ce bête texte. A chaque ligne, je trouve des mots, puis je les jette car soit ils sont trop gnangnans, soit trop galvaudés, soit ils ne sont carrément pas justes (c'est fou comme ça m'arrive vite de n'être pas juste). Et je rame et je rame. Et je m'inquiète car je me suis promise de finir un jour Manuchehr et je sens bien que ça ne va pas aller. Je renonce. Et puis tant pis, je vais tirer à la ligne (je dois faire trois pages), ça me fera un bon exercice. Et pour ça il faut quand même que je me demande ce qui doit ce passer vraiment dans ce petit récit. En fait, c'est quoi l'histoire? Et pourquoi il est là? et comment il est venu? avec qui? qu'est ce qu'il veut, le gars? Il a quel âge? Il habite où? Et voilà, la pelote se déroulle tranquillement, les mots se mettent simplement là où ils doivent aller, sans chichis. Ils trouvent leur fonction et moi je trouve un style qui se tient, parce que je n'y fait pas attention. Arch, c'est bon.

 

Depuis le début, depuis qu'on sait parler, combien a-t-on raconté d'histoires? Et si on a déjà tout raconté, si toutes les situations réelles ou imaginaires ont déjà été racontées, sur quoi on peut encore s'arrêter? Je croise ma voisine et elle me raconte une histoire, j'allume la télé et je regarde des fictions, à la radio, un documentaire sur un type rattrapé par une erreur de jeunesse. Plus tard le soir je lis un livre à mes filles, j'en prends un autre pour moi, avant de m'endormir. Qu'est ce qu'on fait d'autre au juste que de raconter et d'écouter des histoires? Je me suis déjà souvent demandé si je ne vivais pas ma vie, si je ne traçais pas ma route en fonction de l'histoire que je voudrais raconter à ma descendance.

 

C'est ça, la puissance des mots?

 

 

 

 

 

mer.

22

avril

2015

Le fond de l'air est frais

Bien que le ciel soit radieux, ce qui d'habitude ne manque jamais de me mettre en joie, je sens quelque chose de mort dans mon coeur. J'ai pourtant l'air bien en forme, je range, je nettoie, je suis pimpante et souriante. Je dis ouioui. Ah oui d'accord; mais mes pensées sont sombres. Je cède à l'inquiétude, au désespoir, pour quelques jours. L'intérieur de moi, est-ce mon esprit? Je suis comme paralysée, je ne produis que de tous petits mouvements. L'intérieur de moi, est-ce mon ventre? Des deux, c'est ce que je ressens le mieux. Quel qu'il soit, à l'intérieur, j'en chie.

 

Ps: t'inquiète pas hein tout va bien en fait, j'avais juste envie d'écrire ça.

mar.

21

avril

2015

Rien que du vent

J'observe avec intérêt l'érable du jardin (si c'en est bien un) couvert de pucerons et de coccinelles en pleine copulation. Je ne traite pas. Je me demande si l'histoire, c'est pas tout bêtement que le milieu doit se retrouver un équilibre après changement de propriétaire (et de façon de jardiner). Pucerons, limaces.

Oui, mais aussi milliards de fleurs à venir au lilas, première feuille de vigne, compost, recoins nouveaux. Il me semble que le sol, qui était plein de sable, s'est petit à petit quand même bonifié. Même si on est en pleine zone CEVESO, je suis sûre. Ou si ça ne l'est pas ça devrait l'être. Mais. Possibilité de tailler le buis pour voir le camélia, abri pour le bois à concevoir, etc.

Je vois pas ce que je peux désirer de plus. Mon cœur déborde de ça, tout ce printemps, ce minuscule bout de terre dont je peux m'occuper comme d'un troisième enfant.

J'aime tellement parler de mon jardin et de la nature, c'est affreux.

Je peux lire des livres entiers qui parlent des arbres, des animaux, des changements climatiques, des plantes, des insectes et de la lumière qui baigne tout ça, des sons - de la création, quoi, avec ou sans God, Gott, Dios, Dieu, Dio, Allah, YHVH, etc.

 

Je suis frappée par l'impassible.


Je travaille énormément et sans discontinuer.

J'apprends, à mon corps défendant, la lenteur et l'enracinement. Je scrute les moindres scories qui flottent en surface, je contemple et j'accepte leur miroitement complexe. Dans le corps physique, je cherche le chemin qui mène au-delà de la volonté, au-delà de la force et de l'adresse, jusqu'à sentir l'os entouré de peau d'os et entouré de muscles, l'agencement avec l'os voisin, le nerf en bouquet ou en filaments. Je vais dans l'immatériel pour ouvrir les portes que je trouve sur ma route: raconter les histoires attachées aux lieux du corps, prêter mon attention aux sensations, suivre des animaux et des êtres dont je ne soupçonnais pas à l'intérieur de moi l'existence, les combattre parfois, les aimer si possible, remonter dans la généalogie familiale et faire des découvertes fondées - sans autre document, pourtant, que le corps. Je tente avec application à me soustraire à la mauvaise foi.

Le voyage est long et très beau, je n'en connais pas de plus beau. Cette multitude de formes, de couleurs, de possibles.

Tout ça pour être si difficilement simple, pour savoir être avec les autres et avec moi, pour sentir le flux du temps qui mène à la mort de chaque chose et au recommencement des cycles.

Intimement, la déflagration est de taille.

 

Par contre à l'extérieur, rien ne bouge que le vent.

 

J'ai un souhait pour la lampe: raconter une histoire.

lun.

13

avril

2015

J'ai bien réfléchi: je ne pense pas que les vaches chient couchées

Il fait frisquet, non?

Ma rhinite allergique a disparue de la même manière qu'elle était subitement revenue, à l'automne dernier.

Le corps humain est une bien étrange machine.


Moi, je n'écris pas plus qu'avant, malgré nos prédictions météo.

Mais j'en suis la seule responsable.

C'est à dire, je n'écris pas plus qu'avant: pas plus long, surtout.

J'écris autant qu'avant, alors. J'aurais aimé écrire non pas plus, mais plus long. Moins de textes courts.

Mais quoi dire?

Ça fait un an que ça dure, et même peut-être plus, au final. est-ce que j'ai jamais eu quelque chose à dire?


En fait je pense que oui, mais je ne sais pas si je vais y arriver un jour.

Je laisse de la place, beaucoup de place, mais peut-être pas encore assez.


À quelle sauce vais-je être mangée à présent?


Les hommes dans la rue ne me regardent pas, j'en conçois une étrange déception.

C'est que ma jeunesse est bientôt finie, faudrait en profiter encore un peu.

C'est cette austérité, ou bien mes dents. Ou bien encore est-ce l'absence de printemps? L'absence de cheveux? L'absence de jambes?

Diable. Ou bien est-ce parce que je ne le souhaite pas?

Bon, je vais me remettre à mon infâme travail: préparer une table ronde en tant que médiatrice - j'aurai donc fait ça aussi.

Je le fais pour l'argent et pour l'expérience.


PS/ Ulysse n'a jamais rien glandé d'autre que

1. du bateau

2. la guerre contre des humains et contre des dieux

3. des banquets

4. séduire des femmes (Pénélope, Calypso, Circé, Nausicaa, c'est pas les plus moches ni les plus empotées).

5. raconter

Raconter, ma vieille! raconter! C'est bien ça qu'on cherche, non? Moi oui, en tout cas. Raconter!

Au jour d'aujourd'hui, je sais que j'arrête tout le reste parce que j'espère bien arriver à raconter.


signé: Vendredi

dim.

12

avril

2015

Odyssée

Ah très chère, moi non plus je n'aime pas travailler, c'est pour ça que j'ai choisi d'être un héros. C'est vrai que le métier de roi, c'est déjà assez pèpère, mais c'était encore trop pour moi. Je me sentais un peu potiche, les banquets, les banquets, je t'assure qu'à la fin j'en avais soupé. Je préfère attrapper le scorbut en naviguant comme un perdu pendant vingt ans. Sans compter qu'Ithaque, c'est super joli mais on en a vite fait le tour. Oui, bien sûr, on peut me reprocher d'avoir abandonné ma famille, je n'en suis pas fier, mais on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs et je te parie que plus tard c'est eux qui le seront, fiers. En tout cas, j'aime mieux être livré à mon destin, aux tempêtes, aux monstres, être malmené et emprisonné, même violé que de subir bêtement une routine asphyxiante.

Ah, mais voici que s'avance l'aurore aux doigts de rose, faut que j'y aille, Calypso m'a demandé de balayer la cour.

A très bientôt ma chère, pour de prochaines palpitantes aventures, je t'embrasse,

Ulysse Rétorré



ven.

10

avril

2015

Cher Ulysse,

Ulysse! Te voilà de retour. C'est formidable. Tu es partie loin? T'as croisé les sirènes et planté ton pieu dans l’œil du C.?

Ici aussi le printemps est d'une légèreté ahurissante.

Je passe mon temps courbée sur le sol à enlever des herbes, à construire des cabanes (et à jarter les crottes de chat, si je pouvais les buter, ceux-là). Je retrouve les mini limaces (qui seront beaucoup plus grosses quand elles auront bouffé mes semis) et je me demande si mon beau-père pensera à m'apporter un crapeau depuis la Vendée. Tiens, le dictionnaire du logiciel ne connait pas crapeau. Comme quoi.

J'ai rêvé que j'étais Vendredi, le vendredi de Robinson, celui qui fait des cerfs-volants et des enfants-mandragore. Être Vendredi, c'est beaucoup mieux qu'être Robinson. mais je ne suis pas sûre que ce soit rentable. Par contre, c'est vrai que le vendredi, je suis moi. Est-ce que ça veut dire que je suis Vendredi? Vendredi Bouts. Non, c'est mieux sans nom de famille. Oh et merde, je sais pas.

Avec R. on se disait: tu te rends compte comme tout serait parfait si on avait pas de problèmes? C'est vraiment une idée digne d'être notée, n'est-ce-pas?


Boire de l'ortie et lire de la poésie, c'est vraiment la même chose, beaucoup plus la même chose que trouver quelqu'un pour porter des tuiles ou se faire faire un massage du dos, désolée de te contredire.

J'ai terriblement envie de passer ma journée à dire des conneries en terrasse avec un verre de vinho verde. Pourtant il va bien falloir que je me décide à finir ma comptabilité, c'est à dire que je la rentre sur le site des impôts et sur le site de la MDA. Ah, le logiciel connaît le mot impôts mais pas le mot vinho verde. Grave faute.


Tu ne trouves pas que je suis horriblement sérieuse?

Pourtant, il faut que je dise quelque chose: c'est très dur de travailler en collectif avec moi parce que je préfère discuter au soleil ou draguer plutôt que de travailler. J'ai bien réfléchi au problème de Nantes et je me suis rendue compte qu'en fait, tout venait de là. Je n'aime pas travailler, je n'aime pas travailler, même quand c'est de l'art ou pire: surtout quand c'est de l'art. Et ça a toujours été comme ça.

Je suis foutue.


Bon, je m'y mets.

ven.

10

avril

2015

Légèreté printanière

Chère Marie,

C'est peut être à cause de ce temps splendide que j'ai envie de retrouver la fraîcheur de notre vraie correspondance. Peut être que j'aurais dû commencer par ne pas mentionner le temps. J'ai l'impression d'avoir attrappé des tics avec cette météo. Où sont tous mes gros mots, les phrases sans verbes, les grosses boutades de potache? Ah. T'as remarqué comme on ne s'écrit plus de mails? Bon, par contre on (enfin moi) écrit plus, plusplus même je dirais. C'est pas pareil.

J'aimerais bien te donner des bonnes nouvelles mais chez moi c'est la routine.

Je vais tout à l'heure faire un nettoyage de jardin chez une dame du SEL, pour pouvoir ensuite avoir assez d'unités, soit pour nous offrir un massage de dos, à Peter et à moi, soit pour trouver quelqu'un qui nous aide à monter les tuiles au grenier. Au niveau du dos, ça revient un peu au même. J'aime bien faire partie du SEL, même si j'ai pas trop le temps.

Demain, ma copine violoniste m'emmène à Bruxelles. Pendant qu'elle donne le concert, moi je ferais un devis chez SaÏda, une femme tellement gentille que ça me rend méfiante. Faire un devis et acheter de la sauce soja, ça dure à peu près autant de temps qu'un opéra, c'est bien foutu.

L'autre jour, j'ai encore pris le train, entre onze heure et minuit le lundi de pâques. J'ai encore vu des trucs pas possibles, je vais pas les raconter là parce que c'est dur à raconter (frustrant, hein?) mais c'était sacrément folklo. C'est un comble d'être aussi statique pour quelqu'un qui aime autant les transports.

J'ai décidé de faire une cure de poésie et une cure d'ortie. Je ne lis jamais de poésie or j'ai l'impression que ça me fait du bien. Je vais m'en faire tous les soirs un petit peu. Le problème c'est que j'en ai pas et que c'est pas idéal d'en emprunter à la bibliothèque, c'est mieux d'en avoir sous la main, je trouve. S'endormir tôt grâce à la poésie, se lever tôt et boire une tisane d'ortie (invasion au jardin) je compte retrouver une super forme.

Hier j'ai lu

Les moindres instants d'une nuit de printemps

Valent plus de mille pièces d'or.

C'est bateau, mais c'est 100% vrai.


Sur ce, je t'embrasse, j'espère qu'on se voit bientôt,


Ulysse



jeu.

09

avril

2015

Que se passe-t-il ensuite?

Je suis coincée dans mon récit, pour le coup j'ai vraiment l'impression de trop tourner en boucle mais c'est pour une "commande". C'est là où je m'apperçois que se répéter à l'écrit, c'est pas du tout aussi simple que se répéter en dessin. Je dois trouver ce qui pourrait arriver au personnage.

 

     

 

      Dans le ciel pâle, la lueur de la première étoile naquit. Autour du camp, délimité par blocs de roches épars, les hommes allaient et venaient dans le soir brûlant, presque nus, couverts de poussière. Tous avaient le même teint terreux, violemment éclairé par le soleil du crépuscule. Les ombres s'allongeaient et la chaleur de la journée s'évanouissait, rendant l'air du désert peu à peu plus respirable. Alentours, les rochers baignaient dans une lumière couleur de safran, se détachant sur le bleu des sommets dont les cimes blanches semblaient suspendues dans le ciel. Jason se leva pour aller apporter son aide aux hommes qui préparaient la fête. Dans l'air, une odeur de grillade s'enracinait. Les hommes se succédaient autours de feux et cuisaient de la viande. Entre les rochers, on appercevait l'horizon désolé qui ternissait; la limite entre le ciel et le sable se perdait dans l'infini. Arrivée de nulle part, une petite foule se rassemblait et attendait ; des gobelets d'une boisson amère circulaient. Jason observait en plissant les yeux; il n'entendait rien qu'un léger vrombissement; le bruit était-il absorbé par le silence du désert?

Une fois le soleil disparu, le noir s'installa brutalement, sans lune pour le rompre. Au-dessus de sa tête s'étalait un tapis d'étoiles infini; un vertige le prit en les regardant. Il resserra son champ de vision sur la fête ; il ne distinguait que des éclats de lumière blanchâtres. Près d'un feu, clignaient des reflets fauves sur les visages aux orbites creusés.

La musique arriva progressivement, ici un rythme, là-bas un chant. Puis elle s'intensifia, petit à petit. Les hommes cessèrent de parler et se mirent en mouvement, les uns après les autres. Ils étaient hypnotisés par la nuit désertique, le feu et la musique. Chacun comtemplait en solitaire, perdu dans ses pensées, absorbé par le rythme et les éclats de lumière. Les visages et les silhouettes étaient indiscernables dans l'obscurité. Tous les êtres indiféremment bruns, velus, voutés, semblaient arborer de denses sourcils et de larges sourires, des yeux brillants comme des pépites. Ils frappaient dans leurs mains et levaient les bras en l'air, jetant aux cieux leurs paumes aux doigts écartés qui se détachaient du noir comme des peintures rupestres.

Le rythme trépidant des percussions cachait un rythme beaucoup plus lent, une boucle coulant comme l'eau d'un fleuve. Tous dansèrent d'abord en cercle, en dessinant de grandes voltes au sol. Jason regardait les visages devant lui qui disparaissaient et réapparaissaient au fil de la ronde, le clignotement fugace des yeux aux pupilles habitées par des braises.

Selon un protocole issu de la nuit des temps, après que tout le monde fût imprégné de musique et de danse jusqu'à la moelle épinière, le rythme changea. Il se fit plus sourd et plus violent ; alors les danseurs commencèrent à tourner sur eux mêmes, s'oubliant dans un tourbillon infini. Ressérré sur lui par la force centrifuge, Jason ne pensait plus et s'abandonnait à la sensations de ses mouvements freinés par le tourbillon, comme s'il eût été dans l'eau. L'axe de son corps faisait le lien entre la terre et le ciel, il tournait en méditant, envahi par une plénitude que extatique. Etre là, à tourner parmi ses congénères, tous à la fois identiques et uniques, lui paraissait être une expérience indispensable à la connaissance, levant le voile sur le mystère de la condition humaine. C'était l'éveil.

Puis, peut être avait-il trop bu de ce breuvage? Il se passa quelque chose, mais quoi?


J'ai cette réserve de mots mais peut être que c'est ça qui coince, pourtant je partais du principe que la contrainte, ça aide :

noms: cosmos ténèbres mystère combustion éclat éclair scintillement ardeur rayon escarbilles piquant imprevu sec destin souffle

adj:  fugace brillant insaisissable dangereux blond rutilant obscur précieux fragile rare libre

verbes : attirer jaillir brûler disparaitre exploser éclater


 

1 commentaires

ven.

03

avril

2015

Réponse kabbalistique (citation)

L’Adam fait l’expérience d’une grande plongée dans ses profondeurs pour aller découvrir l’autre côté de lui. Il entre dans une extase, disant : « Voici celle qui est os de mes os, et chair de ma chair. » En hébreu, le mot « os » est le mot qui est employé pour parler de la partie la plus

profonde de soi. Si je veux dire moi-même dans le sens de ma plus grande profondeur, je vais dire mon « os ». Et le mot « chair » en hébreu,

Basar, est un mot extrêmement intéressant, parce qu’il contracte le premier mot de la Genèse, qui est Bereshit. Le mot Bereshit que nous traduisons très mal par « au commencement», car cela n’a jamais été le commencement de notre historicité. Le mot Bereshit

signifie « dans le principe » : le principe qui nous habite, qui m’habite, qui est présent.

...

L’autre côté de nous est infiniment riche d’énergies potentielles. C’est un cosmos entier. Quand il nous est dit, dès le départ, que «dans le principe, Dieu créé les cieux et la terre », cela signifie que les cieux sont à l’intérieur de nous. Les Evangiles vont le confirmer.

Les cieux, c’est un cosmos immense, un potentiel immense, peuplé de vivants –haiot, la «vie » en hébreu. Ces vivants sont symbolisés par des animaux. Des animaux que nous connaissons dans notre monde extérieur, mais qui sont à l’intérieur de nous. Souvenez-vous de Basile de Césaré, en particulier, qui dit : « Ça hurle, ça pique, ça mord, ça déchire, ça tue à l’intérieur de nous. » Nous avons une puissance, une énergie, une violence énorme à l’intérieur de nous. D’ailleurs, dans les Evangiles, le Christ dit : « Si vous voulez conquérir le royaume, pénétrez votre violence. » Allez nommer tous ces animaux, là. En effet, Adam va être appelé à nommer les animaux, non pas pour voir s’il appelle un chat un chat, et un tigre un tigre. Mais pour nommer, pour voir ce que cela constitue pour lui. Afin que ses énergies potentielles deviennent de l’information, que nous les intégrions. Nous savons aujourd’hui – en physique quantique – que l’énergie, c’est de l’information.


ven.

03

avril

2015

Sidération

Je mène une vie d'un ordinaire sidérant.

Je ne crois pas que je parle de mes activités quotidiennes à proprement parler, encore que je n'aurais jamais imaginé passer autant de temps à ranger. Non, je parle des fonds qui donnent à la surface cet aspect si lisse ou à peine ridé.

Mais!

Cette impression d'exulter, que j'avais à vingt ans, liée à l'ennui écrasant qui avait précédé cette première vie d'adulte, l'ennui de l'adolescence, l'ennui sans fin comme une île d'où j'observais ce qui me semblait être d'une assourdissante médiocrité: la vie d'adulte. Des vies sans extase, sans élans, des vies sans envols du cœur ou de l'âme. Des vies résignées, des vies concrètes, aussi nuancées que l'était le réel. Des vies sans révolution, qui avaient fait le deuil de l'art, de la beauté, de la lutte contre l'injustice.

Se jeter contre des murs de ciment, alors, et les détruire.
Ouvrir sa bouche pour crier comme une bête, alors, et créer. Créer! Nom de Dieu!

En souvenir, je garde une photo d'Henri Miller accrochée au mur délavé de mon antre.
Lui qui savait écrire et mener une vie d'un autre niveau.
Mais je ne regrette rien, non. Dans cette perte, j'ai récupéré mon corps et deux enfants. Et je ne me coltine plus le désespoir mégalomane d'être à ce point en-dessous de mon génie.

Pourtant, il me semble qu'une petite frange de l'humanité continue de planer sur ces pégases de la jeunesse. Je les admire. Je sais ce qu'ils consument, je sais aussi ce qu'ils perdent. Par contre, je ne sais pas ce qu'ils gagnent - ça leur appartient et ça m'est fermé pour toujours.

Si je me réincarne, je ne souhaite pas être une humaine. Un animal m'irait bien mieux. Une tortue, une corneille, un cachalot.
Mais je ne pensais pas à ce point que connaître mes enfants me suffirait - bien qu'en réalité ça ne me suffise pas.

sam.

28

mars

2015

Les hommes devraient mettre des robes

ET des bijoux, et des plumes, des vestes brodées, des pantalons à motifs, des chaussures à clochettes, des plumes encore, des tresses de lin qui pendent aux ceintures, des parfums, des bijoux, des chapeaux ornés de perles taillées dans de petits os. Comme Jimi H ou comme Friedensriech H ou encore comme cet autre peintre qui vivait dans le désert aux alentours de la ville de H, avec son khôl et ses bottes en peau, ses colliers de turquoises.

 

Et alors on danserait.

 

Je suis encore en train de trier.

J'hésite à balancer toute ma correspondance papier, qui me suit depuis que je suis née, de déménagement en déménagement, et que je ne relis jamais. "Mais sait-on jamais", me dis-je à chaque fois. Et si, en vieillissant, je deviens comme Simone, qui erre tout le jour dans sa grande maison remplie de brols, consacrant son temps à retrouver ces vieux machins, petits ou gros, en tout cas innombrables, qu'elle étale sur une table et énumère, sent, touche, lit, écoute, contemple - puis le range à nouveau dans l'endroit où c'était.

ven.

27

mars

2015

Un bon plan

On monte un club de derviches et on gagne plein de fric grâce à notre super danse.

Peut être bien que c'est pas très spirituel comme démarche, mais peut être qu'on y viendrait.

Juste que j'aimerais bien tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner  toute la vie.

ven.

27

mars

2015

tourner en spirale

Un jour, j'ai écrit un poème en ton honneur, que je n'ai jamais osé publier ici.


La semaine dernière pour couronner le tout, en plus de mon plexus qui rayonnait en étoile énervée dans tout l'arrière du corps, ôtant l'huile à tous mes mouvements, un des enfants m'avait mis un doigt dans l’œil, au cours d'une bête opération domestique et sans mauvaise intention. Mais un doigt dans l’œil, le vrai, pas la paupière mais la cornée, avec l'ongle mal coupé et peut-être sale, couvert de bactéries et de monstres mignatures. S'ensuivirent deux jours et une nuit  de larmes épaisses et lentes et une vision sévèrement altérée.

Autant dire que conduire dans ces conditions, "Tintin", comme dit ma mère.

Mais j'ai été peinée jusqu'à mon trou du cul de ne pas pouvoir venir au carnaval sauvage. Un peu réconfortée tout de même par le fait que je n'étais pas la seule. Je me demande d'ailleurs ce que fait Séverine, là-bas, à Genève.


As-tu déjà réfléchi à toutes ces bactéries qui nous peuplent?

est-ce que ça ne relativiserait pas un peu la notion d'identité, tout de même?


Je tiens à éclaircir quelque chose, suite à un coup de fil avec Matthieu Dibelius.

Si gougueuliser les gens est déprimant, c'est parce que je n'apprends rien d'eux (pas parce qu'ils font plus de trucs que moi). Je glane quelques photos, parfois même de vieilles photos, des morceaux de textes. Mais rien, de l'être, rien de la sensation. Rien de la matière de ces personnes chères mais lointaines, que je n'ai parfois pas vues depuis des années.


REDITES:

Je souhaite me mettre à la danse

J'aimerais gagner plus d'argent


Le travail en sourdine que je fais depuis quelques mois (bientôt un an, je pense) est extrêmement fructifiant, bien que peu visible.

De l'extérieur on dirait que je me prélasse ou même peut-être que je me sclérose. Enfin, je n'en sais rien. De quoi j'ai l'air de l'extérieur? De quelqu'un qui ne fait plus d'art, c'est sûr. Mais je m'en bats la ouaille, comme disait Céline Décorte.

Il faut du temps secret et silencieux pour animer la masse. Un retrait du monde, un espace intime sans limite. Je vis ma retraite avec plaisir et intensité.


ZOROASTRE ou pas?

Je le dis maintenant: je crois à la terre, je crois à la communauté des êtres vivants, à la communications hors des mots. Je ne crois pas beaucoup aux mots, bien que ma vie semble témoigner du contraire (oui, Julien, je pense que je t'ai déjà dit ça et ça t'a fait bondir, mais je continue de le penser). Je crois à la lenteur, je crois aux actes, je crois à ce qui se passe de subtil entre les éléments visibles du monde. J'y crois, cela veut dire: je le vérifie. Raisonnablement.


Je suis allée voir Christine ce matin, elle m'a remise d'aplomb. Ou plutôt elle m'a remis de l'air entre les attaches, entre les bras et le torse et même plus précisément entre chaque os et son voisin os. Dans les tissus, même. Ses mains froides au début ont fini brûlantes sur mon crâne. Monde-crâne est du passé, hourra! À force de travail, j'ai maintenant une bonne sensation de mon corps. C'est tout un monde qui s'ouvre. Des os que je ne soupçonnais pas se mettent à me parler. Je peux les toucher de l'intérieur, même - par l'imaginaire et la visualisation. C'est une dimension de ma vie absolument importante, de premier plan. Jamais je ne reviendrai en arrière.


Je voudrais planter des roses trémières devant le cabanon que j'aurais repeint d'une couleur vive. Rose, par exemple. Je ne suis pas sûre que R soit d'accord. Mais E, oui.


Ai-je pensé à toi quand mon camélia couleur PQ a fleuri?

Oui. Mais ouf, je l'aime toujours, même avec cette évocation un peu merdeuse. D'autant plus, même!

ven.

27

mars

2015

Sans filets

D'habitude je prépare un peu mais aujourd'hui j'ai rien à dire. Même pas peur d'écrire des conneries, et je vois pas pourquoi : je le fais tout le temps et je n'ai jamais perçu aucune conséquence.

Oui c'est vrai qu'on tourne en rond, c'est ab-so-lu-ment ce qu'on fait. Mais j'aime bien ça, figure-toi, et je trouve ça très utile pour notre littérature, même si ça fait sûrement un peu chier nos lecteurs (moi j'ai obligé personne à lire, hey, salut les amis! salut Till! )

D'ailleurs aujourd'hui, il fait le même temps qu'hier, et sûrement que demain. Les euphorbes et les muscaris forment un contraste aussi étonnant qu'au printemps dernier, et le saule sur lequel les corbeaux croassent est exactement du même ton tendre que celui que tu as pris en photo l'an passé. Le temps a fait son effet : j'aime cette couleur à présent.

Alors, alors, voyons..... qu'est ce qui pourrait être bien à raconter? Des aventures? C'est toujours un peu la même chose. Qu'est qui est neuf? Qu'est ce qui n'a pas été déjà raconté? J'y peux rien mais moi je suis baba de tous les trucs insignifiants qui parsèment nos journées. Ravie de la crèche je suis. Un rien m'épate.

D'ailleurs tu vois, juste maintenant, incroyable : je viens de rachocher au nez d'un vendeur par téléphone après l'avoir insulté et même carrément menacé (de débarquer dans son bureau avec une kalachnikov, mais je l'ai aussi flatté et consolé, oui, je suis comme ça). Je l'ai engueulé pendant au moins cinq minutes en lui disant que mon temps était excessivement précieux et que j'avais tellement mal à me concentrer sur un travail d'une très haute importance, qu'il avait tout foutu en l'air et que ma journée était perdue par sa faute. En fait, il m'a juste sauvé d'une chute dans l'enfer de l'internet alors que je cherchais les paroles d'une vieille chanson. Je croyais vraiment ce que je disais, je suis dingue, j'aurais bien mieux fait de le remercier.

Et regarde : mardi

Je prends le train avec une copine qui me fait part de toutes les perversions qu'elle observe : un roman. (tout le wagon en a profité)

Je marche dans la rue en lisant le journal, en tenue de chantier. Pour plus de facilité, j'ai coincé l'anse du pot de peinture au creux de mon coude, comme un sac à main. Devant l'agence pour l'emploi, les chômeurs applaudissent mon look.

J'arrive sur le chantier : Fred a découpé les portes et a cloué les morceaux sur le mur.

A midi, une réunion : Fafa me présente ses amis qui sont des fêtards extrêmistes : ils sont même incapables d'aller chercher leur voiture au parking sans rester dedans à boire jusqu'au matin et sniffer de la chnouffe sur le capot. En fait de réunion, ils m'ont raconté comment ils avaient été outrés par une apparachik du milieu de l'art qui commandait du champagne (50 bouteilles) et qui comptait payer avec l'argent du contribuable; et comment eux, ont à nouveau détourné la somme pour s'acheter une montagne de poudre envolée en un week-end.

Au retour, en voiture avec une voisine : heureuse de m'avoir à ses côté car elle a vu un accident se produire devant elle au matin. Ca nous a mis dans une ambiance un peu grâve, mais heureuse, tu vois le genre? Puis on déplore une hécatombe de séparations chez les jeunes parents du village. Oui, c'est regrettable. Une grande fêtarde avec trois petits enfants démènagera ce week end. Elle dit que son mari l'ennuie.

Peut être qu'elle pense qu'elle tourne en rond?

Peut être qu'une correspondance météo, c'est comme un mariage?

 

Les paroles de la chanson que je cherchais (et que pour être honnête j'étais en train de "chanter" quand le téléphone a sonné - ouf), c'est "the river of no return", (ne me demande pas d'où ça sort) J'ai l'image de Marilyn qui joue du banjo sur un radeau. Je l'ai traduite à ma façon, malheureusement ça colle pas avec la musique (pas le temps pour ça, non, ici, c'est tellement le bordel que j'ai aucune place pour poser l'ordinateur)

 

Attention, on dirait pas mais NORMALEMENT, c'est drôle, (c'est grandiloquent)

 

L'entends-tu qui chante pour toi
Vis ta vie, Vis ta vie

C'est le chant de la rivière, qu'on nomme La rivière sans retour
Sous son air paisible, elle est froide et sauvage,
Mon espoir se perd devant la rivière sans retour
Emporté à jamais vers une mer d'orage

 

Vis ta vie, Vis ta vie
j'entend la rivière qui gronde "sans retour, sans retour"
Où les eaux chutent pour toujours, sans retour, sans retour
J'entends l'amant qui m'appelle, par ici, par ici,
Je l'ai suivi et pour toujours mon cœur supplie

Je suis tombée dans la rivière sans retour
Vis ta vie, Vis ta vie, je suis partie pour toujours
sans retour, sans retour, sans retour

 

dim.

22

mars

2015

Le carnaval sauvage passé au crible de mon rêve

Qui sont-ils?

Qui êtes-vous?

Parmi la procession, je suis une ombre muette, un autre répond pour moi : nous sommes le Carnaval sauvage

Un éboueur jette simplement, par la fenêtre de son camion : c'est le carnaval sauvage

Dans la ville les gens observent notre déambulation colorée derrière de petits rectangles de 4 pouces sur 8.

Je m'efforce de donner une démarche à mon personnage, j'essaie d'aller vite avec lenteur. Je suis un gros monstre froussart (peur du groupe, peur des accidents, peur de me tromper).


Dans mon rêve, je marche derrière un jeune homme dans un labyrinthe.


Le maitre de cérémonie, c'est bien Thanatos, je l'ai reconnu malgré ses verroteries, mais aujourd'hui, mon ami, c'est le printemps et tout renaît. On fabrique des rythmes et des danses. Les personnages masqués se succèdent en une série de tableaux étranges. Est-ce une fête? Est-ce un spectacle?

Grâce à mon costume, j'ai le pouvoir de couper le son, alors tous les personnages s'asseyent sans bruit, dans le théatre de pierre, au milieu d'une plaine. Ils se dévisagent en silence, ils attendent infiniment... Je remet le son et à nouveau je reçois le bruit assourdissant et la danse reprend dans la ville : tout le monde se secoue. Le long des rues, on marche, on danse, on marche. On s'engouffre dans le château, sombre, comme toujours. Après vingt minutes de tournoiement, la lumière est faite et nous partons, en l'emportant avec nous. Quelques individus suivent les couleurs et la danse, la bière et les belles filles ivres : on les entraine, bras dessus, bras dessous. Un beau patriarche reste là, dans l'ombre, comme un capitaine sur son navire. Dans son fier costume Kurde, il a demandé : c'est pour quoi ça? La tête hors de mon masque, je réponds que c'est pour lui souhaiter la bienvenue, il dit : soyez bénis; ses yeux gris et sont sourrire en or éclatent dans le couchant, devant le vieux canal.


Le labyrinthe a des murs de dentelle et je crois que le jeune homme va me mener jusqu'à sa chambre. Mais ce garçon espiègle connait mon talon d'achille, il s'amuse de mon désir et me mène jusqu'à un étalon sauvage qui me terrifie. Je détalle à toute allure, je suis vexée. Cette chasse est trop ardue, et je n'ai pas d'armes. L'an prochain, je prendrais des armes moi aussi, un arc, ou un fouet. Seule dans la chambre du jeune homme, assise sur le lit, je me regarde dans la glace et je reprends mes esprits. Arrivant par derrière il m'attrape par les seins et m'entaine à nouveau en les déroulant comme des rubans.


De retour parmi la foule, une enfant m'enjoins : par ici, c'est par ici la vraie porte. Je la suis, c'est déjà la nuit.


J'entre dans une auberge, il y a du feu et le Gilles de Bruxelles m'attend pour danser. Dans le mouvement les canettes tombent une a une et quittent son vêtement. Il devient un boxeur, un athlète d'autrefois avec un justaucorps noir, alors c'est un combat amoureux et une danse habile, que je finis par gagner sans lui faire mal, sauf de très petites morsures.


Mais c'était un erreur, il ne faut pas être là. On me chasse. Deux amis qui devisent en français remarquent qu'une ombre silencieuse les accompagne. Suivant les conseils de Thanatos, nous marchons sur la lune, à droite du grille pain. On trouve le feu, la fête est là, la vraie.

L'avocat du diable se tient les côtes en se traîtant de cochon. La braise se reflète dans les regards. La hiératique Marie jette sa robe au feu.


Dans mon rêve, la lune est une réserve naturelle sans fin, c'est l'aube. Tout est gris comme cendre, on marche dans le silence comme prévu. Et c'est beau, comme prévu.

ven.

20

mars

2015

Eclopse

Ici aussi il faisait ciel tout blanc.

J'ai noté une forte baisse de lumière mais comme je faisais mes comptes, je ne sais pas distinguer ce qui m'a le plus obscurcie.

 

Mon esprit aujourd'hui bat complètement la campagne.

Il faut pourtant que je travaille. Il faut il faut il faut.

Au lieu de ça je googlise des amis pas vus depuis longtemps, y'a pas plus déprimant et plus chronophage et plus frustrant, parce que somme toute on n'apprend rien.

 

J'ai hâte d'être débarrassée de ma psy.


T'es où?


J'arrête pas de penser à cette personne qui déprime trop en lisant notre correspondance et ça me fait rigoler je sais pas pourquoi, je crois que c'est parce que je vois bien ce qu'elle veut dire.

Je me demande si on tourne pas un peu en rond. Ou en carré.

ven.

20

mars

2015

Eclipse

J'ai rien vu, même pas une petite baisse de lumière, mais je me dis que c'est bien de l'intégrer parmi nos phénomènes météos.

Je me souviens qu'à la dernière éclipse (comme je me souviens que le 11 septembre 2001, je travaillais comme cueilleuse de pommes à Moulhierne dans le Maine-et-Loire), je travaillais à Vitré en Ille-et-Vilaine, à la maison de repos. J'avais piloté tous les fauteuils roulants afin de bien aligner tout le monde le long de la façade, et on avait contemplé le ciel blanc avec des lunettes pour la cataracte. On était tous de très bonne humeur - ça faisait du bien de sortir un peu - et on a rien vu non plus, à cause des nuages.

Et toi, tu faisais quoi?

ven.

13

mars

2015

Je m'suis fait beau, j'ai mis d'l'eau d'cologne

Quel beau temps, non?

Y'a pas mieux, j'vois pas. Ce beau temps et les marteaux piqueurs qui sonnent.

Je sors.

lun.

09

mars

2015

Animaux

Un sanglier mort qui flottait dans l'eau au milieu d'un amoncellement de détritus en plastique. J'ai pensé au grand continent de déchets au milieu des océans.

Plusieurs mésanges, leur technique pour manger les graines en évitant les chats.

Une limace, cachée dans les dernières buches, qui a réussi à passer l'hiver sans mourir ni se dessécher.

L'arrière-train d'une biche qui disparait dans un pré, à l'orée d'un bois.

Trois cervidés, très loin dans un champ. Les voir au loin en voiture et ne rien dire à personne. Garder pour soi cette image de vie sauvage.

Une multitude de corvidés, en ville. J'ai appris qu'ils étaient très fidèles, en amitié comme en amour.

Pas de renard, pas d'ours, pas de loups, pas de hibou, pas de chouette.

lun.

09

mars

2015

Rester sur la scène comme une machine d'amour*

J'ai un drôle de pouvoir dans les mains. Une sorte d'adresse inversée.

Quand j'ai voulu allumer le feu la porte de l'insert s'est cassée (un gond en métal, c'est pas facile à réparer avec de la ficelle ou du sandow, ça).

Quand j'ai voulu fermer la porte de la salle de bain, elle s'est carrément SORTIE de son coulissoir (tu vois un peu comment elle est gaulée - bon, j'ai mis un rideau à la place, bonjour l'intimité).

Ensuite, j'ai pris la voiture pour aller au parc du Héron, réserve naturelle : elle n'a plus de freins.

 

EXPÉRIENCE PHILOSOPHIQUE (c'est vrai qu'on oublie trop souvent de dire à quel point la philo est une expérience):

Comme dit James Brown: stay on the scene, like a lovin' machine.

La scène, maintenant, c'est la scène de soi-même. Rester sur la scène de soi-même comme une machine d'amour. Tenir le cap de soi, ce soi qui n'existe peut-être même pas, ce soi qui change et qui varie, tenir avec le réel, le réel tellement réel, son enchaînement de petits instants, sa médiocrité universelle (je dis médiocrité au sens de "ce qui reste dans le milieu"), son absence totale de superbe, d'éclat, le manque cruel de public dans la vie de tous les jours, rien que soi, sur sa scène d'amour, et tenir ça, ce soi, cette solitude, cet enchaînement d'instants imprimés dans le corps. Tenir sans sans argent, sans sexe et sans drogues, sans idées géniales et sans futur prometteur, tenir ça quand même, pour voir où ça mène tout en se disant que ça ne mène peut-être nulle part.

 

Je pense à Jésus dans son grand désert.

Je pense à toi dans ta voiture, avec le livre et le tarama.

 

Bientôt Nowruz.

Hier, on a mangé dehors. C'est pas Nowruz qui s'annonce, ça?

jeu.

05

mars

2015

Autruches

Décidément, ce que je kiffe vraiment, et qui vaut pour moi n'importe quelle nouba, c'est un peu de solitude, un temps clément et un BON bouquin. Il fait si doux aujourd'hui, enfin! Le ciel est BLEU! depuis ce matin!

 

Plus tôt, au syndicat, la femme m'a expliqué à quel point ma situation sociale était précaire. Puis je suis allée faire les courses sans rien trouver de décent ou de suffisament bon marché à acheter. J'aurais pu être affligée - j'ai de bonnes raisons pour ça, des petites choses mais quand même - Et puis merde, j'ai garé la bagnole sur le parking de la bibliothèque et j'ai lu là,pendant des heures en mangeant des tartines de tarama -dégueu- et des cornichons - je pensais à toi et à Issac - plongée, complètement absorbée, encore par J. Franzen, je l'adore. Je suis un peu triste de devoir lire toute seule : avec qui partager mes inquiétudes quant au comportement destructeur de Patty? Et ma compréhension étonante de celui de Katz? Et le pire du pire, avec qui m'attrister quand j'aurais fini ce passionnant récit? Que vais-je devenir quand j'aurais fini le livre? Ca, ça m'inquiète.

 

Le reste je m'en fous et je repense au livre qui contient tout, ma bible absolue, toujours Moby Dick. Je veux le citer dans une traduction que j'aime pas suivie de la VO, je sais que c'est un peu pesant  - qu'est ce qu'il fait beau! - et je t'embrasse bien fort, je crois que j'ai déjà trop bu et puis j'expédie tout pour retourner dans mon super bouquin qui me caresse dans le sens du poil : la vraie vie est là.

Et (pardon pour mes concitoyens) je vais marcher dans les prés EN LISANT, avec ma veste pleine de peinture, la seule que j'aie.

 

Il est des moments et des circonstances dans cette affaire étrange et trouble que nous appelons la vie où l’univers apparaît à l’homme comme une farce monstrueuse dont il ne devinerait que confusément l’esprit tout en ayant la forte présomption que la plaisanterie se fait à ses dépens et à ceux de nul autre. Pourtant, rien ne l’abat, comme rien ne lui paraît valoir la peine de combattre. Il avale tous les événements, tous les credo, toutes les croyances, toutes les opinions, toutes les choses visibles et invisibles les plus indigestes, si coriaces soient-elles comme l’autruche à la puissante digestion engloutit les balles et les pierres à fusil. Car les petites difficultés et les soucis, les présages d’un proche désastre ne lui semblent que des traits sarcastiques décrochés par la bonne humeur, des bourrades joviales dans les côtes expédiées par un farceur invisible et énigmatique. Cette humeur insolite et fantasque ne s’empare d’un homme qu’au paroxysme de l’épreuve ; ce qui, l’instant d’avant, dans sa ferveur lui apparaissait si grave, ne lui semble plus qu’une scène de la farce universelle. Rien de tel que les dangers de la chasse à la baleine pour développer cette libre et insouciante cordialité, cette philosophie désespérée ! C’est sous ce jour que désormais, je vis la croisière du Péquod et son but : la grande Baleine blanche.

 

THERE are certain queer times and occasions in this strange mixed affair we call life when a man takes this whole universe for a vast practical joke, though the wit thereof he but dimly discerns, and more than suspects that the joke is at nobody’s expense but his own. However, nothing dispirits, and nothing seems worth while disputing. He bolts down all events, all creeds, and beliefs, and persuasions, all hard things visible and invisible, never mind how knobby; as an ostrich of potent digestion gobbles down bullets and gun flints. And as for small difficulties and worryings, prospects of sudden disaster, peril of life and limb; all these, and death itself, seem to him only sly, good-natured hits, and jolly punches in the side bestowed by the unseen and unaccountable old joker. That odd sort of wayward mood I am speaking of, comes over a man only in some time of extreme tribulation; it comes in the very midst of his earnestness, so that what just before might have seemed to him a thing most momentous, now seems but a part of the general joke. There is nothing like the perils of whaling to breed this free-and-easy sort of genial, desperado philosophy; and with it I now regarded this whole voyage of the Pequod, and the great White Whale its object.

dim.

22

févr.

2015

aveuglement

Ca fait longtemps que je ne suis pas venue sur notre météo, dis donc.

Aujourd'hui, on voulait un dimanche au jardin. Il y avait un peu de soleil, tout petit peu. En claquant des dents, j'ai étendu le linge dehors en pensant qu'il pourra sécher. Il est presque 17h, les poules sont déjà couchées. Mon nez coule.


lun.

16

févr.

2015

Fric Flouze Pèze Oseille Pognon Caille Caillasse Ronds Thunes Biftons

T'as jamais pensé à vendre tes dessins?

Pour la première fois de ma vie je me dis que ce serait peut-être un plan.

T'as pas une idée de comment on fait ça sans s'humilier en faisant le tour des rues des capitales artistoques, un carton sous le bras?

lun.

16

févr.

2015

Un an

Voilà, le camélia de mon jardin est fleuri et je peux me fier à ce cycle de saisons pour dire que ça fait un peu plus d'un an qu'on s'écrit toi et moi par la météo.

Un an qui m'a paru très court (en ressenti), mais qui semble être une éternité si je consulte mes souvenirs.

Nom de nom, tout ce qui s'est passé.

Il y a un an j'étais incontex stablement beaucoup plus jeune. Salement beaucoup plus jeune.

Me voilà passée à l'âge adulte. Non sans peine.

Et pourtant comme me le faisais remarquer mon bonhomme hier, y'a cette marque de l'enfance qui reste en moi comme une patte d'ours fossilisée dans la boue préhistorique.

J'ai une chose à dire: j'attends beaucoup trop de la vie, je ne suis qu'orgueil et impatience.


Météo pure et dure.

Pura y dura.

NIEBLA!


Tu verrais ici le brouillard qui colle au ciel, on y voit pas à cinquante mètres.

Ça suffit amplement à faire mon bonheur, cette ambiance médiévale de ciel blanc, de boue et de briques rouges. À propos: ça n'est que depuis pas longtemps qu'on considère que le vert est une sorte de contraire pour le rouge, le bleu pour le orange, le violet pour le jaune. AVANT, c'était rouge, blanc et noir, les oppositions fortes. Nombreux blasons de gueules. Et le blanc comme le noir étaient des couleurs. Il n'était pas, alors, question de primaires.La plus instable, c'était le vert. Et le rouge, l'ocre, dans les grottes, c'est depuis toujours.


Ciel blanc, boue noire, briques rouges: comme ici ce matin.

Avec les humains qui passent courbés les uns à proximité des autres presque sans se voir. Personne n'en peut plus de l'hiver. Hier on aurait presque dit un printemps et aujourd'hui ce froid et ce brouillard collant. Sur le chemin de Mont-à-Camp, on longe un petit bois de bouleaux, avec une ruine de maison et des ruines de campements, dans le secteur de Délivrance, juste à côté des rails. Ils avaient dit que les trains ne circuleraient plus et pourtant je les entends encore klaxonner presque chaque jour.

Tant mieux.

On se croirait revenu au temps des Hobos. Les rails, les trains de marchandises qui enfilent jusqu'à quarante wagons, les couvertures sales pendues aux arbres, les débris de bouteilles jetés sur le sol et dans des caddies défoncés. Et le panneau avec une flèche "appartements décorés", qui pointe vers ces ruines.

Sur le parking à côté du groupe scolaire, ils ont posé un algéco, c'est un "espace de vente". C'est en fait là que tu peux venir acheter un appartement décoré, devenir si facilement propriétaire. Drôle de monde, hein.

ven.

13

févr.

2015

Crois-tu que je peux facilement commercialiser ce médicament contre les rhinites allergiques?

ven.

13

févr.

2015

N'est ce pas formidable?

N'est-ce pas formidable de vivre dans un pays qui vend des armes à un autre pays qui tue les homosexuels?

mar.

10

févr.

2015

Totale nostalgie (enfance)

Au mois de février (je vous parle du sud-ouest), les mimosas commencent à fleurir.

Les mimosas: petits pompons jaunes dans des effilochements rebondis de feuilles vert véronèse.

Les mimosas dans les jardins, et, le long du bassin, les tamaris.

Les tamaris: égaillement rosacé et violine de grosses grappes poilues dans des feuilles poilues vert foncé tirant sur le marron.

Bois tordus, bois fins, petits arbustes. Pompons géants. La boue gelée qui craque sous le poids du corps, sur les chemins de terre.

Au-dessus de tout ça, figurez vous un ciel monochrome bleu. Il fait froid, mais il fait clair. On se pelotonne dans nos manteaux et on marche, le long de l'eau. Eau grise, eau miroir. Autour, il n'y a que le silence, parfois brisé par les pétarades basses d'un vieux moteur in bord.

Les cygnes,eux, ne font aucun bruit en volant, sauf avec leurs plumes, qui crissent dans l'air.

Le soleil est si éblouissant dans cette inclinaison de la terre le long de son axe qu'on cligne entièrement des yeux. Il n'est pas rare de manger une glace ou un crêpe, après avoir fait un tour au bout de la jetée, à Andernos.

mar.

10

févr.

2015

Ciel (histoire vraie)

Avant-hier il faisait beau. Le ciel était bleu.

Ma fille ainée à dit: MAMAN! Mais! Le ciel! Il n'est pas de sa couleur normale!

Ah bon, répondis-je, Mais de quelle couleur doit-il être, normalement?

Mais Maman! BLANC!

Moralité: il est temps de déménager.

jeu.

05

févr.

2015

Il neige mais pas vraiment

Je lis du John Fante.

Tout ce que j'écris n'est que poésie lavasse face à ces phrases brutes, directes comme des uppercuts et magnifiques comme une montagne. Merde alors, John Fante! JE NE VEUX PAS FAIRE DE POÉSIE. JE NE VEUX PAS VOULOIR, JE NE VEUX PAS CHERCHER À FAIRE. Trop longtemps, je me suis roulée dans de belles phrases. Complaisance! Comment me guérir pour toujours de cette manie littérairement molle qui tourne autour du pot, qui me détourne de mon objet, qui jette un voile de sens sur tout le cru du monde?

Colère, COLÈRE!

 

Comment est-ce que je peux te parler de cette chose qui tombe, qui n'est pas encore de la neige mais qui n'est plus de la pluie?

Comme ça : EN DISANT LES CHOSES, en les DISANT!

 

John Fante, nom de dieu. Et Arturo Bandini!

 

Autre chose: tu peux parfaitement venir chez moi à l'improviste. Bien que ça me malmène (l'imprévu), je le désire (l'imprévu). Les livres de Raphaël sont bien assez nombreux pour que tu tiennes plusieurs jours en cas d'absence de ma part, et je te laisse volontiers ma clé.

 

Encore autre chose: un cavalier qui surgit hors de la nuit poursuit l'aventure au galop. Je SAIS pertinemment que tu es Zoroastrienne. Ton nom, tu le signes à la pointe de l'épée. C'est pour ça que je te pose des questions théologiques. Et c'est encore plus pour ça que j'aimerais fêter le printemps avec toi, NOWRUZ, QUOI!, avec toi! Et nos copains! Et de la boustifaille!

 

PLus calmement: En ce qui me concerne, ton explication me convient parfaitement. Je ne vois pas pourquoi Dieu aurait inventé le Diable plutôt que le contraire. Alors, le bien et le mal comme deux esprits jumeaux, avec quelqu'un encore au-dessus (une sorte de PDG amoral).

lun.

02

févr.

2015

Théologie de pointe

Marie, veux-tu juste me faire part de ton problème où comptes-tu carrément sur moi pour t'aider à le résoudre? Parce que, laisse tomber Marie, personne n'arrivera à se mettre vraiment d'accord. En tous cas moi, je ne peux t'être d'aucun secours. Tu dois trancher et t'en tenir à ce que tu as décidé. Pour ma part, en tant que Zoroastriennne (ah bon, tu ne savais pas que j'étais Zoroastrienne?), l'esprit du mal est Ahriman (oui, c'est une sorte de super héros), « la pensée angoissée ». Il a été crée par le dieu suprème, Ahura Mazdâ. Ahriman est le père de l'illusion et de l'erreur, du mensonge cosmique, l'esprit trompeur. Il a l'esprit du bien pour jumeau. Ils sont partout ensemble et de forces égales.

 

Ah, ça fait du bien d'être légère avec la religion par les temps qui courent. D'ailleurs je continue car moi aussi je veux te faire part de quelque chose, pas un problème, mais une interrogation. C'est à propos du deuxième commandement, qui est, me semble-t-il, assez clair:

 

Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre.

 

On dit qu'il y a eu, au moment de la traduction de l'hébreu vers le grec un choix entre deux mots "image", eidolon, qui a donné idole et eikon, icône. Donc nous, les chrétiens, contrairement aux juifs, on a pas le droit d'avoir des idoles (et encore, je trouve les orthodoxes un peu limites) mais on a eu le droit de faire des images.

 

Ma question est : "est-ce qu'on a pas un peu exagéré?"

 

 

lun.

02

févr.

2015

Ricochets

1) Julie R a dormi chez nous, une fois, dans le salon, pour un salon (de littérature souterraine).

J'ai regardé son site, et quand même, c'est bien, dis-donc.

J'ai ton poster dans mon salon de la maison d'ici et j'avais aussi celui de Séverine dans ma chambre de la maison là-bas. Je ne sais pas où il est, celui-là, dans un carton a dessin depuis le déménagement, j'aimerais bien le remettre.


2) Je me suis inquiétée pour moi en lisant que tu t'étais inquiétée pour moi : et si j'étais inconsciente de ce qui m'arrive? Est-ce que je ne devrais pas plus m'affoler? Ça m'a travaillée un jour et une nuit. La bête est ainsi faite. J'ai réfléchi. Je ne suis pas douée pour le calme plat, il m'emmerde. Mon bonheur, si on peut parler de lui, je le trouve dans les rides de l'eau, dans les turbulences de l'air. Je me souviens, une fois, rien ne se passait, je me suis endormie. Non, sans déc, je viens de passer l'année la plus dense et la plus bordélique de ma vie, j'ai passé mon doctorat ès DOUTE haut la main, mention TB avec unanimité du Jury. MAIS! Nom de Dieu, je vais drôlement bien, c'est ça qu'est bizarre. Je me la coule douce à l'intérieur de moi même.


3) Je voudrais te faire part d'un problème que je n'arrive pas à résoudre, peut-être faudrait-il que je cherche la réponse dans les textes (oui, mais lesquels) : Le diable a-t-il été créé par Dieu ou bien est-il indépendant de Dieu et ainsi lui-même Dieu créateur (de destruction)?


4) Si on fêtait le printemps par un banquet, avec nos amis? Un VRAI banquet, avec des mets de choix. Par exemple le 22 ou le 23 février, ou encore le 24 ou le 25.

sam.

31

janv.

2015

Julie R

Je me demande si on est pas un peu proche.

Je l'aime beaucoup, Julie. L'as-tu rencontrée? C'est (ou était?) une amie de Raphaël.

Je suis certaine que tu l'aimerais aussi.

ven.

30

janv.

2015

Flot

Marie, je voulais t'écrire mais je n'ai pas eu le temps.

Tu m'as vraiment manqué. A tel point que j'ai faili courir chez toi à l'improviste. Bizarrement, je n'ose pas le faire car j'ai peur de t'envahir, mais un jour je viendrais te rendre visite par surprise, et si tu dois partir, je resterais sur ton canapé à lire les livres de Raphaël en t'attendant. J'ai vraiment eu besoin de ta présence. J'ai eu un moment d'affolement, et je me faisais un peu de souci pour toi. J'ai eu la certitude que si on s'était vues, tout serait rentré dans l'ordre, les compteurs auraient été remis à zero. Curieux sentiment.

 

C'était drôle de travailler à nouveau sur des décors. RIEN n'a changé. J'ai croisé les mêmes régisseurs, producteurs, électros...Les studios, les horaires, tout est PAREIL. J'ai changé, j'ai vécu, mais eux, ils sont restés là, dans leurs camionettes. J'ai retrouvé avec plaisir l'air hautain des réalisateurs qui doivent à toute force prouver qu'ils sont les meilleurs, les blagues de cul des constructeurs, leurs conversations cent fois entendues....Je réalise seulement maintenant que c'est un métier, un métier que j'aurais pu choisir. Même si je suis vraiment tombée là par hasard, je me rend compte que je m'adapte là-dedans comme une pièce de puzzle manquante. Je trouve ma place sans forcer, clic.

Serait-ce si simple? Est ce que c'est ce qu'il faut que je fasse? Je débarque, et c'est comme si on m'attendait. Il me semble que je dois retourner dans ce monde clos, où il est aussi difficile de rentrer que de sortir.

ven.

30

janv.

2015

Chevaus, en ancien françois

J'ai toutes les qualités d'un cheval.

Je suis endurante et fougueuse. Je sais frapper le sol de mon talon de fer pour courir la plaine.

Je détale au moindre bruissement inconnu des feuilles. Quand je m'emballe, il faut me flatter l'encolure avec amour et patience, pour me calmer : on peut compter sur moi, sauf quand je m'affole. Je ressens chaque changement des vibrations alentours, tout me traverse et puis tout passe. C'est à la fois une liberté et un enchaînement.

L'impatience me caractérise, comme la fidélité.

Bientôt, ce sera l'année de la chèvre. J'attends avec espoir cette promesse de repos. L'année qui vient de s'écouler n'a été que tremblements de terre et révolutions du ciel. Je souhaite maintenant retrouver le couvert d'un sous-bois, le calme.

Redevenir vache, faire passer par la panse, le bonnet, le feuillet, la caillette chaque pensée, chaque émotion et m'en défaire comme d'une large bouse. Dormir couchée sur le flanc des heures entières, au milieu d'un troupeau, supportant indifféremment le soleil et l'averse. Courir, enfin, de manière désordonnée et sur une courte distance, sans autre motif que celui de l'intimité du groupe. Ne plus frémir au moindre bruit, paître si possible sans enclos, dans un alpage de semi-montagne au milieu duquel coulerait un filet d'eau froide bordé de chardon, de crottes de lapins, de roches clairsemées sur une prairie dense et verte. Et surtout, surtout, ne pas avoir de sonnaille.

ven.

30

janv.

2015

ça tombe mais ça tient pas

Il neige.

Ça fabrique du silence dehors et ça fabrique du silence dedans, comme s'il neigeait sur la face interne de ma cage thoracique.


J'ai discuté du foulard avec ma mère pour la énième fois. Grande distance entre une vieille féministe et une jeune féministe. Avons nous régressé? Voyaient-elles les choses de façon trop manichéennes?


J'ai rencontré Pantagruel. Voilà ce que j'ai entendu : (Et, par de fréquentes dissections,) acquiers une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme.


Lou m'a laissé le disque de Fabienne. Je ne l'ai pas encore écouté. Si vous n'êtes pas indifférent à plus de 90% de vos pensées, vous n'avez plus de liberté. Je crois que je suis pas libre.


Je me demande si ma période de poisse est terminée. Comment savoir?

mar.

27

janv.

2015

Enfin (26/01/15)

Hier soir, après quinze ans d'affût, j'ai vu Andréi Roublev.

Que dire de plus: Andréi s'interroge sur sa nécessité de peindre et sur sa foi.

Je suis animée de courants contraires.

1) Pourquoi continuer l'art, quand il y a déjà des gens qui font des choses aussi magnifiques? Autant passer le reste de ma vie à regarder ce que ces gens ont fait.

2) Pourquoi renoncer à l'art quand je ne vois toujours pas ce qui peut le dépasser?- hormis la foi et la nature sauvage, qui savent l'égaler.

ven.

23

janv.

2015

Monolithe (épisode 2)

Le camion noir se gara devant la maison un jour de mi-novembre.

Trois hommes en descendirent. Ils levèrent les yeux pour se repérer dans la rue.

Le premier était grand, blond, il portait autour du cou une grosses chaine en or que retenait un poisson.

Je me souviens avoir pensé aux discussions que nous avions, toi et moi, sur les individus nés sous le signe du poisson.

Le second était petit et gras, au visage presque enfantin.

Le troisième était le plus vieux. Il portait les cheveux bouclés et bruns sur la nuque, arborait un air fermé, un visage marqué par la vie, une bouche édentée.

Seul le premier parlait français. C'était lui, le chef. Chef du langage, en tout cas, parce que je ne crois pas avoir remarqué un savoir-faire particulier, hormis celui d'user indifféremment avec hommes et femmes de son sourire ravageur, cela sans compter.

Le camion noir était opaque, massif, sans inscription.

Les deux subalternes muets comme des tombes.

 

Ils se dirigèrent vers notre maison, sonnèrent, entrèrent, travaillèrent pendant deux jours en expliquant à minima ce qu'ils faisaient.

Irek s'intéressait à tout ce que je faisais, allant dans mon sens, abondant dans mon sens, surenchérissant dans mon sens. Le fromage mariné aux herbes de Provence? L'éducation des enfants? Les économies d'énergie? L'argent? Le libéralisme? Tout lui convenait.

J'ai horreur des séducteurs. Je les vois venir à cent miles. D'habitude, je les rabroue d'un coup de patte. Mais lui, il tenait ma maison dans ses mains, et j'ai sobrement écouté ses phrases sirupeuses, en bouillonnant.

 

Ils ont rencontré de nombreux problèmes.

Ils ont placé une machine bruyante dans notre salle-de-bain et déroulé plusieurs couches de matériaux argentés sous notre toit.

Ils ont prolongé le travail d'une journée.

Ils ont pensé à attendre la nuit et l'absence de Monsieur pour percer le toit, faire un mauvais joint, et partir sans laisser d'adresse.

ven.

23

janv.

2015

Damoclès (épisode 1)

C'est moi qui dans ces pages avait un jour prétendu aimer le réel.

 

?

 

Le choc puissant d'un coin de réel sur ma tête convexe, ses attaques sourdes, pendant des mois ou pendant des années lumières ; et soudain, lourd comme une massue ou tranchant comme une épée : l'événement manifeste.

Le réel? Ses lianes invisibles, discrètement déroulées jusqu'à ce que (sans m'en apercevoir et par le mouvement seul de mon être, par mes choix) je les enroule autour de mes jambes, de mes bras, de mon esprit même.

 

À moi ensuite de fabriquer la machette qui coupera quelques uns de ces liens.

Cette tâche me revient. Elle sollicite mon imaginaire et ma raison.

 

Rosa L disait Celui qui ne bouge pas ne sent pas ses chaînes.

Ai-je bougé?

Est-ce que je ne bougeais pas, avant?

Ai-je bougé différemment?

 

Monsieur Hernandez a sonné chez moi un mardi matin.

Il avait revêtu sa veste polaire bleue marine, frappée du blason d'État. Pendant que j'avais les yeux braqués sur ce gage évident de confiance, il plaça son pied fourchu dans l'embrasure de la porte, et, précédant son bras d'un livret en couleurs tenu à pleine main, s'introduisit de biais à l'intérieur de la maison.

Nous lui avons donné un siège, une heure, et un verre d'eau.

Avant toute autre chose il voulait nous dire merci, merci, parce que cet accueil-là, on ne le lui réservait pas tous les jours.

On est plus souvent rabroués comme des chiens!, dans ce métier. Pourtant, Madame Monsieur, je suis rémunéré à la visite, pas à la vente, vous pouvez m'écouter en toute confiance. Je vous ai amené un dossier très pédagogique, très simple, où tout est expliqué, voyez plutôt.

 

Il n'employa jamais la force, il ne chercha jamais à imposer son pouvoir.

Au contraire, il s'appliqua à rester médiocre, faible et obséquieux, levant nos défenses une à une.

Ça ne vous engage en RIEN!

Je ne pense pas qu'il ait jamais prononcé cette phrase, et pourtant, tout ce qu'il a pu dire ou faire nous a fait croire qu'il l'avait dite, comme un message subliminal. Nous l'avions entendu.

 

Il nous quitta à midi, s'excusant encore, remerciant encore.

Au bas du document, nous avions apposé nos signatures. Nous nous moquions de lui, riant à pleine gorge et tout le jour encore, en nous souvenant de son évidente absence de professionnalisme.

 

Il revint deux semaines plus tard, en coup de vent.

 

Alors prestidigitateur, il déchira le premier document en mille morceaux. Sur le point de partir au travail, en retard, même, la veste et les chaussures déjà passées, la clé de voiture serrée dans une main nerveuse, l'on signa de l'autre main un nouveau document. Que l'on oublia. Qui scellait pourtant sans en avoir l'air un pacte exorbitant.

jeu.

22

janv.

2015

Attention, risque de gnangnantise

La météo anonce de la neige fondante mais il fait si froid que j'ai du mal à y croire. J'attends la neige avec une extrème impatience, pour pouvoir faire des bonhommes de neige et de la luge avec les enfants.


Il y a un mois, un ami de l'école primaire m'a envoyé un mail en me demandant ce que je deviens, et je ne sais toujours pas quoi répondre. Il m'envoie un lien vers son site : une foison de créations graphiques, high tech, surtout pour des pubs. Du multimédia, de la vidéo, de la peinture...beaucoup beaucoup, très pro.

 "Non, moi, je ne travaille plus, je suis à la maison, j'écris un blog de temps en temps, je m'éclate". 

"J'habite dans un super village plein de gens étonants, je suis très engagée et je m'occupe des enfants".

Est-ce que ça reflète la réalité? Ce que je vis à l'intérieur, ce que je pense?

En cherchant des choses valables à dire, une phrase parmi d'autres me vient, que j'ai déjà entendu sans jamais m'y arrêter. Pour tout dire je trouve ça con, surtout que j'ai du le lire dans une interwiew de Vanessa Paradis ou consort en attendant chez le médecin.

"les enfants m'apprennent beaucoup". J'ai toujours du mal à comprendre les choses simples, mais ça, ça veut dire quoi? Ils apprennent quoi les enfants?

Eh bien, par exemple, à moi, ils apprennent qu'on est tous forgés au départ sur un modèle borné et égocentrique, et que c'est de naissance,

qu'on crois qu'on sait tout et en fait on sait rien,

que l'égo est fragile

qu'il faut autant que possible et en toute situation, s'efforcer de trouver les mots justes et de poser des actes qu'on assume,

que personne n'est parfait et que c'est pas grave (sorry, mais j'avais prévenu dans le titre),

qu'on est rien que des miettes,

que la vie est un sketch permanent,

qu'on peut pas savoir pour les autres et qu'il faut balayer devant sa porte,

ça apprend à être patient, à ne pas courrir dans les escaliers, à négocier, à faire des surprises, à faire le pitre, à aimer le rose et les paillettes

(là je dis ça pour m'en sortir parce qu'en fait j'avais plein d'idées super justes et qui me convenaient vraiment mais je les ai oubliées tellement je suis fatiguée)


Ca apprend à vivre avec deux heures de sommeil en moins par nuit et aussi à s'en foutre de pas être super intelligente (parce que de toute façon, j'ai un mini fan club quoi que je fasse).

Ceci dit, je doit me repencher sur la question, ou au moins, trouver quelque chose à répondre à mon ami.






mar.

20

janv.

2015

Rumeurs

Ca est, j'en ai marre de l'hiver. Marre de l'hiver financier aussi. Hier il a neigé à petits flocons toute la journée mais ça n'a pas tenu.

 

C'est vrai que les problèmes d'argent assombrissent tout, mais j'ai l'impression que ne pas en avoir, ça te déconnecte de la marche du monde. C'est comme ça dans Suite Française d'Irène Némirovsky, et je trouve ça juste.

Je suis vraiment nerveuse. J'ai du accepter de bosser pour une pub, je vais devoir y aller.

Juste avant, pour le projet avec Fabienne (écrire une chasse au trésor en mer) je me suis un peu documentée sur la pisciculture. C'est mal tombé. Tu évoquais les continents de plastique dans les océans; j'ai lu (dans science et vie) que de nouveaux écosystèmes naissaient là. J'ai lu aussi (je ne sais plus où) qu'il y avais de beaux projets pour nettoyer ce bordel. Ouf, ça va alors.

Mais hier, en lisant à propos des larves de homard, j'ai apris qu'il y a de plus en plus de zones mortes dans les océans, des zones où tout être vivant, en y pénètrant, crève instantanément. Des flux d'azote et de phosphore qui ravagent toute vie sur leur passage, des milliers de kilomètres carrés. J'ai lu que s'affoler de ça maintenant, en 2015, c'était comme freiner dans dans une voiture qui est déjà tombée dans le précipice. Puis, j'ai aussi entendu que ce genre de commentaires ou d'informations produit un effet tout à fait contre-productif en ce qui concerne la protection de l'environnement. L'humain moyen aurait tendance à se plonger la tête dans le sable. Un comportement d'évitement comme des achats compulsifs, par exemple. Que faire, alors?

Sûrement pas travailler dans la pub. Mais vraiment, j'ai besoin de sous, alors je vais aller, la mort dans l'âme comme on dit, peindre un bout de MDF (un peu de bois et beaucoup de colle) et le couvrir de peinture alkyde, pour qu'une vingtaine de couillons puissent le filmer avant qu'il ne parte à la poubelle.

Il parait que la pub est le deuxième marché mondial après l'armement.

J'ai des scrupules à parler de ça parce que ça n'est vraiment pas drôle et que ça ne change rien au problème. Ca plombe. Mais on dit la même chose aux journalistes, qui ne font pas le boulot, et ma tante continue à acheter et à jeter de l'électroménager, des bacs en plastique, des objets de déco, des produits ménagers fluos et toutes sortes de trucs qui remplissent les magasins blokker (les gifis, en france).

Et elle a un poster de tigre près de son frigo.

ven.

16

janv.

2015

Etat modifié de conscience

J'émerge du sommeil après avoir laborieusement rêvé en espagnol. J'étais un agent secret, planquée dans des marais, en Guyane, ou quelque chose comme ça. Ensuite, ma première pensée à peu près lucide va vers Philippe Candeloro : pourquoi est-il aussi tarte? Pourquoi  le monde se rit-il de lui? J'imagine sa naiveté, son engagement, sa ténacité, mon coeur fond. Je pense qu'il y a de l'injustice dans ce monde. Puis j'ouvre un oeil et je me traine jusquà internet. Je tombe là-dessus.

A présent que je suis complètement réveillée, je rigole en pensant que tu iras aussi peut être perdre quelques précieuses secondes sur le site officiel de Philippe Candeloro, cette andouille.

lun.

12

janv.

2015

Descente

C'est en prenant le petit escalier à l'arrière de la tête que je peux entamer la descente.

 

Par ce chemin-là, je traverse immédiatement une nuée d'oiseaux, d'insectes vifs. Le tumulte ne m'effraie pas: je sais le penser. Je me courbe, je protège mes yeux de la main ou de l'avant-bras, je remonte contre mon cou le col rassurant de mon manteau. Ici les couleurs sont multiples et proches de la lumière. Tout le spectre est représenté. De temps à autre je risque un regard: oiseaux multicolores aux plumes longues et sonores. Ils cherchent le Symorgh. Autour de moi, se cognant à moi, les sauterelles bourdonnantes, les abeilles vibrantes, les araignées. Chaque animal m'apparait dans ses détails et prend sa place dans l'ensemble, comme un grand puzzle. Chaque animal n'est lui-même que parce que les autres sont. Je cherche à comprendre mais je ne comprends rien. Le puzzle n'a pas de forme globale fixe, il n'y a pas de cohérence d'ensemble, toujours troué, toujours étendu. Dans ce début de descente, je peux parfois tourner des heures, descendre, remonter, le long du colimaçon, sans pour autant trouver le passage. J'y perds mes repères, j'y brûle toute mon énergie. Ça n'est pas la durée qui compte, mais ma capacité à soudainement et absolument débrancher la lumière, ma capacité à brûler.

 

Alors tout à coup c'est le silence. Devant moi, dans la moiteur charbonneuse d'une pièce réduite ou immense (qui le sait?), se découpe une petite porte, juste à ma taille. Ce nouveau couloir paraît noir et pourtant il est rouge sombre sombre. Son rayonnement est en-deçà de la lumière et ne m'apparait que lentement, une fois que mes yeux se sont habitués à l'obscurité. Le court-circuit s'est produit juste sous la nuque, juste sous l'atlas. Je n'entends plus que les battements sourds du cœur. Mon cœur? Le cœur de la pièce? Je ne sais plus distinguer ce qui est dedans de ce qui est dehors. J'ai rarement eu accès à cette partie du chemin. Je sais aussi que ça n'en est pas la fin.

 

Ici, j'arpente un labyrinthe rouge sang. Hauteur des concrétions rocheuses, osseuses. Voiles de pierre lancés vers le haut comme des muqueuses aériennes, colonnes descendantes et poreuses, suintements d'un liquide invisible. Ici il faut agrandir son oreille jusqu'à l'infini pour saisir la fragilité du milieu, le milieu comme une biche timide, cachée dans le décor, immobile, qui part en fuite si on avance trop brutalement, trop bruyamment. La cuisse douce et tendre d'une biche, le cou palpitant de l'animal, qu'on peut si facilement abattre, ou bien le cœur du moineau capturé, tenu dans la main. Je m'agenouille à l'intérieur de moi-même. Cette grotte sauvage, je la fréquente aujourd'hui. Plus je la fréquente, plus elle se peuple, plus elle devient sauvage. Si je m'y sens de plus en plus familière ça n'est pas le signe de sa domestication mais bien celui de ma sauvagerie - j'apprends à parler son langage: le silence. Il me semble que dans cet espace toujours plus grand, toujours plus détaillé, je peux me perdre des jours, des années. Il faut pourtant remonter, revenir, enrichie.

 

Je ne sais pas 'il y a d'autres lieux, encore inconnus.

dim.

11

janv.

2015

Et fin

Ce ne fut que lorsque j'eus moi-même quitté l'école d'art, et même la ville, et même le pays, que j'entendis à nouveau parler de lui.

C'était le moment où j'aurais dû logiquement commencer à construire ma vie d'adulte. Je naviguais dans le brouillard. Je n'avais aucun plan pour l'avenir. Je m'étais exilée, mais je ne voyais pas vraiment pourquoi. Je pensais être à la recherche de l'aventure, mais l'aventure tardait à survenir, et ma vie ressemblait de plus en plus dangereusement de la vie de mes parents. Je vivais en couple et je cherchais du boulot. Le couple était léger (nous ne nous étions rien promis) et les boulots ne duraient jamais plus d'un ou deux mois, mais c'était suffisant pour me paniquer. Mes amis me manquaient, je me terrais chez moi, sans trouver l'énergie de m'intégrer et d'en trouver de nouveaux.

Un jour, on me proposa de participer un projet artistique, en collaboration avec de vieux amis. Je saisis l'occasion pour prendre le large et me rendis chez eux pour quelques jours. Je n'ai pas envie de parler ici de ce couple d'amis qui m'accueillirent, et avec qui je devais travailler. Je les adorait. Quelque chose que je n'ai encore identifié s'est passé entre nous à ce moment là, qui n'a céssé de se dégrader par la suite et qui nous tient éloignés jusqu'à présent.

Le destin avait remis mon héros sur ma route.

J'ai su assez tôt qu'il travaillerait avec nous. Je crois que j'eus plusieurs mois pour m'y préparer. Pour me convaincre à quel point cette rencontre était inéluctable. Lorsqu'on nous a présentés, à l'automne, j'étais plus froide et agressive qu'un rat. En un éclair, nous devînmes de vrais bons amis, passant des nuits dehors à boire et à rire, à marcher et à détruire. Car mon nouveau partenaire d'aventures était un ange de la désolation. Je n'enumèrerais pas la somme de nos exactions. Seulement deux jours après notre rencontre, alors que, complètement ivres, nous nous étions lancés dans un concours de crachats, nous débouchâmes sur une place. Il y a sur cette place en question une fontaine monumentale : "en son sommet, environ à quatre mètres de hauteur, une statue en marbre blanc représente la ville sous les traits d'une femme couronnée tenant un trident : il s'agit d'une figure de la mythologie grecque, Amphitrite, déesse de la mer et épouse de Poséidon tenant dans ses mains le trident de Neptune. Elle se dresse, juchée sur un piédestal surmontant une série de statues allégoriques en bronze". J'avais deviné, avant qu'il ne me l'avoue, qu'il avait volé ce trident quelques années plus tôt, sûrement la nuit même où naivement je le poursuivait dans la ville, et qu'il l'avait enterré dans un endroit où il était sûr qu'on ne le retrouverait pas, qu'il avait arraché des petits angelots en bronze pour les jeter dans le fleuve.

 

Malgré l'échec du projet artistique, qui me fit l'effet d'une douche froide, une correspondance timide s'amorça. J'attendais la confirmation de notre association. Elle fut scellée près d'un an plus tard, lors d'une bacchanale dévastatrice. En plein hiver, nous nous retrouvâmes au matin épuisés, grelottant de froid et de fatigue, affamés et satisfaits. On aurait dit que le but de notre alliance, était de pousser des situations banales vers leur paroxysme, en les rendant dangereuses, violentes et cinématographiques. Encouragée par le destin, galvanisée par la fécondité créatrice de  notre correspondance, je signais des deux mains.

Nos entrevues, heureusement assez espacées dans le temps, étaient épuisantes. Sans dormir, sans manger, on cavalait, comme des fugitifs, en buvant du matin au soir. On enchaînait en badinant, destructions, incendies, effractions, vols, bagarres, blessures, harcèlements, injures.

Au soleil couchant, dans des ruines et des friches, la nuit, dans les parkings, sur les chantiers de construction, perdus dans les zones industrielles, et au petit matin, devant la porte d'une boite de nuit désertée, le film se tournait en fonction du décor.

 

Pour finir, au bout d'une ou deux années, j'ai disparu de moi-même. Je sentais fermement que le destin était à l'oeuvre et que je n'avais plus à gourverner. Malgré une résistance insoupçonnée, j'étais fatiguée de boire et de courir, fatiguée de détruire. J'avais faim de bonnes choses, d'amitié chaleureuse, de grandes tablées sous les tilleuls, et surtout, j'avais besoin de dormir. C'était mon anniversaire, j'étais belle et heureuse, je faisais une victime idéale. Baissant ma garde, j'ai laissé prise aux coups, aux insultes, au viol. J'étais perdue dans le froid, dans une ville inconnue, couverte de pleurs et de sang.

Quand je suis rentrée chez moi, il n'y avais plus rien. J'ai eu peine à tout reconstruire.

 

Je pense à R. dont toute l'oeuvre est marquée par l'histoire de son frère, par le passage de la douceur de l'enfance, la complicité de la fatrie, à une violence subite et injustifiée. C'est ce que j'imagine. C'est ce qui doit être dur à démêler.

 

Cette histoire au style ampoulé, absolument fausse et vraie, résulte de la lecture simultanée de La zone d'inconfort de Jonathan Franzen, et de La crucifiction en rose d'Henry Miller. Elle mériterait certainement d'être développée puisqu'il y a plusieurs points, notament des situations géographiques, des décors et des personnages qui sont assez hauts en couleurs, mais j'ai déjà assez ramé pour en arriver là. Pour cette fois.

 

 

 

 

 

 

sam.

10

janv.

2015

Suite

Je ne sais comment, je retrouvais sa trace au cours de l'année de seconde. Il me semble que c'était par une coïncidence grande comme une intervention divine, (le destin) mais je n'en ai en fait, aucun souvenir. Ce dont je me rappelle, c'est qu'il était parti étudier dans une autre ville et que, lorsqu'il rentrait le week-end, il retrouvait un ou deux copains pour faire de la musique. Je le trouvais un jour par hasard, posant sur la photo de classe de la soeur ainée d'une camarade. La photo fut bien sûr subtilisée, copiée, posterisée et idolatrée. Ma meilleure copine (une autre) le reconnut et me révéla avoir assisté un jour à un concert du groupe. Je la sommais de m'aider à m'introduire parmi eux pour continuer ma filature. C'est ainsi que nous passâmes plusieurs mornes dimanches à leurs courrir après sans succés, quelques autres à écouter jouer ses ennuyeux copains, ou même enfin, quelques précieux après-midis à se cotoyer dans un silence gêné. J'étais empotée et je le savais, et les seules fois où j'osais ouvrir la bouche, on me regardait en penchant la tête à la manière des chiens étonnés, comme si j'avais parlé dans une langue inconnue. Nous avions quatre énormes années de différence.

Je n'ai, de toute ma scolarité, que très rarement séché les cours, aussi je ne me figure pas bien à quelle occasion j'ai pu me rendre pendant plusieurs jours dans la ville où il étudiait, et encore moins comment je pus loger là. Lors de ce premier voyage sans parents, entre des errances sans but dans les rues du centre ville et surement une visite au musée, nous passâmes, mon amie, et moi des heures à le guetter devant la résidence universitaire où nous savions qu'il logeait, à l'abri d'un café inhospitalier. Mais le point d'orgue du voyage fut lorsque nous nous rendîmes à l'école d'art où il étudiait. Nous pénétrâmes dans la cour en silence. J'avais le sentiment d'être une usurpatrice, mais je me sentais encore plus cool que si je transportais l'intégrale des vinyles de Jimi hendrix, et je m'efforçais de prendre un air que je croyais dégagé. Je jubilais de pouvoir fouler aux pieds le lieu de toutes les libertés, un endroit où l'histoire de l'art s'écrivait (sûrement). Je fus éblouie par le foisonnement de créations artistiques qui débordaient du batiment et répendaient le chaos jusque dans la cour.

Par la suite, il me semble que ma fixatiion amoureuse fut diluée dans la vie scolaire et de grands projets d'indépendance et d'aventure.

Un été passa, puis deux, trois, et quatre et j'entrais enfin, sur l'invitation unanime  d'un jury de professeurs que j'avais réussi à convaincre sans chichis, dans la cour bariolée de l'école d'art. L'école où il m'avait précédé, et j'étais certaine d'une certaine façon, que je me trouvait là uniquement pour des raisons sentimentales : j'avais suivi sa voie. Je menais une enquête dès la rentrée, mais le problème fût le même qu'au départ : personne d'entre nous, les bizuths, ne fréquentais de cinquièmes années, où il aurait dû être.

Je passais rapidement à autre chose et je devins pour les cinq années suivantes, une étudiante engagée, libre et ravie.

 

TO Be continUeD...

 

 

 

ven.

09

janv.

2015

Embarrassant pastiche

Je sens que le temps est venu de me raconter une histoire dont je n'aime pas me souvenir et que je cache sous le tapis de ma conscience, telle un vieux tas de déchets qu'on ne sait pas comment faire disparaître.. Un enchainement d'évènements où j'apparais sous mon jour le plus mièvre, le plus faible et le plus naïf. Grattons où ça fait mal.

Toute l'histoire s'étale sur des années, comme l'onde à la surface de l'eau provoquée par le jet d'un caillou, et continue de me bercer jusqu'à présent.

C'était par un temps comme aujourd'hui, "un temps d'hiver, madame", dit la voisine. J'étais pour la dernière année, du moins le souhaitais-je ardemment, au collège. J'appartenais à la classe de troisième B, celle des bons élèves, qui étudiaient l'allemand et le grec, et je venais de fêter mes quatorze ans. En relisant quatorze ans, j'hésite à effacer, comme si j'avais écrit "écarter la chatte". Plus de vingt ans après, je ressens encore la honte d'avoir eu quatorze ans, et d'avoir pu me sentir aussi mal à l'aise, avec toutes les gaffes qui en résultent. A cette époque si je me souviens bien, je me prenais déjà littéralement pour une adutle. J'étais outrée que quelqu'un puisse me dicter sa loi, j'étais sûre d'avoir raison, d'ailleurs je m'appliquais, en prétendant le contraire, à rendre toute discussion impossible. Je n'ai jamais vraiment eu l'impression d'avoir changé depuis. Je réalise que c'est certainement parce que je suis restée une teenager jusqu'à avant hier. J'avais beau me croire adulte, j'étais, à ce moment exact du point de départ de cette affaire, un peu après le milieu de cette pluvieuse journée d'hiver, dans la cour du lycée, en train de me chamailler avec ma meilleure copine. Dans cet établissement scolaire, le collège et le lycée étaient séparés par une rue. En tant que collégiens, on se rendait parfois sur le territoire des grands, pour le sport ou pour certains cours techniques. On traversait la cour le cul sérré, profil bas mais en essayant tant bien que mal de faire plus que bonne figure.Tout était mis en oeuvre pour avoir l'air à l'aise et bien dans sa peau, challenge insurmontable, et paraitre moins con que les autres. J'y échouais toujours malgré mes efforts d'intégrations, et mes pitreries pour distraire mes camarades étaient presque toujours considérées comme des excentricités de mauvais goût. C'était un lycée que fréquentaient les habitants du centre ville les plus rupins, certainement les plus cultivés, mais surtout les plus pédants. Progénitures de médecins, d'avocats, chatelains, notables. Le centre d'une ville du centre de la France, autant dire un trou du cul nombriliste et étroit, où les familles fin de race tenaient le haut du pavé.

L'enjeu de la dispute entre ma camarade et moi, était de savoir qui transporterait une pile de vinyles des années 70 de toutes sortes, empruntés par mes soins à la médiathèque. Celle qui vaincrait pourrait non seulement bénéficier de l'image rendue par cet accessoire de mode, en plein milieu de la cour des grands (qui s'appelait vraiment la cour des grands) mais il y avait aussi quelque chose de magique, comme un rayonnement, qui aurait pu nous contaminer et innoculer en nous le génie du cool, de la liberté et de la révolte des hippies et des soixante huitards, notre référence absolue. Ce fut à ce moment, alors que j'essayais, sans trop de conviction quand à ma victoire,  d'arracher la pile de disques des mains de mon amie que le choc advint.

Ce fut comme une apparition :  une silhouette extraordinaire remplissait l'espace. Haute stature, mouvements amples, mains grandes ouvertes, visage et silhouette venus d'aileurs : le cool en personne. Apparament bien dans sa peau malgré un look inadéquat au pays du loden vert, il riait d'un rire éclatant, d'un rire sincère et musical. J'étais frappée.

Je ne le revis jamais dans la cour du lycée, je crois que je l'ai cherché mais je n'en suis pas sûre.

Plutôt qu'une enquête, ce fut un crescendo de phantasmes artistico-romantiques. Etais-je la seule à avoir remarqué cet ovni auréolé dans la cour du lycée? Personne de ma connaissance ne pouvait dire qui il était, car j'étais au collègue et personne d'entre mes amis ne fréquentait de lycéens. On ne le voyait pas au réfectoire, où se cachait-il? Je ne me souviens plus quand j'appris son nom, il me semble que je le savais déjà, que j'en avais juste découvert la forme. Ce qui m'importait et ce que je sentais, c'est qu'il se destinait à être un artiste, et son père qui était un fameux poète d'origine algérienne, une référence de l'université de lettres, le soutenait.

Je passais le reste de mon année absorbée dans mes rêves d'évasion à ses cotés, écrivant une foule de poèmes délirants, et de dessins timides, chargés d'une signification mystique. J'apprenais l'Arabe. A cette époque, je nageais beaucoup, je nagais plusieurs dizaines de kilomètres par semaine. Soufflant sous l'eau pour rythmer mon effort, j'expirais son prénom.

Ce fut de justesse  qu'on me laissa passer dans la classe supérieure.

L'été fut un été de fille quatorze ans, riche en découvertes de toutes natures et en jeux au grand air. J'entrais en seconde encore plus sûre de vouloir faire de ma vie une vie exceptionnelle.

 

TO BE CONTINUED...

 

lun.

05

janv.

2015

5 janvier

Foule de choses à faire. Je pense pas mal à toi et à cet endroit où on écrit. J'ai envie de prendre le temps mais le temps, justement, passe. Alors j'écris sans l'avoir, ce temps. D'ailleurs je devrais déjà avoir mis mon manteau, mes caousses, et être partie. Je vais juste dire une chose: il fait froid, j'ai vu dehors des couleurs magnifiques. Je ne connais pas leurs noms.

La bassesse du commerce quotidien avec les humains m'inquiète. Où trouve-t-on les relations profondes? Par les temps qui courent, l'amitié, la confiance, ont pour moi la plus grande valeur. J'en éprouve de la fierté et une certaine sensation de renaissance.

sam.

03

janv.

2015

éphéméride

Enfin, les fêtes sont passées. Les jours rallongent, mais je m'en fous : bientôt ils reracourciront. Il a plu toute la journée, on a eu quelques flocons et puis plus. Le chien ne voulait pas sortir, il a pissé dans la cuisine.

Je suis encore en pyjama. Inutile. Je me demande toujours si ce roman sur l'imposture dont je t'ai parlé l'autre jour est vraiment bien. Ca me préoccupe.

Bientôt un an de blog, pas encore, mais bientôt. Quelques lecteurs se demandent qui écrit, facile :  quand il y a des fautes et des phrases pas finies, c'est moi, Alice. Je m'ennuie trop quand je me relis. D'ailleurs il faut que j'y aille, faire la bouffe.


 

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sam.

27

déc.

2014

avant et après

Chère Alice, je reviens d'un long voyage sombre, qui a duré deux mois. Depuis mon siège terne, j'envoyais Hunnin et Mugin parcourir le monde. Ils ne revenaient qu'au petit jour, épuisés par le bruit et par les souvenirs. Voilà longtemps que je n'avais pas connu ça, un tel désespoir, depuis peut-être mes vingt ans.

Je t'en dis rapidement la raison sans m'étendre: un homme est rentré chez nous, porté par le mensonge et les mauvaises intentions.

 

Mais aujourd'hui, dans la fenêtre de cette pièce où j'écris, je retrouve un petit goût de ciel, un défilement rapide des nuages gris sur fond blanc, et les toits de l'école enfin fermée. Le balancement de la cime de l'arbre dans le vent. T'as entendu comme il a soufflé la nuit dernière?

Pour la première fois depuis des années, les fêtes ont eu un certain goût de joie et de création. Guirlandes en papier, nappes en papier, sapin en papier, cadeaux faits maison ou quasi, petites danses simples mais endiablées, devant le feu, avec les enfants.

Pas de famille étendue.

 

Nous avons résolu de nous endurcir.

Quelque chose a volé en éclat.

Je le prends pur une initiation.

Maintenant il s'agit de reprendre le fil de ce que j'avais entamé il y a deux mois, avec la même joie, pondérée par ce que je sais de neuf (il était temps): le mal existe.

 

On se voit lundi ou quoi?

Si oui: j'amène du champagne.

sam.

27

déc.

2014

Il paraît que les meilleurs sacs poubelles viennent de chez Aldi

Dis, Peter Doig, toi, le peintre romantique, expert en canoës, toi qui poses comme Picasso -vos cheveux ont-il délaissé votre tête pour la même raison? - Peter, qu'as-tu fais à Noël? As-tu joué aux cartes en famille là-bas, à Trinidad? Ou es-tu plutôt rerourné en Ecosse voir tes parents? T'es tu précipité au Supermarché un peu avant le soir du réveillon pour faire les dernières courses avant que tout ne ferme? Et as-tu aussi déjeuné pendant quatre heures face à ton beau-frère qui ne pipait mot? Qu'as tu pensé, Peter, toi dont l'intérieur des yeux est tapissé d'espace, quand ils ont ouvert leurs cadeaux, tes neveux,tes nièces, et qu'ils ont trouvé des instruments de musique, après qu'ils ont regardé des écrans pendant plusieurs  jours d'affilée? Peter, as-tu bu l'apéro avec les voisins? Avais-tu installé des décorations lumineuses, Peter, qui s'allument entre 17 et 22h?

0 commentaires

ven.

19

déc.

2014

La vérité c'est qu'on s'est bien fait baiser la gueule

J'avais juste besoin de dire ça. Ça soulage un peu.

mar.

16

déc.

2014

Trois rêves

Le dentiste découvre un tout petit trou dans mon palais. C'est un trou sans fond, il dit que c'est à cause des cigarettes, qu'à chaque fois que je fume, le trou s'agrandit. Malgré ça, je sais que je n'arrêterais pas de fumer.


Je suis au FRAC, un FRAC en bois clair, pour un vernissage. Au-dessus de nos têtes, tout le monde nous contemple, suspendus à la charpente, la tête à l'envers, portant une tenue de chantier complète : salopette orange et bleue, chaussures de sécurité, genouillères, gants, casque anti-bruit, casque jaunes. Alignés, toi, moi, Julien, Séverine? Till? Ramona? Lou?


Sous l'oeil inquisiteur de la documentaliste, je cherche des livres de Françoise Héritier (et d'un autre dont j'ai oublié le nom, qui écrit sur l'histoire des techniques artisanales, l'histoire du geste) : je veux prouver à ma fille, qui écrit une thèse de sociologie, que non, ça n'est pas impossible à lire (j'allais dire inbitable, mais je me retiens car ma mère s'appelle Françoise, tu me suis?)


Les nuits sont si longues en ce moment, et les journées si peu intéressantes : je reste engluée dans les rêves. Je sors d'une grippe qui m'a cloué deux jours au lit avec de la fièvre. Une fois les douleurs et courbatures passées, je me dis que c'était quand même bien.

Il y a déjà longtemps, j'ai aussi rêvé que j'étais médecin. En passant des cellules cancéreuses au microscope, je me suis apercue qu'elles formaient une ville, et je pouvais tout voir dedans, les habitants, les bus, les voitures, les routes, les banlieues, les poubelles...

Cette démultiplication cancéreuse résonne, surtout avant Noël....produire, produire, produire.



jeu.

11

déc.

2014

Cet après-midi

J'aidais Barbara à déménager. J'étais près de la porte Vauban, en jogging et pull emmaüs, dans la rue, mon style des meilleurs jours. J'avais chaud et j'avais l'air fatigué et mon léger maquillage avait très certainement un peu coulé. Un mec est passé avec un sapin de noël emballé dans un filet, sous le bras. Il s'est approché de moi et m'a dit "combien? nique nique?".

mar.

09

déc.

2014

Je me demande comment des problèmes d'argent peuvent à ce point tout assombrir

Oui, c'est tout ce que j'avais à dire aujourd'hui, malgré cette très belle lumière claire d'hiver.

ven.

05

déc.

2014

Sony (Manuchehr)

Adossés côte à côte le long de la falaise, ils passèrent l'après-midi à transpirer, immobiles, lascifs, silencieux. Le soir venu, quand la lumière commença à décliner, la chaleur se fit moins oppressante et le mouvement repris dans le camp. On entendit des rires, la musique fut relancée, et tout le désert autour se couvrit de rose, d'orange, de violet. La lumière rasante se refléchissait sur les roches, sur les vêtements, sur les visages. Shamshir contemplait distraitement l'activité qui reprenait, il n'avait pas envie de bouger, ni de particper. Il aurait voulu partir, marcher sans réfléchir, seul. En fixant la scène, il s'échappait en esprit, le visage tourné vers les autres pour avoir l'air d'être là. Derrière lui, Manuchehr l'apercevait de trois quart. Quand il arrêta son regard sur ses machoires et les os de ses pommettes qui se détachaient dans la lumière, son coeur s'arrêta. Dans le visage de Shamshir, dans son attitude vide, juste à ce moment là, il découvrit le visage de celui qu'il fuyait, de celui qu'il avait quitté et qu'il ne parvenait pas à oublier.

 

Pendant cinq ans, Sony avait été son Dieu. Sony était un roi, Sony marchait comme un tigre, Sony était cool. Rivaux, les deux amants faisaient la guerre du cool. Les deux amants étaient très forts, mais Sony faisait de lui ce qu'il voulait. Poseur, cynique, insaissable, fier comme un paon, il glissait de soirée en soirée. Il faisait le DJ,mais  il ne connaissait rien en musique. Il était toujours à l'aise, toujours le meilleur, mais ce n'était que postures, Sony était creux. Il tenait des propos incohérents que Manucherh ne comprenait pas. Manuchehr prenait ça pour du mystère. Ils étaient deux étoiles, quand ils rentraient quelque part, les conversations s'arrêtaient. Ils dansaient, ils festoyaient, ils baisaient, ils se comparaient toujours et toujours. Aucun des deux ne baissa jamais sa garde pour laisser l'autre se reposer. Sony fût plus endurant, il ignorait la tendresse. Sony avait gagné, Sony avait les relations, il était né au Canada, Sony était plus aimé, plus entouré. Sa famille était riche et sa famille ne voulait pas de Manucherh. Il partit. il s'en retourna au pays sur les genoux, vaincu.


En contemplant le profil de Shamshir dans le couchant, beau profil hiératique aux yeux bridés, une montée de regrets le submergea. ll sentait un besoin de revanche.

 

 

 

 

 

 

ven.

05

déc.

2014

Cher employeur (2)

Mes amis et collaborateurs disent de moi que je suis efficace et rapide, que je suis indépendante, entreprenante, réactive et créative, et que travailler avec moi rend la tâche plus légère.

Grand bien leur fasse, (ils sont adorables). Ils n'exagèrent pas : je suis certaine d'être une recrue idéale pour votre entreprise.

Et je me ferais un plaisir de répondre de vive voix à votre question numéro cinq : "quel sont vos principaux défauts?"

Monsieur, Madame, chaque médaille a son revers, plus ou moins poli.


ven.

05

déc.

2014

Bordel matinal

J'ai cuisiné des lardons, des quantités de lardons, lardons fumés et lardons natures, à la poêle. Puis, je ne sais pas où je les ai mis, mais ils étaient importants pour la suite. Je connaissais le promontoire. Je m'y suis dirigée, j'ai étendu les bras face au vide et j'ai plongé. Portée par l'air ou par ma propre force, je ne sais pas, j'ai survolé les falaises, survolé les pentes couvertes de pins, survolé le fleuve jaune qui serpentait tout en bas. La lumière se réfractait dans tout le paysage. J'ai atterri dans l'eau. Je connaissais la route pour remonter et pour voler à nouveau, je l'ai indiquée aux autres, qui m'attendaient. Je ne sais pas s'ils l'ont trouvée, j'ai cru les voir partir le long d'un chemin plus tortueux mais quand j'ai voulu les prévenir, aucune voix n'a franchi mes lèvres. Sur les rives, des artisans fabriquaient des roues de bois. Feu, métal et eau fumante, dans le soleil réfracté, encore.

jeu.

04

déc.

2014

Trois raisons

Trois raisons pour rentrer dans les cases

1) pour les dézinguer de l'intérieur

2) pour trouver facilement quoi dire aux gens quand on se présente

3) pour travailler en profondeur plutôt qu'en étendue 

 

Je trouve pas d'autres bonnes raisons, je sais pas si tout l'aspect matérialiste peut constituer une bonne raison (avoir un statut, gagner plus d'argent, etc)


OÙ SONT CES FOUTUES CASES?

jeu.

04

déc.

2014

Dégivrage arrière

Je couve quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Pas une maladie, c'est déjà fait.

La nuit je fais des rêves étranges qui se diffusent le long ces journées cotoneuses. Julien est apparu plusieurs fois, ça n'est pas habituel. Il ne fait rien de spécial, mais je sens qu'il n'est pas là pour rien.

Et je pleure aussi. Je me sens plutôt joyeuse mais ça n'a rien à voir : mon interlocutrice prononce "rentrer dans les cases" et je pleure.

A la bibliothèque, je rentre par une porte secondaire et on me dis qu'il ne faut pas le faire, et je pleure.

Que se passe-t-il? Je me sens entre deux mondes, entre deux vies, entre deux civilisations, je flotte, j'absorbe, je constate, et je flotte toujours.

Je me reveille avec la chanson de Bashung en tête Malédiction : les porteurs n'iront pas plus loin, pas plus loin...

 

 

 

jeu.

04

déc.

2014

Fumée et feu

Ciel compact et blanc sur lequel peine à se détacher la fumée, blanche elle aussi, qui sort en tremblant des conduits de cheminée.

 

Même avec ce froid, le mec des planètes sort  promener son sale petit chien qui aboie sans cesse. Peut-être pour ne pas l'entendre, il porte comme toujours un casque audio sur les oreilles, rempli de dance music. Il est toujours content de parler à un voisin, et dans son entrée souvent ouverte, on peut lire "l'amitié est le bien le plus précieux".  Il héberge un enfant des services sociaux depuis longtemps. Il trouve que les gitans sont sales. Est-ce qu'il sait si la ville effectue pour eux le ramassage des déchets?

 

Gwladys est partie travailler. Toute la journée, elle est sur la ligne de front à la CPAM: "je veux carte Vitale, Madame". L'état fournit les protocoles mais pas les traducteurs et c'est son corps à elle qui fait barrage, chaque jour, entre les services de santé gratuits de l'état français et la vague de migrants hébétés, obstinés, qui défilent, le regard brûlé de survivre sans avoir les mots français pour le dire. Son corps à elle fait barrage, son corps de travailleuse au salaire minimum, son corps cinq jours sur sept, son corps sept heures par jour. Alors forcément au bout d'un moment elle a la rage. "Putain mais ils peuvent pas apprendre le français? Chais pas, moi, ils veulent habiter ici, pourquoi ils apprennent pas la langue?"

 

Matthieu a neuf ans. il visite son futur collège. Il s'adresse à un sixième.

- Moi mon frère il est déjà ici. Mais il se fait taper par des gens - excuse-moi de te dire ça - des gens de ta couleur. Et par des arabes aussi.

La prof monte au créneau,

- Mais attends tu sais que c'est vachement grave c'que tu dis-là?

- Mais madame chuis pas raciste, mais mon frère...

- Attends, tu sais que toutes les phrases qui commencent par "je suis pas raciste" sont des phrases racistes? Tu serais pas un peu méprisant, toi?

L'enfant noir est désorienté.

L'enfant blanc baisse la tête.

L'enseignante le regarde avec hostilité.

mer.

03

déc.

2014

Il est des entreprises pour lesquelles la vraie méthode est un désordre intentionnel

On dirait qu'il s'apprête à neiger, il fait vraiment glacial. Dans le vent, je marche courbée, le moins longtemps possible. Malgré l'echarpe et le bonnet, mon visage cinglé prend une couleur de radis dès que je retourne à l'intérieur. Malgré tout, je décide de ne pas m'organiser pour aller à la gare, je sors, et je marche, comme ça, hop. C'est très humide, on est dans un nuage. Des gouttelettes suintent de partout, et des flaques s'alignent le long de la route; au bout des branches dressées, les toutes dernières feuilles lamentables me font une haies d'honneur, et s'agitent, petits drapeaux jaunes. Sur cette route droite, longue de plusieurs kilomètres, je tends mon pouce : si une voiture passe, souvent, elle s'arrête. Parfois c'est quelqu'un du village, connu ou inconnu. On s'étonne de me voir marcher sur la route, et je n'ose pas expliquer que j'aime faire du stop. Une délicate incompréhension plane.

En marchant, je repense à ceux qui se sont déjà arrêtés pour me prendre. Des jeunes, des vieux. Peu d'étrangers, et presque pas de femmes. Je cherche dans mes souvenirs, imprécis comme des rêves.

Perchée dans un camion, roulant en surplomb de la méditérranée, un ancien légionnaire me raconte Djibouti.

Perchée dans un camion, à Calais, dans la file d'attente pour entrer dans le ferry, un anglais fait le bilan de toutes les insultes qu'il connait en français : Gwo ventwe, c'est bon ça? gwo ventwe? Camioneurs au grand coeur, vous êtes les meilleurs.

Sur les dock à Londres, un espagnol me propose l'hospitalité sa cabine de camion, et je dors confortablement au dessus de lui, sur la couchette superposée. Le matin au petit déjeuner, on décharge la cargaison de madeleines.

Une autre fois, sur l'aire d'autoroute, des chauffeurs bulgares ont fait des rondes autour de mon buisson pour voir si je dormais bien.

Et puis des automobilistes : un gardien de prison espiègle - qui m'a ramassée plusieurs fois - m'a raconté qu'enfant, il mettait de l'encre dans l'eau du bénitier, et une foule d'autres farces que j'ai oubliées.

Au moins trois missionnaires ont essayé de me convertir. Et deux maréchaux-ferrants ont failli faire dévier ma route,

Un faux flic et des vrais flics, tous aussi dingues (les vrais flics ont forcé une barrière d'autoroute),

Deux mamies si bizarres et mystérieuses que j'ai un moment cru aux fées.

Un type en slip bleu ciel, (vraiment gentil),

Des chiens sur mes genoux, des bébés et toutes sortes de paquets.


Toutes sortes d'autos : une 205 tunée à mort, harnais de sécurité, un néon sous la caisse, lumière noire à l'intérieur et de la techno assourdissante. Mais aussi, sur une route sinueuse de montagne, dans une voiture allemande silencieuse, conduite par des allemands silencieux, Miles Davis qui joue de la trompette tout seul, et dehors, un énorme orage.

Plein de gens, plein de genres de gens, plein de modes de vie, et des histoires. Des témoignages sur des expériences, sur des métiers. Des conversations polies, des silences, des bonnes rigolades. Je me souviens des gens gentils, compréhensifs, et parfois protecteurs. Un homme s'arrête avant ma destination, il dit : "petite, la nuit tombe. Ma fille a ton âge et je n'aimerais pas qu'elle traine sur les routes à cette heure-ci, j'ai payé l'hotel, j'ai payé le repas, tu repartiras demain. Bon voyage".

Quand j'étais étudiante en art, un prof de management farfelu m'a donné sa carte : "si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle moi".

Je me demande si je n'ai pas gardé son numéro.







sam.

29

nov.

2014

Rencontre

Je crois que je suis venue avec ta voiture et ton jean. Une voiture confortable (une multipla) et un jean sexy et moulant (je ne savais pas que tu portais de tels jeans). Ils étaient tous en train d'arriver chez toi. Lou était là, déjà avec Adèle. Julien arrivait avec Basile et Noémie. Je ne crois pas qu'il y avait Lucien. Basile était très grand, il parlait déjà, alors qu'Adèle était comme la dernière fois que je l'ai vue, attentive, sur les genoux de Lou. Isaac aussi était très grand. Il discutait avec Basile. Ella jouait avec Josefien et Liselotte. Séverine était presque là, égale à elle-même, blonde et énergique. La table d'extérieur à Racour, du pain et du fromage qui se tartine, des bières.

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sam.

29

nov.

2014

Grigritologie

(à compléter)

En tant que grigritologues autoproclamés, nous vous proposons une vaste gamme de grigris pouvant convenir en toutes occasions:

  • protection contre le mauvais sort
  • examen scolaire ou permis de conduire
  • mariage
  • divorce
  • problèmes judiciaires
  • recherche d'emploi
  • rupture sentimentale
  • naissance

 


(flûte c'est l'heure de partir, mais on part en Ardennes, par ce temps spendide, par ce bel automne, dans la nouvelle voiture confortable, alors je me réjouis et je reprendrais plus tard.....)






sam.

29

nov.

2014

Cher employeur,

Après avoir voyagé pendant dix ans dans le milieu culturel bruxellois, et après y avoir exercé une foule de fonctions : depuis Accessoiriste de plateau, Barmaid, Chargée de projet jusqu'à Webdesigner (dommage, je n'ai pas été Zoologue), je suis partie à la campagne pour y élever des enfants. A présent plus disponible, je suis à la recherche d'une nouvelle mission.

Vous proposez un produit ou une activité qui ne nuit ni aux humains, ni aux animaux, ni plantes, ou même qui améliore leur condition?

Vous traîtez vos collaborateurs avec respect, voire équité, voire amitié?

Je suis la personne qu'il vous faut : efficace, très créative, extrêmement polyvalente, je m'adapte à toutes les situations

Engagée et combative, je suis une recrue de choix pour défendre, développer et diffuser votre projet : je vous apporterai des ressources et des données précieuses de l'extérieur, car j'ai des informations sur de nombreux secteurs, un grand cercle de relations, et une excellente culture générale. Toujours à la pointe, je propose des idées novatrices et j'imagine des angles d'attaques originaux, ainsi que des solutions où tout le monde peut trouver son compte.

Je suis drôle et agréable à côtoyer et je m'intègre facilement dans une équipe : tout en étant moteur, je m'applique à soutenir et épauler les autres.

Si vous cherchez à engager quelqu'un, n'hésitez pas à me contacter, je saurais vous décrire mes aptutides plus avant et vous démontrer ma motivation.


Bien cordialement,

Alice Retorré



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jeu.

27

nov.

2014

Marcher dans le caca

Monsieur le Conseiller,

Il y a quelques semaines tu as eu le privilège, avec ta petite conne d'intelligence, de recevoir dans ton bureau l'artiste Alice Rétorré.

Si tu as reçu cette incroyable personne, que j'ai l'honneur de connaître, ce n'est ni pour avoir ton avis de spécialiste, ni parce que nous pensons que toi - qui te prétends si différent des Duplantier et autres minables du marché de l'emploi -, tu aurais pu avoir un regard différent des autres, mais pour que désormais tu ne puisses dire que tu l'ignores.

Voilà une excuse que tu n'invoqueras pas quand l'histoire t'éclatera en pleine gueule, plus vite et plus durement que tu ne le crains.

Toi et tes semblables, je vous méprise.


Le vieux poussin existe.

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mar.

25

nov.

2014

Nord Sud Est Ouest

Merci chère, très chère amie pour ces touchants voeux d'anniversaire, je ne les mérite pas :  je ne suis qu'un résidu présomptueux issu du fond très bas d'une vieille pelle à merde, et je n'arriverais jamais à rien, comme me l'a patiemment expliqué le conseiller de l'agence pour l'emploi la semaine passée.

Petit à petit, comme le blé après une averse, je relève la tête. Il fait beau, mes amis m'arrosent de suggestions les plus incongrues. Je ris dans ma moustache en m'imaginant coach vestimentaire. Plutôt aller danser nue dans la forêt, pour ça au moins j'ai des compétences.
Qu'en dites-vous monsieur conseiller?

lun.

24

nov.

2014

SALUT ALICE! BON ANNIVERSAIRE!

Que ton chemin serpente à travers le monde, qu'il soit parsemé des fleurs odorantes pour sculpter l'intérieur de ton nez délicat, des saveurs nouvelles qui calment la voûte affamée de ton palais et des visions pour l'œil alerte.

Puisses-tu croiser les animaux les plus étranges et caresser leur croupe, de ta main sauvage.

Puisses-tu danser nue dans les forêts du monde jusqu'à la fin des temps.

Je célèbre ton humour et ta grâce. Voici une couronne de fleurs.

Aujourd'hui sera hier.

ven.

21

nov.

2014

Hier soir Till a dormi chez nous, près du feu. Il est parti tôt, avant notre réveil.

Il a laissé le canapé déplié et les couvertures pliées. J'ai retrouvé le réveil, qui fait trop de bruit dans la nuit, tic tac, dans la véranda (ma mère quand elle vient fait ça aussi), après l'avoir cherché un peu partout en furetant. On a passé la soirée à discuter de choses plutôt importantes, comme l'art, la vie et la politique, en buvant du vin. Dommage qu'on ait pas eu le temps de rigoler un peu et d'être un peu plus légers, mais ça ne s'est pas fait. Une autre fois peut-être. Il a l'air d'aller bien, je trouve. Il s'occupe d'une maison et de chèvres, parfois.

On a fait les courses ensemble, lui poussait le caddie en me suivant partout dans les rayons et moi je jetais les trucs à toute vitesse pour sortir de ce trou le plus vite possible. Il a dit que ça portait bien le nom de "courses", vu mon rythme. On a mangé de la polenta avec une conserve moyennement bonne, c'est dommage qu'on ait pas eu le temps de faire des gnocchis de courge comme il en avait envie, mais on est rentrés trop tard: on était allés boire lui un thé moi un whisky chez pierre mercier, où c'est haut de plafond, au sens propre comme au sens figuré d'ailleurs. C'était un drôle de mélange de plusieurs époques de ma vie, pierre, son "appart" qui ressemble à un bateau, le whisky, till, lille, les courses au supermarché pour la semaine. Tout se mélange! J'ai vécu toute cette vie, déjà!

Pour l'heure, Pierre est à Paris, Till à Marseille et moi à Lomme, dans mon château du deuxième étage. Il reste du vin.

jeu.

20

nov.

2014

In quiétus

Alice je suis inquiète,

Mais vraiment inquiète,

Autour de moi, même les personnes plus inattendues, ont des choses à reprocher aux étranger(e)s, que ceux-ci soient roumain(e)s ou voilé(e)s. Des gens que je considère presque comme des amis, en train de devenir des amis (et j'espère que c'est pas ce qu'ils disent qui va m'empêcher de les aimer). Je suis interloquée, je m'y attendais pas. Pourquoi tous ces discours GÉNÉRAUX? Pourquoi ne regarde-t-on pas la magistrale poutre qui se plante et se replante dans notre œil de cyclope? Pourquoi ne voit-on pas que nous faisons tous partie du même monde? Il n'y a qu'un seul monde! Pourquoi ne voyons-nous pas le lien DIRECT entre nous et le premier immigré que nous croisons dans la rue? C'est le même système! L'exploitation de la terre et de l'homme par l'homme. Le lien direct entre nous et la première femme voilée que nous côtoyons? Pourquoi considère-t-on que la laïcité est un état de progrès sur la religiosité? Je frissonne, j'ai froid dedans, un froid terrible. Je ne dis pas qu'il faut fermer les yeux sur l'oppression quand elle existe, mais, enfin. 2015, je m'adresse à toi, pourquoi tant de peurs? Pourquoi tant de repli, tant de rejet? Pourquoi j'entends les phrases terribles que j'entends?

Alors j'ai juste envie de citer ce que j'ai lu il y a pas longtemps, pour contrebalancer et pour mettre les pieds dans le plat, tant cette question remue les cœurs de tout le monde, semble-t-il :

Dans les années 60, les femmes se voilaient le visage avec leurs cheveux. Elles les laissaient pousser très longs, les repassaient et les portaient en quelque sorte comme un rideau, comme si leur chevelure pouvait les protéger, mettre leur personne fragile à l'abri dans un monde où tout était à nu. Nous connaissons toutes la danse des voiles au Moyen-Orient, et, bien sûr, le voile que portent les femmes musulmanes. Les babouchkas d'Europe de l'Est, les trajes d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud sont aussi des vestiges du voile. Les Indiennes et certaines Africaines portent naturellement le voile. En regardant autour de moi, je n'ai pu m'empêcher de regretter un peu que les femmes modernes n'aient pas de voiles à porter. Car être une femme libre et pouvoir porter le voile quand on le désire, c'est détenir le pouvoir de la Femme Mystérieuse. Apercevoir une telle femme voilée est une expérience forte (...) Certains disent que le voile, c'est l'hymen, d'autres que c'est l'illusion. Ni les uns ni les autres n'ont tort. Mais il y a plus. Il est amusant de constater que si le voile a été utilisé pour dissimuler la beauté de la femme aux regards concupiscents, il fait aussi partie de la panoplie de la femme fatale. Porter un voile d'un certain style, à un certain moment, avec un certain amant, d'une certaine manière, c'est exsuder un érotisme torride qui coupe littéralement le souffle. En psychologie féminine, le voile est  symbolique de la capacité qu'ont les femmes d'être, en présence ou en essence, ce qu'elles veulent.

mar.

18

nov.

2014

Jaune paille pour le repos

Corail pour la force. Force et repos pour passer l'hiver, pour se laisser recouvrir de feuilles fraiches, pour se laisser ensevelir sous les feuilles craquantes, vertes quand elles viennent de tomber, puis brunes et en couches épaisses à mesure que la saison humide avance. Rouge corail pour passer plusieurs mois dessous, sous le lit de feuilles, en compagnie des insectes, pour voir avec des yeux de taupe le sol au repos, pour entendre avec des oreilles de roche ou de terre le crissement permanent des vers qui retournent l'humus, pour sentir tout le long du corps la décomposition des feuilles en fragments de plus en plus petits, au goût d'eau, de sable, de moisissures, pour rester allongée sur le sol humide, sur le sol froid, inactive mais consciente, en serrant dans la main les trois petits brins de laine.

 

Ou bien au contraire: force inversée. Pendant que la terre se repose et se recrée, tout au long de la saison froide humide, commencer, avec toutes les forces, à agir. Se ramasser.


Après tout n'est-ce pas l'un et l'autre la même chose?

dim.

16

nov.

2014

Samedi

Hier matin, samedi, je rentrais du marché quand un voisin m'a fait signe. J'ai hésité et j''ai franchi le seuil de la maison de cette très sombre personne. J'ai vite bu le café. Quand je suis sortie, les petits darqueaux qui logeaient derrière les radiateurs sont restés accrochés aux poils de mon pull. Je me suis encourue, j'ai marché et marché. Une vieille femme m'a prise en voiture sur la route, et il y en a qui sont tombés sur ses carpettes, impeccables, en même temps qu'un peu de boue de mes chaussures. J'ai pris un train à grande vitesse alors que la nuit tombait, les nuages étaient gonflés comme des barbapapas, sous le ciel bleu de prusse, déchiré en deux, et quelques uns encore sont tombés dans ma course, quelques uns dans le train, quelques uns le long de la route, sous les platanes, quand je fonçais dans le noir vers mon refuge.
Il devait m'en rester quand je me suis endormie, car dans mes rêves, j'ai continué le voyage avec cette noire personne et nous étions perdus. Perdus sur la carte, perdus dans le tram, en avion, en voiture, finalement je l'ai perdu aussi et j'ai pris un bateau. Je me dirigeais vers une île dont la direction était indiquée sur la carte avec des petits pointillés. Une fois sur l'île, l'eau avait disparu, et je me trouvais avec Maud, au milieu d'un désert mouillé.
Mon amie était décomposée, en alerte, car cette île était hantée par une bête invisible, et la jeune fille, la seule habitante de l'île, avait disparu. Nous étions effrayées, et la peur nous a rendues stupides. Dans un coin de la maison, sur une table basse, un ordinateur clignotait dans la pénombre. On entendait la mère de la jeune fille, folle d'inquiétude qui appelait. Maud y avait touché et avait envoyé un signal. Nous restions interdites, figées devant les supplications. J'ignore si on a pu rattraper notre erreur, mais en me reveillant, j'ai vu une aile noire qui quittait le rebord de ma fenêtre.

J'y ai trouvé trois petits bouts de laine ; un vert pâle, je dirais vert amande, autre jaune de paille et le dernier est couleur de corail. Je les ai enroulés autour des bracelets d'or de ma grand-mère, ceux qui font du bruit quand je bouge, pour les rendre silencieux. Je sais que le brin vert conjure la peur, je me réjouis de ma chance, et je me demande si les deux autres ont aussi des pouvoirs.

ven.

14

nov.

2014

Rassembler des pans de moi pour essayer de connaître (mais connaître quoi?)

Il est quinze heure. Quelle est cette obscurité?

Novembre, la pluie, le soir qui tombe déjà. Je regarde le blog de mes amis partis faire une veillée au Québec. Hauteur du ciel, clarté atmosphérique.

En allant faire des courses de 153euros au supermarché, ce qui est un montant outrageusement excessif vu l'état rouge foncé de nos finances, j'écoutais Benard Stiegler qui parlait à l'antenne de la radio nationale. La manière qu'il avait de dire: les nouvelles technologies ne sont ni bien ni mal, elles sont là. Par contre, elles posent la question suivante: quel corps avons-nous? Il parlait aussi de Kant et des aspects humains de la connaissance (je redis ce dont je me souviens avec une rigueur très relative):

1) l'intuition, qui est l'ensemble des capacités qui nous permettent de connaître le réel,

2) l'entendement, qui en tire des concepts

3) la raison, qui est la seule à pouvoir agencer les concepts pour produire de la pensée.

Or, les outils numériques, aujourd'hui, nous permettent de produire de l'entendement, pas de la raison. Exit la raison. Il prenait l'exemple de la Bourse: on a trouvé une manière de faire fonctionner le système financier de façon à ce qu'il soit entièrement automatisé et fondé sur des données statistiques. Exit la raison.

Cet après-midi, tentant de rassembler les morceaux de moi qui battaient la campagne, j'ai cherché CHOUETTE dans mon dictionnaire spécialisé. L'animal symbolise la connaissance rationnelle, alors que l'aigle symbolise la connaissance intuitive: la chouette a une perception de la lumière (lunaire) par reflet, alors que l'oiseau diurne a une perception directe de la lumière solaire. Ça m'a troublée: j'aurais pensé l'inverse. J'aurais pensé que l'intuition était reliée à la nuit et la raison au soleil. Mais.

Puis, j'ai cherché CORBEAU. Je voulais rendre hommage à ces êtres noirs, sautillants, discrets, que j'aperçois quotidiennement, par groupes de deux, de  trois. Ils vaquent à leurs affaires, picorent un débris de civilisation pour en faire autre chose, une nourriture, un nid. Je les admire. Chaque fois que je les aperçois, ils me réchauffent le cœur. J'ai lu - et c'est ce que je ressentais dans ma mythologie personnelle - qu'ils étaient des guides, des prophètes, des écarteurs de mauvais sort. Sur le trône d'Odin sont perchés deux corbeaux, Hugin, L'esprit, et Munnin, La Mémoire. Mais où tout cela me mène-t-il? Y-a-t-il un lien entre Munnin et ma Mémé Simone? Entre Bernard Stiegler et Chrstine Wahl, qui dispense inlassablement ses cours de conscience corporelle; le mardi midi et le mardi soir? Y-a-t-il un lien entre ces objets magiques que je fabrique parcimonieusement (quand j'ai le temps) et le fond de moi-même que je racle et racle encore, sortant inlassablement de nouvelles épaves qu'il faut laver, polir, ranger? Alice, est-ce que je dois abandonner la pensée analytique? Est-ce que, tout comme la souplesse physique, elle est une manière d'éviter le réel et la limitation qu'il impose? À quoi tout ça rime? Pourquoi ai-je acheté un "séchoir qui se fixe partout" mais pas chez moi? Pourquoi la vie est elle si magnifique, comment ces foutus scientifiques ont-ils réussi à envoyer un engin si loin, si loin, pour le faire atterrir sur une comète (acométir?).

Quel est le geste créatif qui m'est propre?

Comment rassembler les choses?

Est-ce que je dois me lancer dans une encyclopédie, nom de dieu?

mer.

12

nov.

2014

Matin vif

Il fait jour à peine et c'est comme un rituel: nettoyer la vitre noircie par le feu de la veille, enlever les cendres, tous les trois ou quatre jours. Déjà les mains sont noires de suie. Puis, disposer dans l'âtre trois feuilles de papier journal froissé, celui qu'on a déjà lu. Empiler le petit bois, pas trop serré, pas trop aéré. C'est une construction dans laquelle il faut veiller à équilibrer vide et plein, air et matière. Souvent je place une petite bûche en équilibre sur un tout petit morceau de bois, une bûche vraiment bien sèche, avec un peu de mousse sèche ou avec de l'écorce décollée ou bien encore avec des filaments de bois qui se détachent. C'est ça qui prend bien feu, ce mélange de matière fine et d'air. Une allumette. Au début on laisse la vitre ouverte. Il vaut mieux ne pas s'être lavé les cheveux avant, à moins d'aimer sentir le feu. Le premier feu est vif, les flammes vigoureuses s'élèvent haut, jaune clair. Elles sont affutées comme des lames, mais on ne peut pas encore leur faire confiance. Quand le papier a brûlé, que le petit bois commence à se consumer et que les flammes attaquent la bûche, j'en rajoute une autre. Même s'il n'y a pas encore de chaleur, le feu a presque pris (ça m'est déjà arrivé pourtant qu'il s'éteigne à ce stade). Je ferme la vitre, il faut encore surveiller de temps en temps. Puis, pendant une heure, je veille, mais plus distraitement encore. Je rajoute des bûches, je laisse les flammes prendre en solidité. Enfin ça chauffe, je peux baisser le thermostat et fermer l'apport en air pour que le feu tienne toute la journée. Maintenant il est solide et rougeoie comme une forge.

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mar.

31

août

2021

Rewind

Heureusement, j'aime la pluie.

Partir de Gelnhausen à l'aube.
Changer plusieurs fois de train, retrouver des proches, me séparer d'eux bien vite.
Francfort, Cologne, Bruxelles, Lille, Paris, Cahors.
- à bien y réfléchir, préférer la perte de mon téléphone à celle de la citrine et de la sodalite qui demeurent (à ce jour encore) dans mes poches. Qui les déforment. Les lestent.
(Les caresser quand on m'emmerde).

 

La perte : en éprouver une liberté infinie. Vouloir encore changer de vie ?
Plutôt : approfondir mes choix.

 

Penser aux hobos.
Marcher dans la rosée entre les champs.
Cueillir : une bogue de marronnier, un pistil orange et violet de fleur de magnolia, un parapente de tilleul.
Cueillir le regard de l'oiseau.

Les déposer sur ma table et dans mon cœur.


Chercher les noms des fleurs dans l'herbier vendu au tabac en dépot-vente par un mec du village.


Souffler dans différentes eaux : chlorée, limoneuse, salée.
Me dissoudre un peu dans chacune d'entre elles.


Une grenouille dans une mare. Sa patience, sa discrétion, sont supérieures à la mienne.


Croire à la déesse du fleuve lent bordé de peupliers.
Trouver le calme en son milieu.


Dormir avec la tourmaline, marcher avec l'obsidienne.

 

De nombreuses formes de vies minuscules m'accompagnent.
Rien n'est plus doux.


Retrouver les odeurs des cheveux chauds et crasseux, des rires.
Des petits satellites.

Reprendre la route autrement, au-delà des trois villes d'enfance.
Des sources dans des bacs de pierre froide, des sommets plats, herbeux, dorés.
Ne rien faire d'autre que marcher sur le sol et dormir sous la pluie.
Le plus grand silence et le rythme sur la toile.
Dans le peu : le beaucoup.
Un envol de geais.
Un écureuil éclair roux.
Un crapaud qui s'enfuyant disperse comme un poudroiement la boue dans l'eau.

(Sournoisement, un fond d'effroi qui monte.)
(L'ennemi a enfin montré son véritable visage.)

Rentrer en faisant un détour par un creuset d'amour.
Trier toute une année d'aller-retours, avant de repartir,

un tout petit peu.


Quatre poissons, un bateau, deux baignades.
Une femme forte comme une déménageuse.


Décider de vivre à la marge, tant que c'est possible.
Repenser à cette phrase : qui accroit son savoir accroit sa souffrance.

mar.

27

févr.

2018

6 : 22

Déjà un peu tard pour venir ici. Finalement je ne suis pas allée au Carnaval : c'est le mois prochain. 

Le froid me paralyse, j'écrirais plus tard. C'est bien le froid, le temps passe moins vite je trouve.

 

sam.

17

févr.

2018

Loosers have an excuse, winners have a plan

C'est ce que me répète Evy Gruyaert, la dame de l'application Start to run, deux fois par semaine. Malgré son insistance, elle n'arrive pas à me convaincre.

Crois-le ou non (moi je ne le crois pas) mais je fais régulièrement des petites courses à pied dans les champs deux ou trois fois par semaine. On m'aurait annoncé ça il y a quelques mois, j'aurais pu parier un an de salaire (ok, c'est pas grand chose mais c'est une image) que ça ne se produirait jamais. J'ai commencé en novembre, donc c'est d'autant plus surprenant que j'ai persévéré, parce que j'ai dû affronter pluie, froid, vent et bouillasse à chaque sortie. Sauf hier où il faisait beau, et ça m'a presque gâché mon plaisir (pourquoi j'arrive à prévoir et comprendre si souvent les réactions des autres et pas les miennes?). 

Autre parenthèse : l'autre jour il y avait une famille pas très classe au Lidl de l'autre côté du rayon fruits et légumes où je me trouvais. Le fils (dix ans environ) demande : Papa, c'est quoi ça ? Le père : c'est de l'ail. C'est spécial.

 

T'es contente qu'on va faire une résidence d'écriture ensemble l'année prochaine à la mer ? Moi, ravie. Même si ça m'inquiète un peu.

Tu sais que j'ai de nouveaux plans pour météo++ ? Je t'en parlerais après.

 

Quand je cours, j'écoute des podcasts et : 1 son bien incrusté dans les oreilles + 1 sensation de plein air + ce que j'imagine être l'effet des endorphines, c'est juste du pur bonheur et ça vaut en plaisir mes soirées cinéma/parfum (où il s'agit de regarder un bon film en portant un bon parfum).* 

Courir comme ça dans la plaine (chez moi, ça ressemble quand même un peu au Kazakstan), c'est complètement absurde et ça donne, somme toute, un recul particulier sur ce qui se passe dans le monde.  

Dans ce monde de rêve/ je cours dans la plaine/ Solitude  

(merci Kôi)

 

Aujourd'hui, c'est le Carnaval Sauvage à Bruxelles. Dois-je y aller ou ne pas y aller ?

 

Soit j'y vais : je prends un billet de train à 10 euros (aïe), je vois des choses réjouissantes sans pouvoir les partager parce qu'il y a trop de bruit et que je ne connais personne, sauf Julien qui va être trop occupé, et j'ai peur qu'il y ait un accident avec tous ces masques et ces voitures, je me sens timide et je m'ennuie un peu MAIS peut-être que je rencontre quelqu'un, par exemple Brigitte, qui me dit qu'elle veut partager une maison perdue dans le Brabant-Wallon (haha), alors sur un coup de tête, je décide de déménager dans une communauté où je suis utile et à ma juste place, et on abolit le rapport à l'argent, on ne met plus nos enfants à l'école mais on leur apprend à faire du hacking et du fromage de brebis, puis on vit tous ensemble à l'abri de tous ceux qui pensent que l'ail c'est spécial, entre gens normaux qui veulent divorcer de la civilisation occidentale. On peut avoir du poil au pattes ou porter le tchador, comme on veut, on rigole bien et on meurt en paix, entouré d'enfants insolents.

 

Soit j'y vais pas : je range ma grange pour mettre à jour cet espace de rêve où je vais pouvoir travailler, bricoler, m'épanouir et jouer avec les enfants (plutôt que de les traiter de tous les noms parce qu'elles font du bruit et du bordel). On passe une journée constructive comme au bon vieux temps avec Peter a rêver à nos projets tout en réalisant de petites tâches domestiques, tels Charles Ingalls et sa femme (dont j'ai pas retenu le nom parce qu'elle est trop insipide) et ça risque de changer notre vie car enfin on pourra se mettre d'accord sur quoi faire avec les cadavres de voiture et par conséquent avoir un espace pour ouvrir un atelier de ferronnerie où Peter brillera par ses talents de pédagogue, et il aura des horaires normaux sans être complètement crevé, s'occupera avec plaisir des enfants et du ménage pendant que partirais à Paris faire du shopping/ je me mettrais de la crème/ je boirais des pintes avec les voisines. MAIS peut-être qu'il va faire trop froid ou pleuvoir alors je vais rester à l'intérieur et passer quelques heures sur les réseaux sociaux où je n'ai pas d'amis avant de m'apercevoir que la nuit tombe et qu'il faut penser au repas du soir.

 

A quoi ça tient un destin, tout de même...Ceci dit, ma décision est prise. Je vais à Bruxelles, ça va servir mon plan diabolique pour météo++

 

* précision, un bon parfum, c'est pas forcément le dernier Guerlain, ça peut être par exemple une eau de Cologne ancienne qui sent la térébenthine, un musc aux cheveux gras, un patchouli qui rappelle tabac à pipe, une odeur de rouge à lèvres, de la lavande fumée, un cuir à l'immortelle qui sent les dunes chaudes etc....

 

 

 

 

sam.

06

janv.

2018

Smatch

Une citation de Kantor entendue à la radio aujourd'hui a résolu d'un coup un bon nombre d'années d'interrogations: "l'art est inutile, l'amour aussi". Tadaaaa ! Fin du cul de sac philosophique (inauguré en terminale, comme le veut le programme).

Il y a une autre phrase qui me reste toujours en tête qu'on m'a présenté comme un proverbe tzigane. Ca ne résout rien, et c'est moins cucul, deux points ouvréléguïmè: une belle vie, c'est une vie ou on a beaucoup souffert. Je ne préfère pas m'attarder sur ce qui me fait passer de l'une à l'autre...disons que c'est des phrases. Des phrases qui a présent vont guider ma vie, car je vais en 2018 dealer un max de shit pour enfin être riche, avoir de belles chaussures sobres et dorées comme tu sais que j'aime bien, et surtout passer quelques temps dans une prison pour femme. Ca me changera du trajet lave-vaisselle/machine-à-laver/supermarché/fourneau/apéro-chez-la-voisine. Qu'en penses-tu?

Moi je pense que ça sera de l'art.

mar.

05

déc.

2017

Dans le vent

J'attendais quelque chose mais rien n'est venu. Faut pas que ça finisse comme ça avec des histoires de slip. J'attendais pas vraiment puisque je viens juste maintenant, et maintenant c'est mardi et on devrait être en train de marcher sur la plage. Au lieu de ça je suis assise sur mon cul à essayer de fuir la besogne comme je peux. Comment sont remplies les journées des autres, au bureau, sont-ils aussi en train de fuir la besogne en rêvassant? Et toi, tu rêvasses à quoi, toi qui ne donne signe vie ? Tu crois que derrière ces nuages gris (brouillard ou nuages?) se cache un ciel bleu pétant et un soleil d'hiver qui frappe? Moi non.

Nous sommes plongés en plein rêve. Parfois un peu hallucinatoire comme quand je suis allée au magasin de jouets tout à l'heure.

La preuve : j'ai revu hier à Bruxelles un collègue qui m'a fêtée, serrée, embrassée, calinée, re-sérrée, re-embrassée....c'était sympa. Cette nuit, j'ai rêvé la même scène plus ou moins et ça bouleverse complètement ma journée. C'était tout à fait puissant. 

Tu vois ?

mer.

16

mars

2016

Slip

Beau temps froid.

Dans le salon, la vitre a été nettoyée, on aperçoit la route qui poudroie dehors : elle ne va pas rester propre longtemps.

J'étends le linge avec un très jeune homme, Guillaume. Une de mes grandes culottes dans la main (tu connais le "ah, c'est bien que j'ai pensé à laver mes chiffons aujourd'hui"hèhè), il me dit qu'il envisage une carrière dans l'armée ou dans la police.

mer.

17

févr.

2016

alors, on se promène?

Ca fait tellement longtemps que je ne suis plus venue par ici que j'ai oublié comment on fait. Je n'ai pas beaucoup de temps et je me sens un peu timide. J'ai senti que tu étais passée, tu me l'avais dit? Je ne sais plus, je ne suis plus moi même. Cette nuit j'ai rêvé de Kaboul. Kaboul (Kobul comme dit X), de mon rêve était lumineuse. Grand bazar en adobe et en mosaique bleue, des oiseaux colorés dans des cages blanches, les enfants dans les rues font piocher des prédictions du Divan de Hafès par leurs petites perruches. Ca prouve que finalement je suis toujours moi même. Car je rêve beaucoup, je rêve de villes : Kaboul, Istanbul, Lisbonne, Pondicherry, Belgrade, Yerevan.

 

Suis-je toujours moi-même?

C'est la question que je me risque à poser à la version numérique de l'horacle de Hafez. Je tombe sur le Ghazal 245, en anglais malheureusement:

 

O bird of Paradise, your secrets disclose
Cease not the sweetness your tongue outward throws.
May you remain vital, your heart content
From the Great Artisan, the beauty you chose.
You spoke in riddles with all thy foes
Unveiling of the secrets, God only knows.
From the rosy cup splash and bring me scent
We only went to sleep when fate arose.
How the minstrel played this playful tune
Drunk and sober dance on feet and toes.
From intoxication, who is immune?
Both friend and foe lost their repose.
No water in sight for Alexander’s thirst
Neither power nor gold, can impose.
Listen to the pain of the heart at first
Few words that much meaning enclose.
Clay idols, the heart and soul oppose
To all idols my heart and soul may God close.
To the drunken say not secrets of the wine
Nor to lifeless the tale of soul disclose.
By the royal decree wrote line after line
To such poetic heights Hafiz ever rose;
It is not ours but God’s will that goes
May God keep him from all harmful blows

 

?

 

Au fait, tu as vu qu'on a découvert une nouvelle planète?

A bientôt, ici ou ailleurs,

Ta fidèle amie,

 

Aziza

 

mer.

10

févr.

2016

Tu as du entendre parler des deux miroirs,

Az,

Tu as du entendre parler de ces deux miroirs, situés aux bouts de deux tunnels: ils ont tremblé.

Voilà la preuve, qu'on attendait depuis cent ans presque jour pour jour: il n'y a pas de temps universel, et l'espace est une structure dynamique.  Tu me trouves de ce fait aussi émue que le jour où on a ôté Pluton du système solaire, en août 2006.

Est-ce que tu es revenue dans notre vieux coin aux champignons? Je n'ai pas trouvé ta trace. Le monde virtuel ne laisse pas de traces à mes yeux de novice. Imagine pourtant que comme la terre, c'est un monde qui a ses pisteurs, ses débusqueurs de gibier, ses liseurs de traces dans le sable.

 

Vendredi.

ven.

11

déc.

2015

Long temps

Az.,

j'ai eu envie de revenir ici, comme on revient dans un coin bien connu, un coin à champignon ou un coin d'herbe qui aurait repoussé après avoir été aplati longtemps par notre fréquentation assidue, derrière une grosse roche, sous un arbre, mettons un chêne, ou un ormeau (s'il en reste), un arbre dans lequel on pourrait grimper, qui nous fournirait aussi le petit bois pour le feu qu'on allumerait le soir pour se chauffer et le midi pour se cuire une chose ou une autre.

Je ne sais pas si tu reviens voir ici de temps en temps.

Je tente.

Peut-être que ceux qui nous lisaient ont arrêté de nous attendre maintenant et qu'on va pouvoir commencer nos choses chamaniques. Bien que je commence à douter des choses chamaniques, je vais t'expliquer.

 

J'ai un souvenir de l'ormeau de la cour quand il est mort il y a trente cinq ans. Sûrement parce que ça avait beaucoup affecté ma mère. Je me demande si on en trouve ici ou là, maintenant, ou bien s'ils ont tous disparu.

 

Les ormeaux sont morts parce que.

 

J'ai réfléchi à la situation, Az, et je me demande ce qu'il faut faire. Moi qui croyais en une force obscure et claire, l'énergie non rationnelle de l'instinct et de l'intuition, j'ai eu soudain ces dernières semaines la conviction qu'il me fallait renouer avec d'autres valeurs, en lesquelles j'ai cru à l'époque de mon jeune âge d'adulte, celles de la raison éclairée et de l'humanisme. L'école m'en avait dégouté. Mais aujourd'hui alors que je cherche une lunette pour regarder ce qui m'entoure et ne pas laisser mon cœur s'assombrir comme s'assombrit le ciel, pris dans cette drôle de tourmente folle, voilà ce que je me dis: il me faut revenir dans l'esprit du siècle, revenir à l'analyse objective et à la considération scientifique des événements. Ne pas quitter l'intuition, peut-être. Mais l'énergie dionysiaque ne suffit pas. Il faut aussi la forme, et un bain de lumière pour distinguer ce qui nous entoure.

 

Je me demande si tu vas me retrouver, derrière ce rocher qu'on fréquentait alors.

 

J'ai des tas de choses à te dire.

 

S.

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lun.

31

août

2015

Ça marche (mort et résurrection)

C'est d'accord, o esprit inconstant.

Par contre je te dis pas tout de suite qui je suis. Moi-même je ne suis pas sûre de le savoir, d'ailleurs.

On recommence ailleurs?

Comme ça on quitte aussi ton site, qui est peut-être un peu trop proche de toi, il vaut mieux laisser de la place à nos nouvelles enveloppes charnelles.

Est-ce qu'on laisse l'adresse à nos fans ou bien est-ce qu'on les abandonne sauvagement?

Niveau météo je pense qu'on est sur une bonne petite dépression, mais pas moi.

dim.

30

août

2015

Chaleur chaleur, bonheur bonheur

Quel temps magnifique aujourd'hui, dis donc!

Une légère lourdeur, mais agréable, parce que c'est sûrement la dernière de l'année, parce qu'aussi on a bien bullé ; Jen et Brigitte sont venues nous rendre une petite visite. On s'est balladés. Dans un verger, des jeunes ramassaient les pommes.


Il y a longtemps que je voulais t'écrire, aussi parce que quelque chose a mûri dans mon esprit inconstant.

J'ai envie de quitter météo++.

J'ai envie de commencer autre chose.


J'aimerais, je crois, qu'on écrive plus loin de nous. Qu'on devienne des personnages de fiction. Que ce qui nous arrive et qu'on raconte soit passé au travers d'un autre crible. Moi je serais un mécanicien marseillais et toi tu serais un ancien camarade du service militaire. Ou tu serais une jeune énarque parisienne et moi ta vieille maraine. Ou un animateur radio et un fan, un banquier et son fils adoptif...

Qui est-ce qui correspond de nos jours, avec qui? Et pourquoi?

Tu serais un homme ou une femme? Vieux ou jeune? Blanc, noir, beige? Afghan, basque, australien? Riche, pauvre? Moyen? On pourrait être des animaux ou des plantes...ou même des objets.

On aurait des doutes sur le bienfait de posséder un smartphone. On serait pas forcément à la bonne place. On aurait un côté loose. On aimerait plus que tout la nature (c'est pas très loin de nous mais il faut bien avoir des trucs à dire). On aimerait aussi quand même parler du temps mais on serait pas nous, on serait un autre personnage qui se construirait petit à petit. Tu crois que ça serait bien? Tu crois qu'on saurait? J'aimerais qu'on écrive moins bien et des choses moins importantes, mais plus de mots, je suis sûre que ça serait bien. Ca serait un bercement égal et rafraichissant, comme l'eau de la rivière.

La semaine dernière, j'ai emprunté La naissance du jour (Colette) à la bibliothèque. Je veux le lire depuis longtemps. J'ai un peu peur d'être boulversée. J'ai aussi peur de ne pas l'être.

Où je l'ai mis ce livre? je suis juste prête à le commencer.

Il fait nuit, il va falloir penser à dormir.

A demain.

jeu.

20

août

2015

Je t'ai jamais trouvée normale

Voilà exactement ce que je voulais te dire depuis le jour où tu avais eu cette phrase: "pour des filles normales comme nous" (je ne me souviens plus de ce que tu avais dit ensuite) - étant entendu que pour toi, à ce moment là, être normale était vraiment la dernière des choses à faire.

Donc : je ne t'ai jamais trouvé normale, ni avant-hier ni hier ni aujourd'hui et je ne pense pas que ça arrivera un jour.

Qui est-ce donc que je trouve normal? Bonne question, je vais me creuser la tête.

Est-ce qu'Aurélie est normale?

Sa chemise à carreaux relativement onéreuse, portée sur un jean près du corps sans être moulant était normale.

Son mode de vie (un mari ingénieurs deux enfants turbulents un métier pour tout le monde pas de difficultés scolaires) me semble être tout à fait normal.

Est-ce que Jérémie est normal?

Il a des aspects normaux : le style décontracté d'un occidental actif mais cool,  un goût marqué pour la performance sportive, une connaissance approfondie des différentes tribus contemporaines.

Est-ce que Félix est normal?

Sûrement pas, bien qu'extérieurement, il en aie tous les aspects : une vie de cadre moyen qui se manifeste (entre autres) dans sa corpulence d'homme bien nourri, une femme qui travaille comme lui dans la radioactivité, une belle maison - régulièrement cambriolée.

 

Pourtant (alors que je ne trouve aucun exemple de normalité), je vois bien ce que tu veux dire par "des filles normales".

Peut-être qu'on peut être globalement normal, tout en considérant que chacun, dans cette normalité, reste singulier et complètement anormal.

 

D'ailleurs, j'ai également réfléchi assez longuement à l'alternative que tu émettais dernièrement : cette correspondance est-elle celle de filles qui loosent ou bien celles de filles qui s'essaient à l'écriture. Un peu des deux ne tranchais-tu pas. Finalement, ma réponse est OUI, définitivement et c'est d'ailleurs comme ça que c'est bon : des filles qui loosent.

 

J'arrête de chercher l'écriture. Qu'elle vienne toute seule, cette salope.

Par contre, je souhaiterais vivre nue, c'est impossible, Raphaël est déjà inquiet quand je traverse ainsi le salon à toute heure de la journée.

 

C'est assez laborieux, ce soir. Je reprendrai peut-être plus tard.

lun.

17

août

2015

Je suis rentrée

Un mois, presque entièrement déconnectée.

Traversée lente de la France.

j'ai envie de te raconter, mais là aussi, en prenant le temps.

Ça n'a été ni merveilleux ni horrible.


j'ai beaucoup pensé à ton voyage de jeunesse, celui que tu as fait à cheval.


Des titres comme un collier de mots.


Dire adieu à FM.

Jouer son destin aux dés.

Me déplacer juste assez pour ne pas emprunter mes habituelles ornières demande un effort important.

Garder le silence, gouter les fruits, lier dans la distance.

Le genou (1).

Les loups (leurs yeux, leur musculature, leurs promesses).

Suicider mon sens critique.

Deux côtelettes de mouton.

Parler aux enfants quand ils dorment, trois nuits de suite.

Le supermarché avec Magali.

Une véritable sensation de médiocrité.

Enfin la rivière, avec les cailloux plats dans l'eau claire.

Le problème des seins.

Récupérer mon corps dans le courant.

La noyeraie (toît).

La grotte (voûte).

Deux mégaceros, deux hommes blessés.

Les premières étoiles, pieds nus sur l'herbe dure, Isaac sur mon dos.

Partir avant l'heure.

Mémé.

Anaïs.

Les deuxièmes étoiles, rye & rocks.

Plongeons arrières (comme avant).

La tête la première.

Rodrigo.

Suivre la route du sud.

Le début des montagnes.

Le genou (2).

Sentir qu'on les quitte, puis revenir dans leur étau rassurant.

Une nuit blanche et rude.

Le tunnel.

Dominique.

Le cul blanc d'une biche.

La niebla.

Appartenir.

Repartir.

jeu.

30

juil.

2015

J'avais un super titre pour une fois et je l'ai oublié

Vite, j'ai peu de temps avant que tout le monde ne se lève. Tous les matins Peter râle en m'entendant me lever, il rêve d'une grasse matinée, mais c'est plus fort que tout, j'ai envie d'être tranquille à penser et à écrire si possible, je sais qu'un jour au l'autre ça va me retomber dessus. Les rêves sont comme un livre ouvert, celui que j'ai fait cette nuit était parfaitement clair. Je me transformais en une personne que je n'aime pas du tout, je devenais pénible, sans gêne, et je faisais des blagues très lourdes. Tout le monde me le faisait savoir mais ça changeait rien.


On est pour quelques jours chez mon amie d'enfance, Juliette, mais elle n'est pas là. Je ne l'ai pas vue depuis des années mais nos mères sont copines. Elles sont là, Anne et Françoise, et vont garder nos enfants quelques jours ici.

La maison est très belle, une grande maison dans les vignes, avec un beau jardin et une piscine. Est-ce le poids du regard des mères? Je me sens comme si je ne méritais pas d'être là, que ce luxe (pas du tout exagéré) ne peut pas m'être réservé. Est ce ma condition officielle de chômeuse? A la naissance de Liselotte, j'ai basculé du "statut d'artiste" au statut de chômeur. Peu de changement si ce n'est que mes recherches d'emploi, très contrôlées, ne peuvent plus se limiter au secteur artistique, ce qui signifie : femme de ménage, c'est bien aussi. Soit dit en passant je n'ai rien contre, au contraire, sauf que j'ai moins de chances de rencontrer des gens qui me parlent avec aménité (c'est vrai que dans la pub, c'est mieux), et je ne suis plus artiste, je suis chômeuse. Je termine en vitesse car déjà le petit dèj se prépare. Je voudrais bien remercier ma copine et sa mère d'une façon ou d'une autre, (le faut-il vraiment, ou est-ce juste de l'hospitalité?) mais comment? Hier, on est allés acheter du vin à la coopérative (waouw), et je me suis demandé si ça avait du sens d'acheter une bouteille pas chère à quelqu'un qui a des sous et qui habite à 300 m de là? J'ai trouvé ça, mais au bout du compte, je n'ai pas de cadeau. Je préfère faire un dessin mais ça ne me coûte rien, et c'est un cas de conscience qui me fait faire des rêves nuls.

mar.

28

juil.

2015

Retour à l'essentiel

La pluie, le vent, tous les jours. Treize degrées, non mais oh!


Un mois sans écrire, c'est long. Je me sens coupable de prendre ce temps devant toutes les urgences qui m'assaillent : le grand départ en vacances familial est prévu pour midi, rien n'est prêt. Factures en retard, courrier en retard, pile de linge jusqu'au ciel, désordre général, garde-manger désert, chantiers en cours, promesses non honorées, laisse tomber.

Je savoure, tant pis, mon moment préféré, à l'aube devant l'ordinateur, même le chien ronfle; je sirote du thé vert tout bête, amer sucré, dans mon vilain peignoir vert anis, à ta santé.

Alors, les vacances? J'espère que tu as du meilleur temps que nous. Je le crois. L'été en Belgique, c'est quand même surprenant.

J'aimerais bien qu'on se croise pendant nos tribulations. A quand les grandes tablées riantes au crépuscule? Je vais sûrement voir Ju et Fa en Vendée, y seras-tu? Y serez vous?

Je pourrais te rendre Anna Karénine. C'est incroyable dans ce bouquin comme ils se balladent, tu trouve pas? Ils se croisent et se recroisent à Moscou, à Petersbourg, en Europe, à la campagne (la campagne en Russie, c'est pourtant pas mal grand, non?). Pourquoi pas nous?

Il me semble qu'à un certain moment ma vie aussi était comme ça. Maintenant moins mais quand même un peu.

Trois femmes chères à mon coeur sont réapparues presque simultanément ce dernier mois. Avec leurs univers concentrés autour d'elles, la sagesse, la beauté, la force. Parfaite trinité. Trois générations et trois modèles. C'est la vie.

C'est beau mais on a jamais le temps de rien.

En plus j'ai reçu un smart phone dernier cri (iiiiiiihhh!), merci l'arnaque, je te raconterais si j'arrive à le mater, incroyable mangeur de moments. J'ai peur.

En attendant je vais chercher une pelleteuse pour ranger le salon.


Alice, dans les starting blocks. 1,2,3, go!


mar.

30

juin

2015

Longues journées d'été

lun.

22

juin

2015

C'est la première fois

Que j'ai besoin de porter un bonnet à la vieille du mois de juillet. Un bonnet de marin en laine feutrée, dont l'étanchéité n'a même pas été à l'épreuve d'un petit parcours sous la pluie. A présent, je suce des pastilles pour la gorge. Me voilà désoeuvrée et malade.

Je sors d'une plongée dans ce qui est redevenu mon travail - mais comment en suis-je arrivée là?

Plus que de courrir dix heures par jour, ce sont les changements d'ambiance qui sont fatiguants.

Tôt le matin, avant que tout le monde ne me réclame, je m'arrache à mon foyer. Je traverse le village à pied sans croiser personne. Je saute dans une voiture pour aller à la gare, le chauffeur démarre avant que j'aie le temps de fermer la portière. Dans le train avec mon amie, un petit cordon me relie encore à la maison, au jardin, aux enfants qui dorment et à leurs petits pieds chauds. Arrivées à Bruxelles, je traverse la gare du midi, tout le monde court. Je sors dans le quartier des Abbatoirs qui par comparaison, semble dormir encore. Quelques collégiens, quelques ouvriers aux terrasses des cafés grecs. Je me presse un peu, je suis en retard. Je sonne à la porte de l'atelier -ici personne ne dort- et je monte au bureau, le dessinateur est là, et la comptable aussi, et aussi une stagiaire, ils parlent au téléphone devant leurs énormes macs. Debout parmi eux, je me sens étrange avec mon silence et ma torpeur. Je mouds un café (c'est chic) dans la kitchenette en regardant les plantations sur la terrasse. Au rez de chaussée, des bruits de portes et de moteur se font entendre, on m'attend pour charger le camion. On parcourt un dédale d'étagères à la recherche d'objets marqués d'un post-it rose. Quelque part dans la cave, au rayon "chambre d'enfants", on prend presque tout. Il faut aussi des outils. Une bombone de gaz et un brûleur, c'est lourd mais ça peut être utile, dans la pub, la peinture ne sèche jamais assez vite.

Je monte à l'avant du camion, entre mes deux collègues (ceux que j'aime bien). Un peu en hauteur, on voit tout et on raconte des conneries, on continue à charger le camion à travers la ville. On arrive au studio. On peut garer vingt camions dedans, c'est vide et c'est coupé du monde. On monte doucement notre décor, d'abord le plancher. Les constructeurs ne sont pas des as, ils sont lents et n'ont pas reussi à assembler les feuilles de décor correctement. Je propose de les aider à rectifier mais non, ils disent que c'est bien (ta gueule, femelle, tu vas pas m'apprendre mon boulot quand même). J'attends qu'ils finissent, je fais les cents pas dans le studio, je vais voir chez les voisins qui sont plus avancés et plus sympas. Attendre, attendre....Les constructeurs partent et moi j'attaque, si je fais vite, je serais tôt à la maison. Poser la toile prépeinte, la peindre (rose en bas, beige en haut), peindre les moulures, les vernir, peindre les chassis, les patiner : il est déjà trop tard pour rentrer; je reprens mon rythme cool. Le chef arrive -"mais c'est quoi c'est panneaux mal posés!? Tu ne sais pas que c'est à toi de t'assurer que les constructeurs font bien leur boulot? Je ne devrais pas avoir à t'apprendre ça, ah non mais c'est pas vrai on peut compter sur personne, etc...-puis repart.



Une fois le décor monté, les huiles arrivent. Ca pinaille et ça pinaille - moi j'ai travaillé avec le chef op de Jim Jarmusch - ah ouais et moi avec celui de Kubrick (et toc). Et moi Ulysse, je pense qu'ils auraient été moins maladroits en commencant par Salut. Ca devient très fréquenté, certains glandent debout près du frigo ou allongés dans le canapé, le mac à portée d'oeil (quand les huiles sont là, on apporte des canapés. En cuir). Repinaille et repinaille, plus rose mais pas trop. On a le même avec un centimetre de moins? Tu peux me le faire en beige? En beige plus foncé....blablabla. Le match de foot télévisé va bientôt commencer : tout d'un coup le studio se vide. Je suis déchargée de la mission de coudre une housse de couette sur mesure pendant la nuit. Joie. Personne ne surveille plus les frigos, on prends des bières, des yaourts bio des avocats et des mangues "ready to eat", un gros fromage. On remonte dans le camion, bien dosés. Comme je ne suis pas pressée de rentrer (c'est déjà trop tard), les collègues font un crochet pour voir une maison. To be continued, je vais lire Conrad sur tes conseils

lun.

15

juin

2015

"Je vais y arriver", disait Captain F.

J'ai une montagne de choses à faire, haute comme le Mont Ventoux et noire comme les Monts Noirs.

 

Le ciel est couvert de nuages blancs, sans bords.

Le jour est frais comme un jour d'été en dessous des normales saisonnières.

 

J'ai réussi à monter les 44 marches de la maison avec une tasse de café tiède pleine à ras bord. Il m'a fallu passer de biais la porte de l'étage intermédiaire, bloquée par les deux cartables noirs. Le faire en silence, pour ne pas réveiller l'enfant malade. Tout en haut, sur mon bureau, m'attend un tas de choses à trier. Sur le dessus: un petit trépied que je n'arrive pas à utiliser, celui que Barbara nous a donné il y a trois ans. Un petit bocal, qui contient une mèche blonde de cheveux - la première que j'aie coupé à mon fils. Une clé USB, un petit cintre en plastique qui pourrait peut-être servir le 8 juillet avec Julien et toi. Un patron pour fabriquer un sac qui se transforme en tapis de jeux, que je trouverais utile pour que les enfants soient autonomes avec leur sac de vacances cet été. Un drôle de cube en bois (une chute récupérée dans une scierie), reliquat d'un atelier donné à des enfants il y a trois ans, sur lequel il y a écrit "penser à l'amour". De l'autre côté, sur la face posée contre le bois de la table, il y a écrit "penser à la mort". Les enfants m'avaient dit ces deux phrases. Il y a aussi une photo de mon grand-père qui embrasse un bébé de trois jours. C'était moi, ce bébé là. Et puis : un marqueur indélébile, un pompon rouge.

 

Tout est posé là autour de moi, dans ce monde. Tout est posé et tout est calme. Même les cris des enfants en récréation, dehors, au loin, sont calmes. La cloche qui sonne ses onze coups est calme, régulière.

Par contre, à l'intérieur de moi rien ne semble posé à sa place, rien ne semble calme.Tachycardie, fourmillements, impatiences.

 

Cet après-midi je serai obligée de rentrée dans une bulle ouverte. Ce sera comme quitter un pull qui gratte. Il faudra que je prête toute mon attention à ces enfants aveugles qui viendront danser avec Pascaline. Regarder, écouter, sentir, prendre quelques photos peut-être.

C'est une autre Pascaline que la tienne! Rêche comme un tas de pierre et douce comme un tapis de mousse.

 

Entre vingt-quatre et trente deux ans, j'ai vécu une période souple et ouverte comme l'avenir. Je ne m'en rendais pas compte! Le temps m'appartenait, il était fleuve et il était océan. À la terrasse des cafés, avec les hommes, avec les amies. On dansait si souvent.

Alors, je ne voyais pas le squelette sous les traits enfantins d'Isaac comme je l'ai vu ce matin dans le demi-jour. Sous le modelé de sa nuque et sous l'arrière de la tête, sous la ligne continue de son front, de son nez, de son menton, le contrejour et ma fatigue laissaient apparaître le crâne: ce qui est depuis toujours et avant tout, sous la peau, une tête de mort.

Quand j'ai eu trente ans, je disais que vingt ans, ça n'était pas un si bel âge. Que je n'y reviendrais pour rien au monde. Aujourd'hui il me semble que j'ai laissé filé ma jeunesse sans y prendre garde. Mais n'est-on pas tous comme ça? Comment prendre conscience de ce que l'on croit être soi et qui n'est en fait qu'un moment de la vie? La jeunesse ne nous appartient pas plus que la fleur appartient à l'arbre.

Pourtant, aujourd'hui où tout est plus complexe, je suis infiniment reconnaissante à la vie de m'avoir fait suivre ce chemin là: celui de la nuance, de la fin de l'absolu. Tout est devenu tellement plus mystérieux.

dim.

07

juin

2015

Tu as raison: l'orage venait de chez moi

Le ciel ici aussi était noir d'encre.

Je suis sortie de la maison à 16h25 en robe légère et en claquettes en plastique, taille 44. J'avais mis un imperméable, en cas.

À partir de 16h26 et jusqu'à ce que j'arrive à l'école à 16h29, des mégalitres d'eau me sont tombés dessus, du ciel, d'un seul coup. Comme l'éclatement du grand vase de la colère. J'avançais pieds dans l'eau noire sur la chaussée, dans les flaques ondoyaient des taches d'essence irisées. Ma robe trempée me collait aux jambes et même sous mon imperméable, c'était trempé. Ceux qui étaient bien à l'abri ont beaucoup ri en me voyant arriver. J'étais heureuse d'être là, sous cette eau du ciel brusque et violente, après avoir été engluée dans une journée étouffante et épaisse.

Je me suis souvenue de la fois où Maxence Camelin habitait chez moi et que, en voyant un de ces fameux orages alsaciens se préparer, on avait à toute vitesse enfilé nos maillots de bain et on était partis courir pieds nus sous les trombes d'eau. Les rues étaient désertes, on a couru et ri et crié à en perdre le souffle. Le boulevard d'Anvers était bordé de platanes, secoués avec violence et sans ordre aucun.

On était jeune alors et on s'en foutait pas mal de ce que les autres allaient bien pouvoir en penser. Plus même que de s'en foutre, on voulait provoquer la surprise, casser quelques barrières invisibles. Il y a deux jours, j'étais juste sortie chercher ma fille à l'école. Pourtant, être trempée comme ça en jupe et jusqu'à l'os, par cette chaleur et sous cette tension orageuse, avec les autres qui riaient en me voyant passer, ça ressemblait à cet effritement des frontières que je cherchais plus jeune.

Pia, elle, était au bureau. Ellle était déçue de ce que ça a donné, comme spectacle, cette fois-ci.

Je crois bien que l'orage n'a pas complètement éclaté, et qu'il est allé à son climax jusque chez toi, trouver ton Monsieur et ses larmes dans la baignoire.

En rentrant, j'ai vu un nuage molletonneux comme un lit de plumes et nuancé en tant de gris que je ne pense pas que les noms de toutes ces couleurs existent..

dim.

07

juin

2015

Drame météo puis retour du soleil

Retour du beau temps, retour du temps libre.


La semaine dernière, je travaillais à Malines. C'est une petite ville qui a autrefois été importante, c'est le début de la province d'Anvers, une ville flamande, bien policée. Les habitants roulent beaucoup à vélo.

Vendredi 5 juin. L'homme chez qui je travaille me fait visiter la maison qu'il vient d'acheter. Elle est énorme. Il fait une chaleur terrible surtout dans les étages, on resdescend vite. La famille doit déménager dans deux semaines, les parents et deux jeunes enfants. Tout est urgent. L'orage arrive. Il ont acheté la maison pour élever leurs enfants à l'aise, chacun leur chambre, un beau jardin, un chouette quartier. Deux semaines après avoir signé l'acte de vente, la femme est partie avec son patron. Il vont revendre la maison, plus tard, il ne savent pas quand.

Un vent incroyable se lève, du jamais vu en Belgique. Le ciel est si noir qu'on dirait que la nuit est tombée. Le vent soulève toutes sortes de choses, des papiers, des feuilles, des objets en plastique, il envoie du sable et de la terre dans le visage des cyclistes. Tout le monde se cache, se plie en deux. La vie s'arrête et c'est plutôt effrayant.

La salle de bain, c'est la première urgence, debouts sur le bord de la baignoire nous cherchons ce qu'il faut faire pour camoufler au mieux les craquelures d'un ancien dégats des eaux. La voix de l'homme change, il craque, des larmes sont accrochées à ses yeux. Je ne peux pas le toucher, le rebord de la baignoire est trop instable, dehors il fait noir et le vent souffle si fort qu'il nous paralyse.

J'attends calmement la fin de l'orage comme j'attends la fin des pleurs. Il faut encore qu'il me montre la grande chambre à coucher.


Enfin, comme je disais, le soleil est revenu. Je fais le jardin comme je peux, petit à petit, mais c'est toujours assez pour une petit famille comme nous. Courgettes, brocolis, tomates, salades, persil, haricots et maïs, c'est tout. Je trouve qu'il manque de l'ail et des oignons. Et aussi des concombres mais chez nous ça pousse pas.

Hier j'ai regardé le film le plus marrant que j'ai vu depuis longtemps L'enlèvement de Michel Houellebecq, sur les conseils de Fa, ah c'était bien, j'en ris encore.

ven.

29

mai

2015

Il faut absolument que je te lise un extrait de ce livre, page 501,

Ce fut je ne sais quoi de formidable et de prompt, pareil à l'éclatement soudain du grand vase de la Colère. L'explosion enveloppa le navire avec un jaillissement tel qu'il sembla que quelque immense digue venait d'être crevée à l'avant. Chaque homme aussitôt perdit contact. Car tel est le pouvoir désagrégeant des grands souffles: il isole. Un tremblement de terre, un éboulement, une avalanche s'attaque à l'homme incidemment pour ainsi dire et sans colère. L'Ouragan, lui, s'en prend à chacun comme à son ennemi personnel, tâche à l'intimider, à le ligoter membre à membre, met en déroute sa vertu.

mer.

27

mai

2015

Ça fait du bien de se voir un peu

J'ai entendu dire que Josefien était malade, j'espère qu'elle se rétablira bien vite.


Il faut que je te dise quelque chose : j'ai enfin bien rencontré Liselotte et j'en suis vraiment heureuse. On dirait qu'elle a enfin décidé qu'elle pouvait venir vers moi. Je ne voulais pas faire le premier pas mais je voulais qu'elle comprenne que j'étais là. C'était long, c'était pas facile, je me demandais si ça allait arriver, ou bien jamais, mais je ne voulais surtout pas la brusquer, la forcer, et puis je me sentais timide moi aussi en face de cet être sauvage qui regarde le monde de tous ses yeux plus clairs encore que le ciel le plus clair - mais tout aussi profonds.


Nous avons tous beaucoup aimé le feu, le jardin, la maison, les animaux.


Le printemps est enfin là.

Le doigt de dieu a dissipé les nuages, à moins que ce soit le vent avec ses joues rondes et sa bouche en o.

Hier soir, en rentrant de chez Sylviane., Raphaël a dit: "je ne veux plus m'agripper à ce qui n'est pas si important, même si ça nous a plombé tout l'hiver et même s'il faut quand même s'en occuper."

Cette phrase toute bête, toute évidente, m'a paru très lumineuse. La vie est là, dans le creux de la main.


J'ai aussi entendu une phrase à la radio: "les lumières des villes ont éteint les lumières du ciel".

C'est visiblement une phrase de poète.

De plus en plus éloigné de la fréquentation du cosmos qui l'entoure et dont il fait partie, l'homme se coupe de lui-même.

Comme Peter qui trouve que rentrer 8 stères de bois pour l'hiver, ça fait partie de la vie, je suis bien d'accord avec lui.


J'aimerais vivre dans une sorte d'évidence, avoir la foi sans en avoir honte.

Peut-être quand je serai très, très vieille, avec des jambes toutes tordues et une canne toute droite. Avec des rides profondes. Je préfèrerais avoir des rides profondes et marquées, comme des rayons ou comme des traits ou encore comme des entailles, plutôt qu'une peau flétrie et molle comme un pot de beurre mou.


Cette après midi au parc les dames arabes avaient emmené le thé, elles étaient sous l'arbre, à l'ombre, avec des chips et des gâteaux. Leurs fils faisaient des dérapages poussiéreux sur le gravier blanc avec le vélo d'Ella, l'air tout entier au-dessus de l'aire de jeux en était saupoudré. Il y avait aussi isabelle, qui riait fort.


Ella a grimpé dans un arbre assez haut. Elle y était si bien, si paisible. Elle voulait y rester. Elle me disait Maman, je veux en profiter, les jambes pendantes et qui se balançaient légèrement sous sa robe rose et bleue, celle qui a appartenu à sa tante.

Leya, en dessous, les yeux levés vers le feuillage, disait Cet arbre aime tout le monde, il aime Leya, il aime Ella maintenant.

Isaac courait: il vient d'apprendre à courir.


Je prête un grand intérêt à toutes ces sensations que les enfants savent goûter de tout leur corps.

J'essaie de m'entraîner à faire comme eux, à retrouver ça.


Quelle temps fera-t-il demain? je pars tôt, je voudrais préparer mes habits.

mar.

19

mai

2015

Cependant

Moi par contre j'ai rêvé qu'il fallait que je téléphone au constructeur d'insert pour voir si la garantie marchait toujours.

Ici aussi il y a du vent.

J'ai pensé que Gilgamesh, Ulysse, Œdipe et tous ces autres mecs qui avaient vu l'enfer avaient ensuite eu du mal à se remettre dans le commerce des hommes. Ils avaient eu en sortant un drôle de recul, un recul qui pourrait s'appeler proximité.

C'est la fréquentation de la vérité?

Que vais-je faire de tout ce que j'ai appris?

Ça fait des jours et des jours que j'écris des textes dans ma tête. Ils sont tous formidables et magnifiques. Et puis quand je passe à l'écran, voilà ce qui reste.

Ça fait longtemps qu'on s'est pas vues.

Il y a une rue Josephine à La Madeleine.

Est-ce que tu crois toi aussi que le ciel est en un seul morceau?

Que deviennent Olivier et Cécilia Bartissol?

Dans mes pièges à limaces, je ne prends que des escargots. Question: est-ce que mes pièges ne fonctionnent pas ou bien est-ce que ce sont les escargots et non les limaces qui dévorent mes plants?

Est-ce que tu es libre le week-end prochain? ici on a un lundi férié. C'est peut-être une fête religieuse, je ne sais pas. On avait envie d'aller à Bruxelles une journée, voir les amis. Tu veux pas?

Pourquoi les gens pètent si peu et moi non?

Comment ça se fait que les enseignants et le club de parents d'élèves décident de faire la kermesse de l'école un jour après le début du Ramadan, alors que 50% des enfants sont musulmans?

J'ai écrit. Me voilà rassurée. Malgré le piètre style de ces lignes.

lun.

18

mai

2015

confession

J'ai rêvé que je faisais l'amour avec l'agriculteur bio du village, Marc Laporte, dans une baignoire.

dim.

17

mai

2015

Ceux qui ont tout vu

lun.

11

mai

2015

“Le vent souffle où il veut ; tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va."

Moi non plus je ne fais pas grand chose, pas grand chose d'autre que peindre de hauts plafonds. Je suis courbattue.

J'ai eu un peu de temps pour me promener aujourd'hui, quel vent! Depuis ce matin qui souffle par raffale. Les nuages foncent à toute blinde. Des champs de blé vert, debouts-couchés-debouts. J'essaie garder mon calme, parce que ça énerve, le vent. J'avais oublié comme les corneilles adorent jouer dedans, j'en croise partout sur ma route, ça fait vraiment envie, elles s'éclatent. Dans le village, des pétales roses volent partout, ça donne un air mystérieux. Un cortège de mariage fantôme. Souffle, souffle, souffle, ça ne s'arrête jamais? Je refuse de penser à l'impermanence des choses. Corneille vole, papier vole, lessive vole. Les arbres à peine feuillus me font de grands signes. Qu'est ce que j'y connais moi, à l'amour?

dim.

03

mai

2015

Je fous rien

Il pleut. Ça commençait en petite bruine printanière et ça a fini en drache. Comme souvent ici en mai après un beau mars et un bel avril, il fait moche jusqu'à juin, voire juillet.

Mon père est à la maison, pour son anniversaire. Depuis qu'il a arrêté de boire, il fait boire les autres, c'est très fatigant. Et pas de la piquette, donc tu dis pas non. Il vient en train avec un carton de six bouteilles pour quatre jours, du foie gras, du magret. Il achète du poisson par kilos au marché, de la viande chez le boucher. Je tiens vaillamment le rythme mais ma santé s'en ressent, vu que j'ai eu beau m'entrainer longtemps et assidument depuis l'an 1999 (avant j'étais cloîtrée), j'ai jamais réussi à tenir l'alcool. Quand à la grosse bouffe on peut pas dire que ce soit mon quotidien. Je dois avoir hérité ça de ma mère. Ce qui fait qu'entre l'eau de pluie et l'eau de vie, je trouve ces jours-ci assez liquides. Haut-médoc, bruine, Cadillac, éclaircie, vin blanc de Loire, drache, Bourgogne blanc, couverture nuageuse, Bourgogne rouge, nuit. Le soir, un thé au jasmin et une aspirine et le tambourinement des gouttes sur le toit de l'extension.

À deux heures du matin, en général, je suis réveillée par le même père qui fourrage au rez-de-chaussée, jusqu'à 4 ou 5 heure. Allumage de lampes, déplacements d'assiettes ou de verres, toux, mouchages de nez, bruyantes ouverture de portes. C'est le problème du bruit chez les sourds. Consoler les enfants qui pleurent, réveillés en pleine nuit par les mêmes bruits, les mêmes lumières.

- Parle moins fort ça réveille les enfants.

- Hein? Je parle pas fort je chuchote.

Sourds d'oreille doublé de sourd du cerveau, ça donne, dans les discussions.

J'observe sans trop d'émotion, maintenant.

 

Bon.

Mais du coup je traine une fatigue certaine, malgré le fait que je ne foute rien.

 

Autre chose.

J'ai pas réussi à te trouver sur les images du carnaval sauvage. Une touffe de sapin avait tes yeux, mais je ne suis pas sûre. J'ai reconnu Julien après maintes recherches, et c'est par le style que je l'ai eu (les perles). J'ai trouvé Lou grâce à sa tête, trouvé Ramona grâce aux yeux. Pas trouvé Till non plus.

Tiens, Till, je me demande ce qu'il fait quand il pleut. Et l'hiver, aussi, quand les sols sont trop durs.

 

Bon, je vais me reposer, j'ai fini trois bouteilles, ce midi. Il en restait pas tant que ça, mais le mélange.

Je vais chercher le nom de ces indiens qui ne tiennent pas l'alcool.

dim.

03

mai

2015

Bons plans

Je viens de relire les deux prédents posts : bons plans + histoires, et ça me rappelle certaines idées fameuses de bons plans que j'ai entendues et que j'ai moi-même eues et ça me fait vraiment rigoler. Je trouve cette forme d'art splendide, et je l'appelle l'Art de la loose. Attention, avoir l'idée ne suffit pas: il faut aussi rater la mise en oeuvre.

J'énumère donc :

Monter un club de derviches tourneurs, vendre des grigris, ouvrir un magasin d'outils de seconde main, commercialiser le tracteur à poules, vendre des accessoires anti-incontinence lors de réunions Tupperware, produire des fleurs bio, élever des insectes, vendre des dessins par abonnement sur internet, produire un succédané au tabac, ouvrir un "fermentation bar", importer des strings en Iran,  braquer les dépots de la croix-rouge....blablabla

J'aurais d'autres souvenirs plus tard, mais là je dois aller boire du thé, une longue journée m'attend et il parait qu'il va pleuvoir.

sam.

25

avril

2015

L'important c'est l'histoire

Je prends cinq minutes dans mon travail sur le même texte chiant dont je ne trouve toujours pas la fin, pour une petite considération méthodologique.

Ca fait je ne sais pas combien de temps que je cale sur ce bête texte. A chaque ligne, je trouve des mots, puis je les jette car soit ils sont trop gnangnans, soit trop galvaudés, soit ils ne sont carrément pas justes (c'est fou comme ça m'arrive vite de n'être pas juste). Et je rame et je rame. Et je m'inquiète car je me suis promise de finir un jour Manuchehr et je sens bien que ça ne va pas aller. Je renonce. Et puis tant pis, je vais tirer à la ligne (je dois faire trois pages), ça me fera un bon exercice. Et pour ça il faut quand même que je me demande ce qui doit ce passer vraiment dans ce petit récit. En fait, c'est quoi l'histoire? Et pourquoi il est là? et comment il est venu? avec qui? qu'est ce qu'il veut, le gars? Il a quel âge? Il habite où? Et voilà, la pelote se déroulle tranquillement, les mots se mettent simplement là où ils doivent aller, sans chichis. Ils trouvent leur fonction et moi je trouve un style qui se tient, parce que je n'y fait pas attention. Arch, c'est bon.

 

Depuis le début, depuis qu'on sait parler, combien a-t-on raconté d'histoires? Et si on a déjà tout raconté, si toutes les situations réelles ou imaginaires ont déjà été racontées, sur quoi on peut encore s'arrêter? Je croise ma voisine et elle me raconte une histoire, j'allume la télé et je regarde des fictions, à la radio, un documentaire sur un type rattrapé par une erreur de jeunesse. Plus tard le soir je lis un livre à mes filles, j'en prends un autre pour moi, avant de m'endormir. Qu'est ce qu'on fait d'autre au juste que de raconter et d'écouter des histoires? Je me suis déjà souvent demandé si je ne vivais pas ma vie, si je ne traçais pas ma route en fonction de l'histoire que je voudrais raconter à ma descendance.

 

C'est ça, la puissance des mots?

 

 

 

 

 

mer.

22

avril

2015

Le fond de l'air est frais

Bien que le ciel soit radieux, ce qui d'habitude ne manque jamais de me mettre en joie, je sens quelque chose de mort dans mon coeur. J'ai pourtant l'air bien en forme, je range, je nettoie, je suis pimpante et souriante. Je dis ouioui. Ah oui d'accord; mais mes pensées sont sombres. Je cède à l'inquiétude, au désespoir, pour quelques jours. L'intérieur de moi, est-ce mon esprit? Je suis comme paralysée, je ne produis que de tous petits mouvements. L'intérieur de moi, est-ce mon ventre? Des deux, c'est ce que je ressens le mieux. Quel qu'il soit, à l'intérieur, j'en chie.

 

Ps: t'inquiète pas hein tout va bien en fait, j'avais juste envie d'écrire ça.

mar.

21

avril

2015

Rien que du vent

J'observe avec intérêt l'érable du jardin (si c'en est bien un) couvert de pucerons et de coccinelles en pleine copulation. Je ne traite pas. Je me demande si l'histoire, c'est pas tout bêtement que le milieu doit se retrouver un équilibre après changement de propriétaire (et de façon de jardiner). Pucerons, limaces.

Oui, mais aussi milliards de fleurs à venir au lilas, première feuille de vigne, compost, recoins nouveaux. Il me semble que le sol, qui était plein de sable, s'est petit à petit quand même bonifié. Même si on est en pleine zone CEVESO, je suis sûre. Ou si ça ne l'est pas ça devrait l'être. Mais. Possibilité de tailler le buis pour voir le camélia, abri pour le bois à concevoir, etc.

Je vois pas ce que je peux désirer de plus. Mon cœur déborde de ça, tout ce printemps, ce minuscule bout de terre dont je peux m'occuper comme d'un troisième enfant.

J'aime tellement parler de mon jardin et de la nature, c'est affreux.

Je peux lire des livres entiers qui parlent des arbres, des animaux, des changements climatiques, des plantes, des insectes et de la lumière qui baigne tout ça, des sons - de la création, quoi, avec ou sans God, Gott, Dios, Dieu, Dio, Allah, YHVH, etc.

 

Je suis frappée par l'impassible.


Je travaille énormément et sans discontinuer.

J'apprends, à mon corps défendant, la lenteur et l'enracinement. Je scrute les moindres scories qui flottent en surface, je contemple et j'accepte leur miroitement complexe. Dans le corps physique, je cherche le chemin qui mène au-delà de la volonté, au-delà de la force et de l'adresse, jusqu'à sentir l'os entouré de peau d'os et entouré de muscles, l'agencement avec l'os voisin, le nerf en bouquet ou en filaments. Je vais dans l'immatériel pour ouvrir les portes que je trouve sur ma route: raconter les histoires attachées aux lieux du corps, prêter mon attention aux sensations, suivre des animaux et des êtres dont je ne soupçonnais pas à l'intérieur de moi l'existence, les combattre parfois, les aimer si possible, remonter dans la généalogie familiale et faire des découvertes fondées - sans autre document, pourtant, que le corps. Je tente avec application à me soustraire à la mauvaise foi.

Le voyage est long et très beau, je n'en connais pas de plus beau. Cette multitude de formes, de couleurs, de possibles.

Tout ça pour être si difficilement simple, pour savoir être avec les autres et avec moi, pour sentir le flux du temps qui mène à la mort de chaque chose et au recommencement des cycles.

Intimement, la déflagration est de taille.

 

Par contre à l'extérieur, rien ne bouge que le vent.

 

J'ai un souhait pour la lampe: raconter une histoire.

lun.

13

avril

2015

J'ai bien réfléchi: je ne pense pas que les vaches chient couchées

Il fait frisquet, non?

Ma rhinite allergique a disparue de la même manière qu'elle était subitement revenue, à l'automne dernier.

Le corps humain est une bien étrange machine.


Moi, je n'écris pas plus qu'avant, malgré nos prédictions météo.

Mais j'en suis la seule responsable.

C'est à dire, je n'écris pas plus qu'avant: pas plus long, surtout.

J'écris autant qu'avant, alors. J'aurais aimé écrire non pas plus, mais plus long. Moins de textes courts.

Mais quoi dire?

Ça fait un an que ça dure, et même peut-être plus, au final. est-ce que j'ai jamais eu quelque chose à dire?


En fait je pense que oui, mais je ne sais pas si je vais y arriver un jour.

Je laisse de la place, beaucoup de place, mais peut-être pas encore assez.


À quelle sauce vais-je être mangée à présent?


Les hommes dans la rue ne me regardent pas, j'en conçois une étrange déception.

C'est que ma jeunesse est bientôt finie, faudrait en profiter encore un peu.

C'est cette austérité, ou bien mes dents. Ou bien encore est-ce l'absence de printemps? L'absence de cheveux? L'absence de jambes?

Diable. Ou bien est-ce parce que je ne le souhaite pas?

Bon, je vais me remettre à mon infâme travail: préparer une table ronde en tant que médiatrice - j'aurai donc fait ça aussi.

Je le fais pour l'argent et pour l'expérience.


PS/ Ulysse n'a jamais rien glandé d'autre que

1. du bateau

2. la guerre contre des humains et contre des dieux

3. des banquets

4. séduire des femmes (Pénélope, Calypso, Circé, Nausicaa, c'est pas les plus moches ni les plus empotées).

5. raconter

Raconter, ma vieille! raconter! C'est bien ça qu'on cherche, non? Moi oui, en tout cas. Raconter!

Au jour d'aujourd'hui, je sais que j'arrête tout le reste parce que j'espère bien arriver à raconter.


signé: Vendredi

dim.

12

avril

2015

Odyssée

Ah très chère, moi non plus je n'aime pas travailler, c'est pour ça que j'ai choisi d'être un héros. C'est vrai que le métier de roi, c'est déjà assez pèpère, mais c'était encore trop pour moi. Je me sentais un peu potiche, les banquets, les banquets, je t'assure qu'à la fin j'en avais soupé. Je préfère attrapper le scorbut en naviguant comme un perdu pendant vingt ans. Sans compter qu'Ithaque, c'est super joli mais on en a vite fait le tour. Oui, bien sûr, on peut me reprocher d'avoir abandonné ma famille, je n'en suis pas fier, mais on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs et je te parie que plus tard c'est eux qui le seront, fiers. En tout cas, j'aime mieux être livré à mon destin, aux tempêtes, aux monstres, être malmené et emprisonné, même violé que de subir bêtement une routine asphyxiante.

Ah, mais voici que s'avance l'aurore aux doigts de rose, faut que j'y aille, Calypso m'a demandé de balayer la cour.

A très bientôt ma chère, pour de prochaines palpitantes aventures, je t'embrasse,

Ulysse Rétorré



ven.

10

avril

2015

Cher Ulysse,

Ulysse! Te voilà de retour. C'est formidable. Tu es partie loin? T'as croisé les sirènes et planté ton pieu dans l’œil du C.?

Ici aussi le printemps est d'une légèreté ahurissante.

Je passe mon temps courbée sur le sol à enlever des herbes, à construire des cabanes (et à jarter les crottes de chat, si je pouvais les buter, ceux-là). Je retrouve les mini limaces (qui seront beaucoup plus grosses quand elles auront bouffé mes semis) et je me demande si mon beau-père pensera à m'apporter un crapeau depuis la Vendée. Tiens, le dictionnaire du logiciel ne connait pas crapeau. Comme quoi.

J'ai rêvé que j'étais Vendredi, le vendredi de Robinson, celui qui fait des cerfs-volants et des enfants-mandragore. Être Vendredi, c'est beaucoup mieux qu'être Robinson. mais je ne suis pas sûre que ce soit rentable. Par contre, c'est vrai que le vendredi, je suis moi. Est-ce que ça veut dire que je suis Vendredi? Vendredi Bouts. Non, c'est mieux sans nom de famille. Oh et merde, je sais pas.

Avec R. on se disait: tu te rends compte comme tout serait parfait si on avait pas de problèmes? C'est vraiment une idée digne d'être notée, n'est-ce-pas?


Boire de l'ortie et lire de la poésie, c'est vraiment la même chose, beaucoup plus la même chose que trouver quelqu'un pour porter des tuiles ou se faire faire un massage du dos, désolée de te contredire.

J'ai terriblement envie de passer ma journée à dire des conneries en terrasse avec un verre de vinho verde. Pourtant il va bien falloir que je me décide à finir ma comptabilité, c'est à dire que je la rentre sur le site des impôts et sur le site de la MDA. Ah, le logiciel connaît le mot impôts mais pas le mot vinho verde. Grave faute.


Tu ne trouves pas que je suis horriblement sérieuse?

Pourtant, il faut que je dise quelque chose: c'est très dur de travailler en collectif avec moi parce que je préfère discuter au soleil ou draguer plutôt que de travailler. J'ai bien réfléchi au problème de Nantes et je me suis rendue compte qu'en fait, tout venait de là. Je n'aime pas travailler, je n'aime pas travailler, même quand c'est de l'art ou pire: surtout quand c'est de l'art. Et ça a toujours été comme ça.

Je suis foutue.


Bon, je m'y mets.

ven.

10

avril

2015

Légèreté printanière

Chère Marie,

C'est peut être à cause de ce temps splendide que j'ai envie de retrouver la fraîcheur de notre vraie correspondance. Peut être que j'aurais dû commencer par ne pas mentionner le temps. J'ai l'impression d'avoir attrappé des tics avec cette météo. Où sont tous mes gros mots, les phrases sans verbes, les grosses boutades de potache? Ah. T'as remarqué comme on ne s'écrit plus de mails? Bon, par contre on (enfin moi) écrit plus, plusplus même je dirais. C'est pas pareil.

J'aimerais bien te donner des bonnes nouvelles mais chez moi c'est la routine.

Je vais tout à l'heure faire un nettoyage de jardin chez une dame du SEL, pour pouvoir ensuite avoir assez d'unités, soit pour nous offrir un massage de dos, à Peter et à moi, soit pour trouver quelqu'un qui nous aide à monter les tuiles au grenier. Au niveau du dos, ça revient un peu au même. J'aime bien faire partie du SEL, même si j'ai pas trop le temps.

Demain, ma copine violoniste m'emmène à Bruxelles. Pendant qu'elle donne le concert, moi je ferais un devis chez SaÏda, une femme tellement gentille que ça me rend méfiante. Faire un devis et acheter de la sauce soja, ça dure à peu près autant de temps qu'un opéra, c'est bien foutu.

L'autre jour, j'ai encore pris le train, entre onze heure et minuit le lundi de pâques. J'ai encore vu des trucs pas possibles, je vais pas les raconter là parce que c'est dur à raconter (frustrant, hein?) mais c'était sacrément folklo. C'est un comble d'être aussi statique pour quelqu'un qui aime autant les transports.

J'ai décidé de faire une cure de poésie et une cure d'ortie. Je ne lis jamais de poésie or j'ai l'impression que ça me fait du bien. Je vais m'en faire tous les soirs un petit peu. Le problème c'est que j'en ai pas et que c'est pas idéal d'en emprunter à la bibliothèque, c'est mieux d'en avoir sous la main, je trouve. S'endormir tôt grâce à la poésie, se lever tôt et boire une tisane d'ortie (invasion au jardin) je compte retrouver une super forme.

Hier j'ai lu

Les moindres instants d'une nuit de printemps

Valent plus de mille pièces d'or.

C'est bateau, mais c'est 100% vrai.


Sur ce, je t'embrasse, j'espère qu'on se voit bientôt,


Ulysse



jeu.

09

avril

2015

Que se passe-t-il ensuite?

Je suis coincée dans mon récit, pour le coup j'ai vraiment l'impression de trop tourner en boucle mais c'est pour une "commande". C'est là où je m'apperçois que se répéter à l'écrit, c'est pas du tout aussi simple que se répéter en dessin. Je dois trouver ce qui pourrait arriver au personnage.

 

     

 

      Dans le ciel pâle, la lueur de la première étoile naquit. Autour du camp, délimité par blocs de roches épars, les hommes allaient et venaient dans le soir brûlant, presque nus, couverts de poussière. Tous avaient le même teint terreux, violemment éclairé par le soleil du crépuscule. Les ombres s'allongeaient et la chaleur de la journée s'évanouissait, rendant l'air du désert peu à peu plus respirable. Alentours, les rochers baignaient dans une lumière couleur de safran, se détachant sur le bleu des sommets dont les cimes blanches semblaient suspendues dans le ciel. Jason se leva pour aller apporter son aide aux hommes qui préparaient la fête. Dans l'air, une odeur de grillade s'enracinait. Les hommes se succédaient autours de feux et cuisaient de la viande. Entre les rochers, on appercevait l'horizon désolé qui ternissait; la limite entre le ciel et le sable se perdait dans l'infini. Arrivée de nulle part, une petite foule se rassemblait et attendait ; des gobelets d'une boisson amère circulaient. Jason observait en plissant les yeux; il n'entendait rien qu'un léger vrombissement; le bruit était-il absorbé par le silence du désert?

Une fois le soleil disparu, le noir s'installa brutalement, sans lune pour le rompre. Au-dessus de sa tête s'étalait un tapis d'étoiles infini; un vertige le prit en les regardant. Il resserra son champ de vision sur la fête ; il ne distinguait que des éclats de lumière blanchâtres. Près d'un feu, clignaient des reflets fauves sur les visages aux orbites creusés.

La musique arriva progressivement, ici un rythme, là-bas un chant. Puis elle s'intensifia, petit à petit. Les hommes cessèrent de parler et se mirent en mouvement, les uns après les autres. Ils étaient hypnotisés par la nuit désertique, le feu et la musique. Chacun comtemplait en solitaire, perdu dans ses pensées, absorbé par le rythme et les éclats de lumière. Les visages et les silhouettes étaient indiscernables dans l'obscurité. Tous les êtres indiféremment bruns, velus, voutés, semblaient arborer de denses sourcils et de larges sourires, des yeux brillants comme des pépites. Ils frappaient dans leurs mains et levaient les bras en l'air, jetant aux cieux leurs paumes aux doigts écartés qui se détachaient du noir comme des peintures rupestres.

Le rythme trépidant des percussions cachait un rythme beaucoup plus lent, une boucle coulant comme l'eau d'un fleuve. Tous dansèrent d'abord en cercle, en dessinant de grandes voltes au sol. Jason regardait les visages devant lui qui disparaissaient et réapparaissaient au fil de la ronde, le clignotement fugace des yeux aux pupilles habitées par des braises.

Selon un protocole issu de la nuit des temps, après que tout le monde fût imprégné de musique et de danse jusqu'à la moelle épinière, le rythme changea. Il se fit plus sourd et plus violent ; alors les danseurs commencèrent à tourner sur eux mêmes, s'oubliant dans un tourbillon infini. Ressérré sur lui par la force centrifuge, Jason ne pensait plus et s'abandonnait à la sensations de ses mouvements freinés par le tourbillon, comme s'il eût été dans l'eau. L'axe de son corps faisait le lien entre la terre et le ciel, il tournait en méditant, envahi par une plénitude que extatique. Etre là, à tourner parmi ses congénères, tous à la fois identiques et uniques, lui paraissait être une expérience indispensable à la connaissance, levant le voile sur le mystère de la condition humaine. C'était l'éveil.

Puis, peut être avait-il trop bu de ce breuvage? Il se passa quelque chose, mais quoi?


J'ai cette réserve de mots mais peut être que c'est ça qui coince, pourtant je partais du principe que la contrainte, ça aide :

noms: cosmos ténèbres mystère combustion éclat éclair scintillement ardeur rayon escarbilles piquant imprevu sec destin souffle

adj:  fugace brillant insaisissable dangereux blond rutilant obscur précieux fragile rare libre

verbes : attirer jaillir brûler disparaitre exploser éclater


 

1 commentaires

ven.

03

avril

2015

Réponse kabbalistique (citation)

L’Adam fait l’expérience d’une grande plongée dans ses profondeurs pour aller découvrir l’autre côté de lui. Il entre dans une extase, disant : « Voici celle qui est os de mes os, et chair de ma chair. » En hébreu, le mot « os » est le mot qui est employé pour parler de la partie la plus

profonde de soi. Si je veux dire moi-même dans le sens de ma plus grande profondeur, je vais dire mon « os ». Et le mot « chair » en hébreu,

Basar, est un mot extrêmement intéressant, parce qu’il contracte le premier mot de la Genèse, qui est Bereshit. Le mot Bereshit que nous traduisons très mal par « au commencement», car cela n’a jamais été le commencement de notre historicité. Le mot Bereshit

signifie « dans le principe » : le principe qui nous habite, qui m’habite, qui est présent.

...

L’autre côté de nous est infiniment riche d’énergies potentielles. C’est un cosmos entier. Quand il nous est dit, dès le départ, que «dans le principe, Dieu créé les cieux et la terre », cela signifie que les cieux sont à l’intérieur de nous. Les Evangiles vont le confirmer.

Les cieux, c’est un cosmos immense, un potentiel immense, peuplé de vivants –haiot, la «vie » en hébreu. Ces vivants sont symbolisés par des animaux. Des animaux que nous connaissons dans notre monde extérieur, mais qui sont à l’intérieur de nous. Souvenez-vous de Basile de Césaré, en particulier, qui dit : « Ça hurle, ça pique, ça mord, ça déchire, ça tue à l’intérieur de nous. » Nous avons une puissance, une énergie, une violence énorme à l’intérieur de nous. D’ailleurs, dans les Evangiles, le Christ dit : « Si vous voulez conquérir le royaume, pénétrez votre violence. » Allez nommer tous ces animaux, là. En effet, Adam va être appelé à nommer les animaux, non pas pour voir s’il appelle un chat un chat, et un tigre un tigre. Mais pour nommer, pour voir ce que cela constitue pour lui. Afin que ses énergies potentielles deviennent de l’information, que nous les intégrions. Nous savons aujourd’hui – en physique quantique – que l’énergie, c’est de l’information.


ven.

03

avril

2015

Sidération

Je mène une vie d'un ordinaire sidérant.

Je ne crois pas que je parle de mes activités quotidiennes à proprement parler, encore que je n'aurais jamais imaginé passer autant de temps à ranger. Non, je parle des fonds qui donnent à la surface cet aspect si lisse ou à peine ridé.

Mais!

Cette impression d'exulter, que j'avais à vingt ans, liée à l'ennui écrasant qui avait précédé cette première vie d'adulte, l'ennui de l'adolescence, l'ennui sans fin comme une île d'où j'observais ce qui me semblait être d'une assourdissante médiocrité: la vie d'adulte. Des vies sans extase, sans élans, des vies sans envols du cœur ou de l'âme. Des vies résignées, des vies concrètes, aussi nuancées que l'était le réel. Des vies sans révolution, qui avaient fait le deuil de l'art, de la beauté, de la lutte contre l'injustice.

Se jeter contre des murs de ciment, alors, et les détruire.
Ouvrir sa bouche pour crier comme une bête, alors, et créer. Créer! Nom de Dieu!

En souvenir, je garde une photo d'Henri Miller accrochée au mur délavé de mon antre.
Lui qui savait écrire et mener une vie d'un autre niveau.
Mais je ne regrette rien, non. Dans cette perte, j'ai récupéré mon corps et deux enfants. Et je ne me coltine plus le désespoir mégalomane d'être à ce point en-dessous de mon génie.

Pourtant, il me semble qu'une petite frange de l'humanité continue de planer sur ces pégases de la jeunesse. Je les admire. Je sais ce qu'ils consument, je sais aussi ce qu'ils perdent. Par contre, je ne sais pas ce qu'ils gagnent - ça leur appartient et ça m'est fermé pour toujours.

Si je me réincarne, je ne souhaite pas être une humaine. Un animal m'irait bien mieux. Une tortue, une corneille, un cachalot.
Mais je ne pensais pas à ce point que connaître mes enfants me suffirait - bien qu'en réalité ça ne me suffise pas.

sam.

28

mars

2015

Les hommes devraient mettre des robes

ET des bijoux, et des plumes, des vestes brodées, des pantalons à motifs, des chaussures à clochettes, des plumes encore, des tresses de lin qui pendent aux ceintures, des parfums, des bijoux, des chapeaux ornés de perles taillées dans de petits os. Comme Jimi H ou comme Friedensriech H ou encore comme cet autre peintre qui vivait dans le désert aux alentours de la ville de H, avec son khôl et ses bottes en peau, ses colliers de turquoises.

 

Et alors on danserait.

 

Je suis encore en train de trier.

J'hésite à balancer toute ma correspondance papier, qui me suit depuis que je suis née, de déménagement en déménagement, et que je ne relis jamais. "Mais sait-on jamais", me dis-je à chaque fois. Et si, en vieillissant, je deviens comme Simone, qui erre tout le jour dans sa grande maison remplie de brols, consacrant son temps à retrouver ces vieux machins, petits ou gros, en tout cas innombrables, qu'elle étale sur une table et énumère, sent, touche, lit, écoute, contemple - puis le range à nouveau dans l'endroit où c'était.

ven.

27

mars

2015

Un bon plan

On monte un club de derviches et on gagne plein de fric grâce à notre super danse.

Peut être bien que c'est pas très spirituel comme démarche, mais peut être qu'on y viendrait.

Juste que j'aimerais bien tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner et tourner  toute la vie.

ven.

27

mars

2015

tourner en spirale

Un jour, j'ai écrit un poème en ton honneur, que je n'ai jamais osé publier ici.


La semaine dernière pour couronner le tout, en plus de mon plexus qui rayonnait en étoile énervée dans tout l'arrière du corps, ôtant l'huile à tous mes mouvements, un des enfants m'avait mis un doigt dans l’œil, au cours d'une bête opération domestique et sans mauvaise intention. Mais un doigt dans l’œil, le vrai, pas la paupière mais la cornée, avec l'ongle mal coupé et peut-être sale, couvert de bactéries et de monstres mignatures. S'ensuivirent deux jours et une nuit  de larmes épaisses et lentes et une vision sévèrement altérée.

Autant dire que conduire dans ces conditions, "Tintin", comme dit ma mère.

Mais j'ai été peinée jusqu'à mon trou du cul de ne pas pouvoir venir au carnaval sauvage. Un peu réconfortée tout de même par le fait que je n'étais pas la seule. Je me demande d'ailleurs ce que fait Séverine, là-bas, à Genève.


As-tu déjà réfléchi à toutes ces bactéries qui nous peuplent?

est-ce que ça ne relativiserait pas un peu la notion d'identité, tout de même?


Je tiens à éclaircir quelque chose, suite à un coup de fil avec Matthieu Dibelius.

Si gougueuliser les gens est déprimant, c'est parce que je n'apprends rien d'eux (pas parce qu'ils font plus de trucs que moi). Je glane quelques photos, parfois même de vieilles photos, des morceaux de textes. Mais rien, de l'être, rien de la sensation. Rien de la matière de ces personnes chères mais lointaines, que je n'ai parfois pas vues depuis des années.


REDITES:

Je souhaite me mettre à la danse

J'aimerais gagner plus d'argent


Le travail en sourdine que je fais depuis quelques mois (bientôt un an, je pense) est extrêmement fructifiant, bien que peu visible.

De l'extérieur on dirait que je me prélasse ou même peut-être que je me sclérose. Enfin, je n'en sais rien. De quoi j'ai l'air de l'extérieur? De quelqu'un qui ne fait plus d'art, c'est sûr. Mais je m'en bats la ouaille, comme disait Céline Décorte.

Il faut du temps secret et silencieux pour animer la masse. Un retrait du monde, un espace intime sans limite. Je vis ma retraite avec plaisir et intensité.


ZOROASTRE ou pas?

Je le dis maintenant: je crois à la terre, je crois à la communauté des êtres vivants, à la communications hors des mots. Je ne crois pas beaucoup aux mots, bien que ma vie semble témoigner du contraire (oui, Julien, je pense que je t'ai déjà dit ça et ça t'a fait bondir, mais je continue de le penser). Je crois à la lenteur, je crois aux actes, je crois à ce qui se passe de subtil entre les éléments visibles du monde. J'y crois, cela veut dire: je le vérifie. Raisonnablement.


Je suis allée voir Christine ce matin, elle m'a remise d'aplomb. Ou plutôt elle m'a remis de l'air entre les attaches, entre les bras et le torse et même plus précisément entre chaque os et son voisin os. Dans les tissus, même. Ses mains froides au début ont fini brûlantes sur mon crâne. Monde-crâne est du passé, hourra! À force de travail, j'ai maintenant une bonne sensation de mon corps. C'est tout un monde qui s'ouvre. Des os que je ne soupçonnais pas se mettent à me parler. Je peux les toucher de l'intérieur, même - par l'imaginaire et la visualisation. C'est une dimension de ma vie absolument importante, de premier plan. Jamais je ne reviendrai en arrière.


Je voudrais planter des roses trémières devant le cabanon que j'aurais repeint d'une couleur vive. Rose, par exemple. Je ne suis pas sûre que R soit d'accord. Mais E, oui.


Ai-je pensé à toi quand mon camélia couleur PQ a fleuri?

Oui. Mais ouf, je l'aime toujours, même avec cette évocation un peu merdeuse. D'autant plus, même!

ven.

27

mars

2015

Sans filets

D'habitude je prépare un peu mais aujourd'hui j'ai rien à dire. Même pas peur d'écrire des conneries, et je vois pas pourquoi : je le fais tout le temps et je n'ai jamais perçu aucune conséquence.

Oui c'est vrai qu'on tourne en rond, c'est ab-so-lu-ment ce qu'on fait. Mais j'aime bien ça, figure-toi, et je trouve ça très utile pour notre littérature, même si ça fait sûrement un peu chier nos lecteurs (moi j'ai obligé personne à lire, hey, salut les amis! salut Till! )

D'ailleurs aujourd'hui, il fait le même temps qu'hier, et sûrement que demain. Les euphorbes et les muscaris forment un contraste aussi étonnant qu'au printemps dernier, et le saule sur lequel les corbeaux croassent est exactement du même ton tendre que celui que tu as pris en photo l'an passé. Le temps a fait son effet : j'aime cette couleur à présent.

Alors, alors, voyons..... qu'est ce qui pourrait être bien à raconter? Des aventures? C'est toujours un peu la même chose. Qu'est qui est neuf? Qu'est ce qui n'a pas été déjà raconté? J'y peux rien mais moi je suis baba de tous les trucs insignifiants qui parsèment nos journées. Ravie de la crèche je suis. Un rien m'épate.

D'ailleurs tu vois, juste maintenant, incroyable : je viens de rachocher au nez d'un vendeur par téléphone après l'avoir insulté et même carrément menacé (de débarquer dans son bureau avec une kalachnikov, mais je l'ai aussi flatté et consolé, oui, je suis comme ça). Je l'ai engueulé pendant au moins cinq minutes en lui disant que mon temps était excessivement précieux et que j'avais tellement mal à me concentrer sur un travail d'une très haute importance, qu'il avait tout foutu en l'air et que ma journée était perdue par sa faute. En fait, il m'a juste sauvé d'une chute dans l'enfer de l'internet alors que je cherchais les paroles d'une vieille chanson. Je croyais vraiment ce que je disais, je suis dingue, j'aurais bien mieux fait de le remercier.

Et regarde : mardi

Je prends le train avec une copine qui me fait part de toutes les perversions qu'elle observe : un roman. (tout le wagon en a profité)

Je marche dans la rue en lisant le journal, en tenue de chantier. Pour plus de facilité, j'ai coincé l'anse du pot de peinture au creux de mon coude, comme un sac à main. Devant l'agence pour l'emploi, les chômeurs applaudissent mon look.

J'arrive sur le chantier : Fred a découpé les portes et a cloué les morceaux sur le mur.

A midi, une réunion : Fafa me présente ses amis qui sont des fêtards extrêmistes : ils sont même incapables d'aller chercher leur voiture au parking sans rester dedans à boire jusqu'au matin et sniffer de la chnouffe sur le capot. En fait de réunion, ils m'ont raconté comment ils avaient été outrés par une apparachik du milieu de l'art qui commandait du champagne (50 bouteilles) et qui comptait payer avec l'argent du contribuable; et comment eux, ont à nouveau détourné la somme pour s'acheter une montagne de poudre envolée en un week-end.

Au retour, en voiture avec une voisine : heureuse de m'avoir à ses côté car elle a vu un accident se produire devant elle au matin. Ca nous a mis dans une ambiance un peu grâve, mais heureuse, tu vois le genre? Puis on déplore une hécatombe de séparations chez les jeunes parents du village. Oui, c'est regrettable. Une grande fêtarde avec trois petits enfants démènagera ce week end. Elle dit que son mari l'ennuie.

Peut être qu'elle pense qu'elle tourne en rond?

Peut être qu'une correspondance météo, c'est comme un mariage?

 

Les paroles de la chanson que je cherchais (et que pour être honnête j'étais en train de "chanter" quand le téléphone a sonné - ouf), c'est "the river of no return", (ne me demande pas d'où ça sort) J'ai l'image de Marilyn qui joue du banjo sur un radeau. Je l'ai traduite à ma façon, malheureusement ça colle pas avec la musique (pas le temps pour ça, non, ici, c'est tellement le bordel que j'ai aucune place pour poser l'ordinateur)

 

Attention, on dirait pas mais NORMALEMENT, c'est drôle, (c'est grandiloquent)

 

L'entends-tu qui chante pour toi
Vis ta vie, Vis ta vie

C'est le chant de la rivière, qu'on nomme La rivière sans retour
Sous son air paisible, elle est froide et sauvage,
Mon espoir se perd devant la rivière sans retour
Emporté à jamais vers une mer d'orage

 

Vis ta vie, Vis ta vie
j'entend la rivière qui gronde "sans retour, sans retour"
Où les eaux chutent pour toujours, sans retour, sans retour
J'entends l'amant qui m'appelle, par ici, par ici,
Je l'ai suivi et pour toujours mon cœur supplie

Je suis tombée dans la rivière sans retour
Vis ta vie, Vis ta vie, je suis partie pour toujours
sans retour, sans retour, sans retour

 

dim.

22

mars

2015

Le carnaval sauvage passé au crible de mon rêve

Qui sont-ils?

Qui êtes-vous?

Parmi la procession, je suis une ombre muette, un autre répond pour moi : nous sommes le Carnaval sauvage

Un éboueur jette simplement, par la fenêtre de son camion : c'est le carnaval sauvage

Dans la ville les gens observent notre déambulation colorée derrière de petits rectangles de 4 pouces sur 8.

Je m'efforce de donner une démarche à mon personnage, j'essaie d'aller vite avec lenteur. Je suis un gros monstre froussart (peur du groupe, peur des accidents, peur de me tromper).


Dans mon rêve, je marche derrière un jeune homme dans un labyrinthe.


Le maitre de cérémonie, c'est bien Thanatos, je l'ai reconnu malgré ses verroteries, mais aujourd'hui, mon ami, c'est le printemps et tout renaît. On fabrique des rythmes et des danses. Les personnages masqués se succèdent en une série de tableaux étranges. Est-ce une fête? Est-ce un spectacle?

Grâce à mon costume, j'ai le pouvoir de couper le son, alors tous les personnages s'asseyent sans bruit, dans le théatre de pierre, au milieu d'une plaine. Ils se dévisagent en silence, ils attendent infiniment... Je remet le son et à nouveau je reçois le bruit assourdissant et la danse reprend dans la ville : tout le monde se secoue. Le long des rues, on marche, on danse, on marche. On s'engouffre dans le château, sombre, comme toujours. Après vingt minutes de tournoiement, la lumière est faite et nous partons, en l'emportant avec nous. Quelques individus suivent les couleurs et la danse, la bière et les belles filles ivres : on les entraine, bras dessus, bras dessous. Un beau patriarche reste là, dans l'ombre, comme un capitaine sur son navire. Dans son fier costume Kurde, il a demandé : c'est pour quoi ça? La tête hors de mon masque, je réponds que c'est pour lui souhaiter la bienvenue, il dit : soyez bénis; ses yeux gris et sont sourrire en or éclatent dans le couchant, devant le vieux canal.


Le labyrinthe a des murs de dentelle et je crois que le jeune homme va me mener jusqu'à sa chambre. Mais ce garçon espiègle connait mon talon d'achille, il s'amuse de mon désir et me mène jusqu'à un étalon sauvage qui me terrifie. Je détalle à toute allure, je suis vexée. Cette chasse est trop ardue, et je n'ai pas d'armes. L'an prochain, je prendrais des armes moi aussi, un arc, ou un fouet. Seule dans la chambre du jeune homme, assise sur le lit, je me regarde dans la glace et je reprends mes esprits. Arrivant par derrière il m'attrape par les seins et m'entaine à nouveau en les déroulant comme des rubans.


De retour parmi la foule, une enfant m'enjoins : par ici, c'est par ici la vraie porte. Je la suis, c'est déjà la nuit.


J'entre dans une auberge, il y a du feu et le Gilles de Bruxelles m'attend pour danser. Dans le mouvement les canettes tombent une a une et quittent son vêtement. Il devient un boxeur, un athlète d'autrefois avec un justaucorps noir, alors c'est un combat amoureux et une danse habile, que je finis par gagner sans lui faire mal, sauf de très petites morsures.


Mais c'était un erreur, il ne faut pas être là. On me chasse. Deux amis qui devisent en français remarquent qu'une ombre silencieuse les accompagne. Suivant les conseils de Thanatos, nous marchons sur la lune, à droite du grille pain. On trouve le feu, la fête est là, la vraie.

L'avocat du diable se tient les côtes en se traîtant de cochon. La braise se reflète dans les regards. La hiératique Marie jette sa robe au feu.


Dans mon rêve, la lune est une réserve naturelle sans fin, c'est l'aube. Tout est gris comme cendre, on marche dans le silence comme prévu. Et c'est beau, comme prévu.

ven.

20

mars

2015

Eclopse

Ici aussi il faisait ciel tout blanc.

J'ai noté une forte baisse de lumière mais comme je faisais mes comptes, je ne sais pas distinguer ce qui m'a le plus obscurcie.

 

Mon esprit aujourd'hui bat complètement la campagne.

Il faut pourtant que je travaille. Il faut il faut il faut.

Au lieu de ça je googlise des amis pas vus depuis longtemps, y'a pas plus déprimant et plus chronophage et plus frustrant, parce que somme toute on n'apprend rien.

 

J'ai hâte d'être débarrassée de ma psy.


T'es où?


J'arrête pas de penser à cette personne qui déprime trop en lisant notre correspondance et ça me fait rigoler je sais pas pourquoi, je crois que c'est parce que je vois bien ce qu'elle veut dire.

Je me demande si on tourne pas un peu en rond. Ou en carré.

ven.

20

mars

2015

Eclipse

J'ai rien vu, même pas une petite baisse de lumière, mais je me dis que c'est bien de l'intégrer parmi nos phénomènes météos.

Je me souviens qu'à la dernière éclipse (comme je me souviens que le 11 septembre 2001, je travaillais comme cueilleuse de pommes à Moulhierne dans le Maine-et-Loire), je travaillais à Vitré en Ille-et-Vilaine, à la maison de repos. J'avais piloté tous les fauteuils roulants afin de bien aligner tout le monde le long de la façade, et on avait contemplé le ciel blanc avec des lunettes pour la cataracte. On était tous de très bonne humeur - ça faisait du bien de sortir un peu - et on a rien vu non plus, à cause des nuages.

Et toi, tu faisais quoi?

ven.

13

mars

2015

Je m'suis fait beau, j'ai mis d'l'eau d'cologne

Quel beau temps, non?

Y'a pas mieux, j'vois pas. Ce beau temps et les marteaux piqueurs qui sonnent.

Je sors.

lun.

09

mars

2015

Animaux

Un sanglier mort qui flottait dans l'eau au milieu d'un amoncellement de détritus en plastique. J'ai pensé au grand continent de déchets au milieu des océans.

Plusieurs mésanges, leur technique pour manger les graines en évitant les chats.

Une limace, cachée dans les dernières buches, qui a réussi à passer l'hiver sans mourir ni se dessécher.

L'arrière-train d'une biche qui disparait dans un pré, à l'orée d'un bois.

Trois cervidés, très loin dans un champ. Les voir au loin en voiture et ne rien dire à personne. Garder pour soi cette image de vie sauvage.

Une multitude de corvidés, en ville. J'ai appris qu'ils étaient très fidèles, en amitié comme en amour.

Pas de renard, pas d'ours, pas de loups, pas de hibou, pas de chouette.

lun.

09

mars

2015

Rester sur la scène comme une machine d'amour*

J'ai un drôle de pouvoir dans les mains. Une sorte d'adresse inversée.

Quand j'ai voulu allumer le feu la porte de l'insert s'est cassée (un gond en métal, c'est pas facile à réparer avec de la ficelle ou du sandow, ça).

Quand j'ai voulu fermer la porte de la salle de bain, elle s'est carrément SORTIE de son coulissoir (tu vois un peu comment elle est gaulée - bon, j'ai mis un rideau à la place, bonjour l'intimité).

Ensuite, j'ai pris la voiture pour aller au parc du Héron, réserve naturelle : elle n'a plus de freins.

 

EXPÉRIENCE PHILOSOPHIQUE (c'est vrai qu'on oublie trop souvent de dire à quel point la philo est une expérience):

Comme dit James Brown: stay on the scene, like a lovin' machine.

La scène, maintenant, c'est la scène de soi-même. Rester sur la scène de soi-même comme une machine d'amour. Tenir le cap de soi, ce soi qui n'existe peut-être même pas, ce soi qui change et qui varie, tenir avec le réel, le réel tellement réel, son enchaînement de petits instants, sa médiocrité universelle (je dis médiocrité au sens de "ce qui reste dans le milieu"), son absence totale de superbe, d'éclat, le manque cruel de public dans la vie de tous les jours, rien que soi, sur sa scène d'amour, et tenir ça, ce soi, cette solitude, cet enchaînement d'instants imprimés dans le corps. Tenir sans sans argent, sans sexe et sans drogues, sans idées géniales et sans futur prometteur, tenir ça quand même, pour voir où ça mène tout en se disant que ça ne mène peut-être nulle part.

 

Je pense à Jésus dans son grand désert.

Je pense à toi dans ta voiture, avec le livre et le tarama.

 

Bientôt Nowruz.

Hier, on a mangé dehors. C'est pas Nowruz qui s'annonce, ça?

jeu.

05

mars

2015

Autruches

Décidément, ce que je kiffe vraiment, et qui vaut pour moi n'importe quelle nouba, c'est un peu de solitude, un temps clément et un BON bouquin. Il fait si doux aujourd'hui, enfin! Le ciel est BLEU! depuis ce matin!

 

Plus tôt, au syndicat, la femme m'a expliqué à quel point ma situation sociale était précaire. Puis je suis allée faire les courses sans rien trouver de décent ou de suffisament bon marché à acheter. J'aurais pu être affligée - j'ai de bonnes raisons pour ça, des petites choses mais quand même - Et puis merde, j'ai garé la bagnole sur le parking de la bibliothèque et j'ai lu là,pendant des heures en mangeant des tartines de tarama -dégueu- et des cornichons - je pensais à toi et à Issac - plongée, complètement absorbée, encore par J. Franzen, je l'adore. Je suis un peu triste de devoir lire toute seule : avec qui partager mes inquiétudes quant au comportement destructeur de Patty? Et ma compréhension étonante de celui de Katz? Et le pire du pire, avec qui m'attrister quand j'aurais fini ce passionnant récit? Que vais-je devenir quand j'aurais fini le livre? Ca, ça m'inquiète.

 

Le reste je m'en fous et je repense au livre qui contient tout, ma bible absolue, toujours Moby Dick. Je veux le citer dans une traduction que j'aime pas suivie de la VO, je sais que c'est un peu pesant  - qu'est ce qu'il fait beau! - et je t'embrasse bien fort, je crois que j'ai déjà trop bu et puis j'expédie tout pour retourner dans mon super bouquin qui me caresse dans le sens du poil : la vraie vie est là.

Et (pardon pour mes concitoyens) je vais marcher dans les prés EN LISANT, avec ma veste pleine de peinture, la seule que j'aie.

 

Il est des moments et des circonstances dans cette affaire étrange et trouble que nous appelons la vie où l’univers apparaît à l’homme comme une farce monstrueuse dont il ne devinerait que confusément l’esprit tout en ayant la forte présomption que la plaisanterie se fait à ses dépens et à ceux de nul autre. Pourtant, rien ne l’abat, comme rien ne lui paraît valoir la peine de combattre. Il avale tous les événements, tous les credo, toutes les croyances, toutes les opinions, toutes les choses visibles et invisibles les plus indigestes, si coriaces soient-elles comme l’autruche à la puissante digestion engloutit les balles et les pierres à fusil. Car les petites difficultés et les soucis, les présages d’un proche désastre ne lui semblent que des traits sarcastiques décrochés par la bonne humeur, des bourrades joviales dans les côtes expédiées par un farceur invisible et énigmatique. Cette humeur insolite et fantasque ne s’empare d’un homme qu’au paroxysme de l’épreuve ; ce qui, l’instant d’avant, dans sa ferveur lui apparaissait si grave, ne lui semble plus qu’une scène de la farce universelle. Rien de tel que les dangers de la chasse à la baleine pour développer cette libre et insouciante cordialité, cette philosophie désespérée ! C’est sous ce jour que désormais, je vis la croisière du Péquod et son but : la grande Baleine blanche.

 

THERE are certain queer times and occasions in this strange mixed affair we call life when a man takes this whole universe for a vast practical joke, though the wit thereof he but dimly discerns, and more than suspects that the joke is at nobody’s expense but his own. However, nothing dispirits, and nothing seems worth while disputing. He bolts down all events, all creeds, and beliefs, and persuasions, all hard things visible and invisible, never mind how knobby; as an ostrich of potent digestion gobbles down bullets and gun flints. And as for small difficulties and worryings, prospects of sudden disaster, peril of life and limb; all these, and death itself, seem to him only sly, good-natured hits, and jolly punches in the side bestowed by the unseen and unaccountable old joker. That odd sort of wayward mood I am speaking of, comes over a man only in some time of extreme tribulation; it comes in the very midst of his earnestness, so that what just before might have seemed to him a thing most momentous, now seems but a part of the general joke. There is nothing like the perils of whaling to breed this free-and-easy sort of genial, desperado philosophy; and with it I now regarded this whole voyage of the Pequod, and the great White Whale its object.

dim.

22

févr.

2015

aveuglement

Ca fait longtemps que je ne suis pas venue sur notre météo, dis donc.

Aujourd'hui, on voulait un dimanche au jardin. Il y avait un peu de soleil, tout petit peu. En claquant des dents, j'ai étendu le linge dehors en pensant qu'il pourra sécher. Il est presque 17h, les poules sont déjà couchées. Mon nez coule.


lun.

16

févr.

2015

Fric Flouze Pèze Oseille Pognon Caille Caillasse Ronds Thunes Biftons

T'as jamais pensé à vendre tes dessins?

Pour la première fois de ma vie je me dis que ce serait peut-être un plan.

T'as pas une idée de comment on fait ça sans s'humilier en faisant le tour des rues des capitales artistoques, un carton sous le bras?

lun.

16

févr.

2015

Un an

Voilà, le camélia de mon jardin est fleuri et je peux me fier à ce cycle de saisons pour dire que ça fait un peu plus d'un an qu'on s'écrit toi et moi par la météo.

Un an qui m'a paru très court (en ressenti), mais qui semble être une éternité si je consulte mes souvenirs.

Nom de nom, tout ce qui s'est passé.

Il y a un an j'étais incontex stablement beaucoup plus jeune. Salement beaucoup plus jeune.

Me voilà passée à l'âge adulte. Non sans peine.

Et pourtant comme me le faisais remarquer mon bonhomme hier, y'a cette marque de l'enfance qui reste en moi comme une patte d'ours fossilisée dans la boue préhistorique.

J'ai une chose à dire: j'attends beaucoup trop de la vie, je ne suis qu'orgueil et impatience.


Météo pure et dure.

Pura y dura.

NIEBLA!


Tu verrais ici le brouillard qui colle au ciel, on y voit pas à cinquante mètres.

Ça suffit amplement à faire mon bonheur, cette ambiance médiévale de ciel blanc, de boue et de briques rouges. À propos: ça n'est que depuis pas longtemps qu'on considère que le vert est une sorte de contraire pour le rouge, le bleu pour le orange, le violet pour le jaune. AVANT, c'était rouge, blanc et noir, les oppositions fortes. Nombreux blasons de gueules. Et le blanc comme le noir étaient des couleurs. Il n'était pas, alors, question de primaires.La plus instable, c'était le vert. Et le rouge, l'ocre, dans les grottes, c'est depuis toujours.


Ciel blanc, boue noire, briques rouges: comme ici ce matin.

Avec les humains qui passent courbés les uns à proximité des autres presque sans se voir. Personne n'en peut plus de l'hiver. Hier on aurait presque dit un printemps et aujourd'hui ce froid et ce brouillard collant. Sur le chemin de Mont-à-Camp, on longe un petit bois de bouleaux, avec une ruine de maison et des ruines de campements, dans le secteur de Délivrance, juste à côté des rails. Ils avaient dit que les trains ne circuleraient plus et pourtant je les entends encore klaxonner presque chaque jour.

Tant mieux.

On se croirait revenu au temps des Hobos. Les rails, les trains de marchandises qui enfilent jusqu'à quarante wagons, les couvertures sales pendues aux arbres, les débris de bouteilles jetés sur le sol et dans des caddies défoncés. Et le panneau avec une flèche "appartements décorés", qui pointe vers ces ruines.

Sur le parking à côté du groupe scolaire, ils ont posé un algéco, c'est un "espace de vente". C'est en fait là que tu peux venir acheter un appartement décoré, devenir si facilement propriétaire. Drôle de monde, hein.

ven.

13

févr.

2015

Crois-tu que je peux facilement commercialiser ce médicament contre les rhinites allergiques?

ven.

13

févr.

2015

N'est ce pas formidable?

N'est-ce pas formidable de vivre dans un pays qui vend des armes à un autre pays qui tue les homosexuels?

mar.

10

févr.

2015

Totale nostalgie (enfance)

Au mois de février (je vous parle du sud-ouest), les mimosas commencent à fleurir.

Les mimosas: petits pompons jaunes dans des effilochements rebondis de feuilles vert véronèse.

Les mimosas dans les jardins, et, le long du bassin, les tamaris.

Les tamaris: égaillement rosacé et violine de grosses grappes poilues dans des feuilles poilues vert foncé tirant sur le marron.

Bois tordus, bois fins, petits arbustes. Pompons géants. La boue gelée qui craque sous le poids du corps, sur les chemins de terre.

Au-dessus de tout ça, figurez vous un ciel monochrome bleu. Il fait froid, mais il fait clair. On se pelotonne dans nos manteaux et on marche, le long de l'eau. Eau grise, eau miroir. Autour, il n'y a que le silence, parfois brisé par les pétarades basses d'un vieux moteur in bord.

Les cygnes,eux, ne font aucun bruit en volant, sauf avec leurs plumes, qui crissent dans l'air.

Le soleil est si éblouissant dans cette inclinaison de la terre le long de son axe qu'on cligne entièrement des yeux. Il n'est pas rare de manger une glace ou un crêpe, après avoir fait un tour au bout de la jetée, à Andernos.

mar.

10

févr.

2015

Ciel (histoire vraie)

Avant-hier il faisait beau. Le ciel était bleu.

Ma fille ainée à dit: MAMAN! Mais! Le ciel! Il n'est pas de sa couleur normale!

Ah bon, répondis-je, Mais de quelle couleur doit-il être, normalement?

Mais Maman! BLANC!

Moralité: il est temps de déménager.

jeu.

05

févr.

2015

Il neige mais pas vraiment

Je lis du John Fante.

Tout ce que j'écris n'est que poésie lavasse face à ces phrases brutes, directes comme des uppercuts et magnifiques comme une montagne. Merde alors, John Fante! JE NE VEUX PAS FAIRE DE POÉSIE. JE NE VEUX PAS VOULOIR, JE NE VEUX PAS CHERCHER À FAIRE. Trop longtemps, je me suis roulée dans de belles phrases. Complaisance! Comment me guérir pour toujours de cette manie littérairement molle qui tourne autour du pot, qui me détourne de mon objet, qui jette un voile de sens sur tout le cru du monde?

Colère, COLÈRE!

 

Comment est-ce que je peux te parler de cette chose qui tombe, qui n'est pas encore de la neige mais qui n'est plus de la pluie?

Comme ça : EN DISANT LES CHOSES, en les DISANT!

 

John Fante, nom de dieu. Et Arturo Bandini!

 

Autre chose: tu peux parfaitement venir chez moi à l'improviste. Bien que ça me malmène (l'imprévu), je le désire (l'imprévu). Les livres de Raphaël sont bien assez nombreux pour que tu tiennes plusieurs jours en cas d'absence de ma part, et je te laisse volontiers ma clé.

 

Encore autre chose: un cavalier qui surgit hors de la nuit poursuit l'aventure au galop. Je SAIS pertinemment que tu es Zoroastrienne. Ton nom, tu le signes à la pointe de l'épée. C'est pour ça que je te pose des questions théologiques. Et c'est encore plus pour ça que j'aimerais fêter le printemps avec toi, NOWRUZ, QUOI!, avec toi! Et nos copains! Et de la boustifaille!

 

PLus calmement: En ce qui me concerne, ton explication me convient parfaitement. Je ne vois pas pourquoi Dieu aurait inventé le Diable plutôt que le contraire. Alors, le bien et le mal comme deux esprits jumeaux, avec quelqu'un encore au-dessus (une sorte de PDG amoral).

lun.

02

févr.

2015

Théologie de pointe

Marie, veux-tu juste me faire part de ton problème où comptes-tu carrément sur moi pour t'aider à le résoudre? Parce que, laisse tomber Marie, personne n'arrivera à se mettre vraiment d'accord. En tous cas moi, je ne peux t'être d'aucun secours. Tu dois trancher et t'en tenir à ce que tu as décidé. Pour ma part, en tant que Zoroastriennne (ah bon, tu ne savais pas que j'étais Zoroastrienne?), l'esprit du mal est Ahriman (oui, c'est une sorte de super héros), « la pensée angoissée ». Il a été crée par le dieu suprème, Ahura Mazdâ. Ahriman est le père de l'illusion et de l'erreur, du mensonge cosmique, l'esprit trompeur. Il a l'esprit du bien pour jumeau. Ils sont partout ensemble et de forces égales.

 

Ah, ça fait du bien d'être légère avec la religion par les temps qui courent. D'ailleurs je continue car moi aussi je veux te faire part de quelque chose, pas un problème, mais une interrogation. C'est à propos du deuxième commandement, qui est, me semble-t-il, assez clair:

 

Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre.

 

On dit qu'il y a eu, au moment de la traduction de l'hébreu vers le grec un choix entre deux mots "image", eidolon, qui a donné idole et eikon, icône. Donc nous, les chrétiens, contrairement aux juifs, on a pas le droit d'avoir des idoles (et encore, je trouve les orthodoxes un peu limites) mais on a eu le droit de faire des images.

 

Ma question est : "est-ce qu'on a pas un peu exagéré?"

 

 

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lun.

02

févr.

2015

Ricochets

1) Julie R a dormi chez nous, une fois, dans le salon, pour un salon (de littérature souterraine).

J'ai regardé son site, et quand même, c'est bien, dis-donc.

J'ai ton poster dans mon salon de la maison d'ici et j'avais aussi celui de Séverine dans ma chambre de la maison là-bas. Je ne sais pas où il est, celui-là, dans un carton a dessin depuis le déménagement, j'aimerais bien le remettre.


2) Je me suis inquiétée pour moi en lisant que tu t'étais inquiétée pour moi : et si j'étais inconsciente de ce qui m'arrive? Est-ce que je ne devrais pas plus m'affoler? Ça m'a travaillée un jour et une nuit. La bête est ainsi faite. J'ai réfléchi. Je ne suis pas douée pour le calme plat, il m'emmerde. Mon bonheur, si on peut parler de lui, je le trouve dans les rides de l'eau, dans les turbulences de l'air. Je me souviens, une fois, rien ne se passait, je me suis endormie. Non, sans déc, je viens de passer l'année la plus dense et la plus bordélique de ma vie, j'ai passé mon doctorat ès DOUTE haut la main, mention TB avec unanimité du Jury. MAIS! Nom de Dieu, je vais drôlement bien, c'est ça qu'est bizarre. Je me la coule douce à l'intérieur de moi même.


3) Je voudrais te faire part d'un problème que je n'arrive pas à résoudre, peut-être faudrait-il que je cherche la réponse dans les textes (oui, mais lesquels) : Le diable a-t-il été créé par Dieu ou bien est-il indépendant de Dieu et ainsi lui-même Dieu créateur (de destruction)?


4) Si on fêtait le printemps par un banquet, avec nos amis? Un VRAI banquet, avec des mets de choix. Par exemple le 22 ou le 23 février, ou encore le 24 ou le 25.

sam.

31

janv.

2015

Julie R

Je me demande si on est pas un peu proche.

Je l'aime beaucoup, Julie. L'as-tu rencontrée? C'est (ou était?) une amie de Raphaël.

Je suis certaine que tu l'aimerais aussi.

ven.

30

janv.

2015

Flot

Marie, je voulais t'écrire mais je n'ai pas eu le temps.

Tu m'as vraiment manqué. A tel point que j'ai faili courir chez toi à l'improviste. Bizarrement, je n'ose pas le faire car j'ai peur de t'envahir, mais un jour je viendrais te rendre visite par surprise, et si tu dois partir, je resterais sur ton canapé à lire les livres de Raphaël en t'attendant. J'ai vraiment eu besoin de ta présence. J'ai eu un moment d'affolement, et je me faisais un peu de souci pour toi. J'ai eu la certitude que si on s'était vues, tout serait rentré dans l'ordre, les compteurs auraient été remis à zero. Curieux sentiment.

 

C'était drôle de travailler à nouveau sur des décors. RIEN n'a changé. J'ai croisé les mêmes régisseurs, producteurs, électros...Les studios, les horaires, tout est PAREIL. J'ai changé, j'ai vécu, mais eux, ils sont restés là, dans leurs camionettes. J'ai retrouvé avec plaisir l'air hautain des réalisateurs qui doivent à toute force prouver qu'ils sont les meilleurs, les blagues de cul des constructeurs, leurs conversations cent fois entendues....Je réalise seulement maintenant que c'est un métier, un métier que j'aurais pu choisir. Même si je suis vraiment tombée là par hasard, je me rend compte que je m'adapte là-dedans comme une pièce de puzzle manquante. Je trouve ma place sans forcer, clic.

Serait-ce si simple? Est ce que c'est ce qu'il faut que je fasse? Je débarque, et c'est comme si on m'attendait. Il me semble que je dois retourner dans ce monde clos, où il est aussi difficile de rentrer que de sortir.

ven.

30

janv.

2015

Chevaus, en ancien françois

J'ai toutes les qualités d'un cheval.

Je suis endurante et fougueuse. Je sais frapper le sol de mon talon de fer pour courir la plaine.

Je détale au moindre bruissement inconnu des feuilles. Quand je m'emballe, il faut me flatter l'encolure avec amour et patience, pour me calmer : on peut compter sur moi, sauf quand je m'affole. Je ressens chaque changement des vibrations alentours, tout me traverse et puis tout passe. C'est à la fois une liberté et un enchaînement.

L'impatience me caractérise, comme la fidélité.

Bientôt, ce sera l'année de la chèvre. J'attends avec espoir cette promesse de repos. L'année qui vient de s'écouler n'a été que tremblements de terre et révolutions du ciel. Je souhaite maintenant retrouver le couvert d'un sous-bois, le calme.

Redevenir vache, faire passer par la panse, le bonnet, le feuillet, la caillette chaque pensée, chaque émotion et m'en défaire comme d'une large bouse. Dormir couchée sur le flanc des heures entières, au milieu d'un troupeau, supportant indifféremment le soleil et l'averse. Courir, enfin, de manière désordonnée et sur une courte distance, sans autre motif que celui de l'intimité du groupe. Ne plus frémir au moindre bruit, paître si possible sans enclos, dans un alpage de semi-montagne au milieu duquel coulerait un filet d'eau froide bordé de chardon, de crottes de lapins, de roches clairsemées sur une prairie dense et verte. Et surtout, surtout, ne pas avoir de sonnaille.

ven.

30

janv.

2015

ça tombe mais ça tient pas

Il neige.

Ça fabrique du silence dehors et ça fabrique du silence dedans, comme s'il neigeait sur la face interne de ma cage thoracique.


J'ai discuté du foulard avec ma mère pour la énième fois. Grande distance entre une vieille féministe et une jeune féministe. Avons nous régressé? Voyaient-elles les choses de façon trop manichéennes?


J'ai rencontré Pantagruel. Voilà ce que j'ai entendu : (Et, par de fréquentes dissections,) acquiers une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme.


Lou m'a laissé le disque de Fabienne. Je ne l'ai pas encore écouté. Si vous n'êtes pas indifférent à plus de 90% de vos pensées, vous n'avez plus de liberté. Je crois que je suis pas libre.


Je me demande si ma période de poisse est terminée. Comment savoir?

mar.

27

janv.

2015

Enfin (26/01/15)

Hier soir, après quinze ans d'affût, j'ai vu Andréi Roublev.

Que dire de plus: Andréi s'interroge sur sa nécessité de peindre et sur sa foi.

Je suis animée de courants contraires.

1) Pourquoi continuer l'art, quand il y a déjà des gens qui font des choses aussi magnifiques? Autant passer le reste de ma vie à regarder ce que ces gens ont fait.

2) Pourquoi renoncer à l'art quand je ne vois toujours pas ce qui peut le dépasser?- hormis la foi et la nature sauvage, qui savent l'égaler.

ven.

23

janv.

2015

Monolithe (épisode 2)

Le camion noir se gara devant la maison un jour de mi-novembre.

Trois hommes en descendirent. Ils levèrent les yeux pour se repérer dans la rue.

Le premier était grand, blond, il portait autour du cou une grosses chaine en or que retenait un poisson.

Je me souviens avoir pensé aux discussions que nous avions, toi et moi, sur les individus nés sous le signe du poisson.

Le second était petit et gras, au visage presque enfantin.

Le troisième était le plus vieux. Il portait les cheveux bouclés et bruns sur la nuque, arborait un air fermé, un visage marqué par la vie, une bouche édentée.

Seul le premier parlait français. C'était lui, le chef. Chef du langage, en tout cas, parce que je ne crois pas avoir remarqué un savoir-faire particulier, hormis celui d'user indifféremment avec hommes et femmes de son sourire ravageur, cela sans compter.

Le camion noir était opaque, massif, sans inscription.

Les deux subalternes muets comme des tombes.

 

Ils se dirigèrent vers notre maison, sonnèrent, entrèrent, travaillèrent pendant deux jours en expliquant à minima ce qu'ils faisaient.

Irek s'intéressait à tout ce que je faisais, allant dans mon sens, abondant dans mon sens, surenchérissant dans mon sens. Le fromage mariné aux herbes de Provence? L'éducation des enfants? Les économies d'énergie? L'argent? Le libéralisme? Tout lui convenait.

J'ai horreur des séducteurs. Je les vois venir à cent miles. D'habitude, je les rabroue d'un coup de patte. Mais lui, il tenait ma maison dans ses mains, et j'ai sobrement écouté ses phrases sirupeuses, en bouillonnant.

 

Ils ont rencontré de nombreux problèmes.

Ils ont placé une machine bruyante dans notre salle-de-bain et déroulé plusieurs couches de matériaux argentés sous notre toit.

Ils ont prolongé le travail d'une journée.

Ils ont pensé à attendre la nuit et l'absence de Monsieur pour percer le toit, faire un mauvais joint, et partir sans laisser d'adresse.

ven.

23

janv.

2015

Damoclès (épisode 1)

C'est moi qui dans ces pages avait un jour prétendu aimer le réel.

 

?

 

Le choc puissant d'un coin de réel sur ma tête convexe, ses attaques sourdes, pendant des mois ou pendant des années lumières ; et soudain, lourd comme une massue ou tranchant comme une épée : l'événement manifeste.

Le réel? Ses lianes invisibles, discrètement déroulées jusqu'à ce que (sans m'en apercevoir et par le mouvement seul de mon être, par mes choix) je les enroule autour de mes jambes, de mes bras, de mon esprit même.

 

À moi ensuite de fabriquer la machette qui coupera quelques uns de ces liens.

Cette tâche me revient. Elle sollicite mon imaginaire et ma raison.

 

Rosa L disait Celui qui ne bouge pas ne sent pas ses chaînes.

Ai-je bougé?

Est-ce que je ne bougeais pas, avant?

Ai-je bougé différemment?

 

Monsieur Hernandez a sonné chez moi un mardi matin.

Il avait revêtu sa veste polaire bleue marine, frappée du blason d'État. Pendant que j'avais les yeux braqués sur ce gage évident de confiance, il plaça son pied fourchu dans l'embrasure de la porte, et, précédant son bras d'un livret en couleurs tenu à pleine main, s'introduisit de biais à l'intérieur de la maison.

Nous lui avons donné un siège, une heure, et un verre d'eau.

Avant toute autre chose il voulait nous dire merci, merci, parce que cet accueil-là, on ne le lui réservait pas tous les jours.

On est plus souvent rabroués comme des chiens!, dans ce métier. Pourtant, Madame Monsieur, je suis rémunéré à la visite, pas à la vente, vous pouvez m'écouter en toute confiance. Je vous ai amené un dossier très pédagogique, très simple, où tout est expliqué, voyez plutôt.

 

Il n'employa jamais la force, il ne chercha jamais à imposer son pouvoir.

Au contraire, il s'appliqua à rester médiocre, faible et obséquieux, levant nos défenses une à une.

Ça ne vous engage en RIEN!

Je ne pense pas qu'il ait jamais prononcé cette phrase, et pourtant, tout ce qu'il a pu dire ou faire nous a fait croire qu'il l'avait dite, comme un message subliminal. Nous l'avions entendu.

 

Il nous quitta à midi, s'excusant encore, remerciant encore.

Au bas du document, nous avions apposé nos signatures. Nous nous moquions de lui, riant à pleine gorge et tout le jour encore, en nous souvenant de son évidente absence de professionnalisme.

 

Il revint deux semaines plus tard, en coup de vent.

 

Alors prestidigitateur, il déchira le premier document en mille morceaux. Sur le point de partir au travail, en retard, même, la veste et les chaussures déjà passées, la clé de voiture serrée dans une main nerveuse, l'on signa de l'autre main un nouveau document. Que l'on oublia. Qui scellait pourtant sans en avoir l'air un pacte exorbitant.

jeu.

22

janv.

2015

Attention, risque de gnangnantise

La météo anonce de la neige fondante mais il fait si froid que j'ai du mal à y croire. J'attends la neige avec une extrème impatience, pour pouvoir faire des bonhommes de neige et de la luge avec les enfants.


Il y a un mois, un ami de l'école primaire m'a envoyé un mail en me demandant ce que je deviens, et je ne sais toujours pas quoi répondre. Il m'envoie un lien vers son site : une foison de créations graphiques, high tech, surtout pour des pubs. Du multimédia, de la vidéo, de la peinture...beaucoup beaucoup, très pro.

 "Non, moi, je ne travaille plus, je suis à la maison, j'écris un blog de temps en temps, je m'éclate". 

"J'habite dans un super village plein de gens étonants, je suis très engagée et je m'occupe des enfants".

Est-ce que ça reflète la réalité? Ce que je vis à l'intérieur, ce que je pense?

En cherchant des choses valables à dire, une phrase parmi d'autres me vient, que j'ai déjà entendu sans jamais m'y arrêter. Pour tout dire je trouve ça con, surtout que j'ai du le lire dans une interwiew de Vanessa Paradis ou consort en attendant chez le médecin.

"les enfants m'apprennent beaucoup". J'ai toujours du mal à comprendre les choses simples, mais ça, ça veut dire quoi? Ils apprennent quoi les enfants?

Eh bien, par exemple, à moi, ils apprennent qu'on est tous forgés au départ sur un modèle borné et égocentrique, et que c'est de naissance,

qu'on crois qu'on sait tout et en fait on sait rien,

que l'égo est fragile

qu'il faut autant que possible et en toute situation, s'efforcer de trouver les mots justes et de poser des actes qu'on assume,

que personne n'est parfait et que c'est pas grave (sorry, mais j'avais prévenu dans le titre),

qu'on est rien que des miettes,

que la vie est un sketch permanent,

qu'on peut pas savoir pour les autres et qu'il faut balayer devant sa porte,

ça apprend à être patient, à ne pas courrir dans les escaliers, à négocier, à faire des surprises, à faire le pitre, à aimer le rose et les paillettes

(là je dis ça pour m'en sortir parce qu'en fait j'avais plein d'idées super justes et qui me convenaient vraiment mais je les ai oubliées tellement je suis fatiguée)


Ca apprend à vivre avec deux heures de sommeil en moins par nuit et aussi à s'en foutre de pas être super intelligente (parce que de toute façon, j'ai un mini fan club quoi que je fasse).

Ceci dit, je doit me repencher sur la question, ou au moins, trouver quelque chose à répondre à mon ami.






mar.

20

janv.

2015

Rumeurs

Ca est, j'en ai marre de l'hiver. Marre de l'hiver financier aussi. Hier il a neigé à petits flocons toute la journée mais ça n'a pas tenu.

 

C'est vrai que les problèmes d'argent assombrissent tout, mais j'ai l'impression que ne pas en avoir, ça te déconnecte de la marche du monde. C'est comme ça dans Suite Française d'Irène Némirovsky, et je trouve ça juste.

Je suis vraiment nerveuse. J'ai du accepter de bosser pour une pub, je vais devoir y aller.

Juste avant, pour le projet avec Fabienne (écrire une chasse au trésor en mer) je me suis un peu documentée sur la pisciculture. C'est mal tombé. Tu évoquais les continents de plastique dans les océans; j'ai lu (dans science et vie) que de nouveaux écosystèmes naissaient là. J'ai lu aussi (je ne sais plus où) qu'il y avais de beaux projets pour nettoyer ce bordel. Ouf, ça va alors.

Mais hier, en lisant à propos des larves de homard, j'ai apris qu'il y a de plus en plus de zones mortes dans les océans, des zones où tout être vivant, en y pénètrant, crève instantanément. Des flux d'azote et de phosphore qui ravagent toute vie sur leur passage, des milliers de kilomètres carrés. J'ai lu que s'affoler de ça maintenant, en 2015, c'était comme freiner dans dans une voiture qui est déjà tombée dans le précipice. Puis, j'ai aussi entendu que ce genre de commentaires ou d'informations produit un effet tout à fait contre-productif en ce qui concerne la protection de l'environnement. L'humain moyen aurait tendance à se plonger la tête dans le sable. Un comportement d'évitement comme des achats compulsifs, par exemple. Que faire, alors?

Sûrement pas travailler dans la pub. Mais vraiment, j'ai besoin de sous, alors je vais aller, la mort dans l'âme comme on dit, peindre un bout de MDF (un peu de bois et beaucoup de colle) et le couvrir de peinture alkyde, pour qu'une vingtaine de couillons puissent le filmer avant qu'il ne parte à la poubelle.

Il parait que la pub est le deuxième marché mondial après l'armement.

J'ai des scrupules à parler de ça parce que ça n'est vraiment pas drôle et que ça ne change rien au problème. Ca plombe. Mais on dit la même chose aux journalistes, qui ne font pas le boulot, et ma tante continue à acheter et à jeter de l'électroménager, des bacs en plastique, des objets de déco, des produits ménagers fluos et toutes sortes de trucs qui remplissent les magasins blokker (les gifis, en france).

Et elle a un poster de tigre près de son frigo.

ven.

16

janv.

2015

Etat modifié de conscience

J'émerge du sommeil après avoir laborieusement rêvé en espagnol. J'étais un agent secret, planquée dans des marais, en Guyane, ou quelque chose comme ça. Ensuite, ma première pensée à peu près lucide va vers Philippe Candeloro : pourquoi est-il aussi tarte? Pourquoi  le monde se rit-il de lui? J'imagine sa naiveté, son engagement, sa ténacité, mon coeur fond. Je pense qu'il y a de l'injustice dans ce monde. Puis j'ouvre un oeil et je me traine jusquà internet. Je tombe là-dessus.

A présent que je suis complètement réveillée, je rigole en pensant que tu iras aussi peut être perdre quelques précieuses secondes sur le site officiel de Philippe Candeloro, cette andouille.

lun.

12

janv.

2015

Descente

C'est en prenant le petit escalier à l'arrière de la tête que je peux entamer la descente.

 

Par ce chemin-là, je traverse immédiatement une nuée d'oiseaux, d'insectes vifs. Le tumulte ne m'effraie pas: je sais le penser. Je me courbe, je protège mes yeux de la main ou de l'avant-bras, je remonte contre mon cou le col rassurant de mon manteau. Ici les couleurs sont multiples et proches de la lumière. Tout le spectre est représenté. De temps à autre je risque un regard: oiseaux multicolores aux plumes longues et sonores. Ils cherchent le Symorgh. Autour de moi, se cognant à moi, les sauterelles bourdonnantes, les abeilles vibrantes, les araignées. Chaque animal m'apparait dans ses détails et prend sa place dans l'ensemble, comme un grand puzzle. Chaque animal n'est lui-même que parce que les autres sont. Je cherche à comprendre mais je ne comprends rien. Le puzzle n'a pas de forme globale fixe, il n'y a pas de cohérence d'ensemble, toujours troué, toujours étendu. Dans ce début de descente, je peux parfois tourner des heures, descendre, remonter, le long du colimaçon, sans pour autant trouver le passage. J'y perds mes repères, j'y brûle toute mon énergie. Ça n'est pas la durée qui compte, mais ma capacité à soudainement et absolument débrancher la lumière, ma capacité à brûler.

 

Alors tout à coup c'est le silence. Devant moi, dans la moiteur charbonneuse d'une pièce réduite ou immense (qui le sait?), se découpe une petite porte, juste à ma taille. Ce nouveau couloir paraît noir et pourtant il est rouge sombre sombre. Son rayonnement est en-deçà de la lumière et ne m'apparait que lentement, une fois que mes yeux se sont habitués à l'obscurité. Le court-circuit s'est produit juste sous la nuque, juste sous l'atlas. Je n'entends plus que les battements sourds du cœur. Mon cœur? Le cœur de la pièce? Je ne sais plus distinguer ce qui est dedans de ce qui est dehors. J'ai rarement eu accès à cette partie du chemin. Je sais aussi que ça n'en est pas la fin.

 

Ici, j'arpente un labyrinthe rouge sang. Hauteur des concrétions rocheuses, osseuses. Voiles de pierre lancés vers le haut comme des muqueuses aériennes, colonnes descendantes et poreuses, suintements d'un liquide invisible. Ici il faut agrandir son oreille jusqu'à l'infini pour saisir la fragilité du milieu, le milieu comme une biche timide, cachée dans le décor, immobile, qui part en fuite si on avance trop brutalement, trop bruyamment. La cuisse douce et tendre d'une biche, le cou palpitant de l'animal, qu'on peut si facilement abattre, ou bien le cœur du moineau capturé, tenu dans la main. Je m'agenouille à l'intérieur de moi-même. Cette grotte sauvage, je la fréquente aujourd'hui. Plus je la fréquente, plus elle se peuple, plus elle devient sauvage. Si je m'y sens de plus en plus familière ça n'est pas le signe de sa domestication mais bien celui de ma sauvagerie - j'apprends à parler son langage: le silence. Il me semble que dans cet espace toujours plus grand, toujours plus détaillé, je peux me perdre des jours, des années. Il faut pourtant remonter, revenir, enrichie.

 

Je ne sais pas 'il y a d'autres lieux, encore inconnus.

dim.

11

janv.

2015

Et fin

Ce ne fut que lorsque j'eus moi-même quitté l'école d'art, et même la ville, et même le pays, que j'entendis à nouveau parler de lui.

C'était le moment où j'aurais dû logiquement commencer à construire ma vie d'adulte. Je naviguais dans le brouillard. Je n'avais aucun plan pour l'avenir. Je m'étais exilée, mais je ne voyais pas vraiment pourquoi. Je pensais être à la recherche de l'aventure, mais l'aventure tardait à survenir, et ma vie ressemblait de plus en plus dangereusement de la vie de mes parents. Je vivais en couple et je cherchais du boulot. Le couple était léger (nous ne nous étions rien promis) et les boulots ne duraient jamais plus d'un ou deux mois, mais c'était suffisant pour me paniquer. Mes amis me manquaient, je me terrais chez moi, sans trouver l'énergie de m'intégrer et d'en trouver de nouveaux.

Un jour, on me proposa de participer un projet artistique, en collaboration avec de vieux amis. Je saisis l'occasion pour prendre le large et me rendis chez eux pour quelques jours. Je n'ai pas envie de parler ici de ce couple d'amis qui m'accueillirent, et avec qui je devais travailler. Je les adorait. Quelque chose que je n'ai encore identifié s'est passé entre nous à ce moment là, qui n'a céssé de se dégrader par la suite et qui nous tient éloignés jusqu'à présent.

Le destin avait remis mon héros sur ma route.

J'ai su assez tôt qu'il travaillerait avec nous. Je crois que j'eus plusieurs mois pour m'y préparer. Pour me convaincre à quel point cette rencontre était inéluctable. Lorsqu'on nous a présentés, à l'automne, j'étais plus froide et agressive qu'un rat. En un éclair, nous devînmes de vrais bons amis, passant des nuits dehors à boire et à rire, à marcher et à détruire. Car mon nouveau partenaire d'aventures était un ange de la désolation. Je n'enumèrerais pas la somme de nos exactions. Seulement deux jours après notre rencontre, alors que, complètement ivres, nous nous étions lancés dans un concours de crachats, nous débouchâmes sur une place. Il y a sur cette place en question une fontaine monumentale : "en son sommet, environ à quatre mètres de hauteur, une statue en marbre blanc représente la ville sous les traits d'une femme couronnée tenant un trident : il s'agit d'une figure de la mythologie grecque, Amphitrite, déesse de la mer et épouse de Poséidon tenant dans ses mains le trident de Neptune. Elle se dresse, juchée sur un piédestal surmontant une série de statues allégoriques en bronze". J'avais deviné, avant qu'il ne me l'avoue, qu'il avait volé ce trident quelques années plus tôt, sûrement la nuit même où naivement je le poursuivait dans la ville, et qu'il l'avait enterré dans un endroit où il était sûr qu'on ne le retrouverait pas, qu'il avait arraché des petits angelots en bronze pour les jeter dans le fleuve.

 

Malgré l'échec du projet artistique, qui me fit l'effet d'une douche froide, une correspondance timide s'amorça. J'attendais la confirmation de notre association. Elle fut scellée près d'un an plus tard, lors d'une bacchanale dévastatrice. En plein hiver, nous nous retrouvâmes au matin épuisés, grelottant de froid et de fatigue, affamés et satisfaits. On aurait dit que le but de notre alliance, était de pousser des situations banales vers leur paroxysme, en les rendant dangereuses, violentes et cinématographiques. Encouragée par le destin, galvanisée par la fécondité créatrice de  notre correspondance, je signais des deux mains.

Nos entrevues, heureusement assez espacées dans le temps, étaient épuisantes. Sans dormir, sans manger, on cavalait, comme des fugitifs, en buvant du matin au soir. On enchaînait en badinant, destructions, incendies, effractions, vols, bagarres, blessures, harcèlements, injures.

Au soleil couchant, dans des ruines et des friches, la nuit, dans les parkings, sur les chantiers de construction, perdus dans les zones industrielles, et au petit matin, devant la porte d'une boite de nuit désertée, le film se tournait en fonction du décor.

 

Pour finir, au bout d'une ou deux années, j'ai disparu de moi-même. Je sentais fermement que le destin était à l'oeuvre et que je n'avais plus à gourverner. Malgré une résistance insoupçonnée, j'étais fatiguée de boire et de courir, fatiguée de détruire. J'avais faim de bonnes choses, d'amitié chaleureuse, de grandes tablées sous les tilleuls, et surtout, j'avais besoin de dormir. C'était mon anniversaire, j'étais belle et heureuse, je faisais une victime idéale. Baissant ma garde, j'ai laissé prise aux coups, aux insultes, au viol. J'étais perdue dans le froid, dans une ville inconnue, couverte de pleurs et de sang.

Quand je suis rentrée chez moi, il n'y avais plus rien. J'ai eu peine à tout reconstruire.

 

Je pense à R. dont toute l'oeuvre est marquée par l'histoire de son frère, par le passage de la douceur de l'enfance, la complicité de la fatrie, à une violence subite et injustifiée. C'est ce que j'imagine. C'est ce qui doit être dur à démêler.

 

Cette histoire au style ampoulé, absolument fausse et vraie, résulte de la lecture simultanée de La zone d'inconfort de Jonathan Franzen, et de La crucifiction en rose d'Henry Miller. Elle mériterait certainement d'être développée puisqu'il y a plusieurs points, notament des situations géographiques, des décors et des personnages qui sont assez hauts en couleurs, mais j'ai déjà assez ramé pour en arriver là. Pour cette fois.

 

 

 

 

 

 

sam.

10

janv.

2015

Suite

Je ne sais comment, je retrouvais sa trace au cours de l'année de seconde. Il me semble que c'était par une coïncidence grande comme une intervention divine, (le destin) mais je n'en ai en fait, aucun souvenir. Ce dont je me rappelle, c'est qu'il était parti étudier dans une autre ville et que, lorsqu'il rentrait le week-end, il retrouvait un ou deux copains pour faire de la musique. Je le trouvais un jour par hasard, posant sur la photo de classe de la soeur ainée d'une camarade. La photo fut bien sûr subtilisée, copiée, posterisée et idolatrée. Ma meilleure copine (une autre) le reconnut et me révéla avoir assisté un jour à un concert du groupe. Je la sommais de m'aider à m'introduire parmi eux pour continuer ma filature. C'est ainsi que nous passâmes plusieurs mornes dimanches à leurs courrir après sans succés, quelques autres à écouter jouer ses ennuyeux copains, ou même enfin, quelques précieux après-midis à se cotoyer dans un silence gêné. J'étais empotée et je le savais, et les seules fois où j'osais ouvrir la bouche, on me regardait en penchant la tête à la manière des chiens étonnés, comme si j'avais parlé dans une langue inconnue. Nous avions quatre énormes années de différence.

Je n'ai, de toute ma scolarité, que très rarement séché les cours, aussi je ne me figure pas bien à quelle occasion j'ai pu me rendre pendant plusieurs jours dans la ville où il étudiait, et encore moins comment je pus loger là. Lors de ce premier voyage sans parents, entre des errances sans but dans les rues du centre ville et surement une visite au musée, nous passâmes, mon amie, et moi des heures à le guetter devant la résidence universitaire où nous savions qu'il logeait, à l'abri d'un café inhospitalier. Mais le point d'orgue du voyage fut lorsque nous nous rendîmes à l'école d'art où il étudiait. Nous pénétrâmes dans la cour en silence. J'avais le sentiment d'être une usurpatrice, mais je me sentais encore plus cool que si je transportais l'intégrale des vinyles de Jimi hendrix, et je m'efforçais de prendre un air que je croyais dégagé. Je jubilais de pouvoir fouler aux pieds le lieu de toutes les libertés, un endroit où l'histoire de l'art s'écrivait (sûrement). Je fus éblouie par le foisonnement de créations artistiques qui débordaient du batiment et répendaient le chaos jusque dans la cour.

Par la suite, il me semble que ma fixatiion amoureuse fut diluée dans la vie scolaire et de grands projets d'indépendance et d'aventure.

Un été passa, puis deux, trois, et quatre et j'entrais enfin, sur l'invitation unanime  d'un jury de professeurs que j'avais réussi à convaincre sans chichis, dans la cour bariolée de l'école d'art. L'école où il m'avait précédé, et j'étais certaine d'une certaine façon, que je me trouvait là uniquement pour des raisons sentimentales : j'avais suivi sa voie. Je menais une enquête dès la rentrée, mais le problème fût le même qu'au départ : personne d'entre nous, les bizuths, ne fréquentais de cinquièmes années, où il aurait dû être.

Je passais rapidement à autre chose et je devins pour les cinq années suivantes, une étudiante engagée, libre et ravie.

 

TO Be continUeD...

 

 

 

ven.

09

janv.

2015

Embarrassant pastiche

Je sens que le temps est venu de me raconter une histoire dont je n'aime pas me souvenir et que je cache sous le tapis de ma conscience, telle un vieux tas de déchets qu'on ne sait pas comment faire disparaître.. Un enchainement d'évènements où j'apparais sous mon jour le plus mièvre, le plus faible et le plus naïf. Grattons où ça fait mal.

Toute l'histoire s'étale sur des années, comme l'onde à la surface de l'eau provoquée par le jet d'un caillou, et continue de me bercer jusqu'à présent.

C'était par un temps comme aujourd'hui, "un temps d'hiver, madame", dit la voisine. J'étais pour la dernière année, du moins le souhaitais-je ardemment, au collège. J'appartenais à la classe de troisième B, celle des bons élèves, qui étudiaient l'allemand et le grec, et je venais de fêter mes quatorze ans. En relisant quatorze ans, j'hésite à effacer, comme si j'avais écrit "écarter la chatte". Plus de vingt ans après, je ressens encore la honte d'avoir eu quatorze ans, et d'avoir pu me sentir aussi mal à l'aise, avec toutes les gaffes qui en résultent. A cette époque si je me souviens bien, je me prenais déjà littéralement pour une adutle. J'étais outrée que quelqu'un puisse me dicter sa loi, j'étais sûre d'avoir raison, d'ailleurs je m'appliquais, en prétendant le contraire, à rendre toute discussion impossible. Je n'ai jamais vraiment eu l'impression d'avoir changé depuis. Je réalise que c'est certainement parce que je suis restée une teenager jusqu'à avant hier. J'avais beau me croire adulte, j'étais, à ce moment exact du point de départ de cette affaire, un peu après le milieu de cette pluvieuse journée d'hiver, dans la cour du lycée, en train de me chamailler avec ma meilleure copine. Dans cet établissement scolaire, le collège et le lycée étaient séparés par une rue. En tant que collégiens, on se rendait parfois sur le territoire des grands, pour le sport ou pour certains cours techniques. On traversait la cour le cul sérré, profil bas mais en essayant tant bien que mal de faire plus que bonne figure.Tout était mis en oeuvre pour avoir l'air à l'aise et bien dans sa peau, challenge insurmontable, et paraitre moins con que les autres. J'y échouais toujours malgré mes efforts d'intégrations, et mes pitreries pour distraire mes camarades étaient presque toujours considérées comme des excentricités de mauvais goût. C'était un lycée que fréquentaient les habitants du centre ville les plus rupins, certainement les plus cultivés, mais surtout les plus pédants. Progénitures de médecins, d'avocats, chatelains, notables. Le centre d'une ville du centre de la France, autant dire un trou du cul nombriliste et étroit, où les familles fin de race tenaient le haut du pavé.

L'enjeu de la dispute entre ma camarade et moi, était de savoir qui transporterait une pile de vinyles des années 70 de toutes sortes, empruntés par mes soins à la médiathèque. Celle qui vaincrait pourrait non seulement bénéficier de l'image rendue par cet accessoire de mode, en plein milieu de la cour des grands (qui s'appelait vraiment la cour des grands) mais il y avait aussi quelque chose de magique, comme un rayonnement, qui aurait pu nous contaminer et innoculer en nous le génie du cool, de la liberté et de la révolte des hippies et des soixante huitards, notre référence absolue. Ce fut à ce moment, alors que j'essayais, sans trop de conviction quand à ma victoire,  d'arracher la pile de disques des mains de mon amie que le choc advint.

Ce fut comme une apparition :  une silhouette extraordinaire remplissait l'espace. Haute stature, mouvements amples, mains grandes ouvertes, visage et silhouette venus d'aileurs : le cool en personne. Apparament bien dans sa peau malgré un look inadéquat au pays du loden vert, il riait d'un rire éclatant, d'un rire sincère et musical. J'étais frappée.

Je ne le revis jamais dans la cour du lycée, je crois que je l'ai cherché mais je n'en suis pas sûre.

Plutôt qu'une enquête, ce fut un crescendo de phantasmes artistico-romantiques. Etais-je la seule à avoir remarqué cet ovni auréolé dans la cour du lycée? Personne de ma connaissance ne pouvait dire qui il était, car j'étais au collègue et personne d'entre mes amis ne fréquentait de lycéens. On ne le voyait pas au réfectoire, où se cachait-il? Je ne me souviens plus quand j'appris son nom, il me semble que je le savais déjà, que j'en avais juste découvert la forme. Ce qui m'importait et ce que je sentais, c'est qu'il se destinait à être un artiste, et son père qui était un fameux poète d'origine algérienne, une référence de l'université de lettres, le soutenait.

Je passais le reste de mon année absorbée dans mes rêves d'évasion à ses cotés, écrivant une foule de poèmes délirants, et de dessins timides, chargés d'une signification mystique. J'apprenais l'Arabe. A cette époque, je nageais beaucoup, je nagais plusieurs dizaines de kilomètres par semaine. Soufflant sous l'eau pour rythmer mon effort, j'expirais son prénom.

Ce fut de justesse  qu'on me laissa passer dans la classe supérieure.

L'été fut un été de fille quatorze ans, riche en découvertes de toutes natures et en jeux au grand air. J'entrais en seconde encore plus sûre de vouloir faire de ma vie une vie exceptionnelle.

 

TO BE CONTINUED...

 

lun.

05

janv.

2015

5 janvier

Foule de choses à faire. Je pense pas mal à toi et à cet endroit où on écrit. J'ai envie de prendre le temps mais le temps, justement, passe. Alors j'écris sans l'avoir, ce temps. D'ailleurs je devrais déjà avoir mis mon manteau, mes caousses, et être partie. Je vais juste dire une chose: il fait froid, j'ai vu dehors des couleurs magnifiques. Je ne connais pas leurs noms.

La bassesse du commerce quotidien avec les humains m'inquiète. Où trouve-t-on les relations profondes? Par les temps qui courent, l'amitié, la confiance, ont pour moi la plus grande valeur. J'en éprouve de la fierté et une certaine sensation de renaissance.

sam.

03

janv.

2015

éphéméride

Enfin, les fêtes sont passées. Les jours rallongent, mais je m'en fous : bientôt ils reracourciront. Il a plu toute la journée, on a eu quelques flocons et puis plus. Le chien ne voulait pas sortir, il a pissé dans la cuisine.

Je suis encore en pyjama. Inutile. Je me demande toujours si ce roman sur l'imposture dont je t'ai parlé l'autre jour est vraiment bien. Ca me préoccupe.

Bientôt un an de blog, pas encore, mais bientôt. Quelques lecteurs se demandent qui écrit, facile :  quand il y a des fautes et des phrases pas finies, c'est moi, Alice. Je m'ennuie trop quand je me relis. D'ailleurs il faut que j'y aille, faire la bouffe.


 

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sam.

27

déc.

2014

avant et après

Chère Alice, je reviens d'un long voyage sombre, qui a duré deux mois. Depuis mon siège terne, j'envoyais Hunnin et Mugin parcourir le monde. Ils ne revenaient qu'au petit jour, épuisés par le bruit et par les souvenirs. Voilà longtemps que je n'avais pas connu ça, un tel désespoir, depuis peut-être mes vingt ans.

Je t'en dis rapidement la raison sans m'étendre: un homme est rentré chez nous, porté par le mensonge et les mauvaises intentions.

 

Mais aujourd'hui, dans la fenêtre de cette pièce où j'écris, je retrouve un petit goût de ciel, un défilement rapide des nuages gris sur fond blanc, et les toits de l'école enfin fermée. Le balancement de la cime de l'arbre dans le vent. T'as entendu comme il a soufflé la nuit dernière?

Pour la première fois depuis des années, les fêtes ont eu un certain goût de joie et de création. Guirlandes en papier, nappes en papier, sapin en papier, cadeaux faits maison ou quasi, petites danses simples mais endiablées, devant le feu, avec les enfants.

Pas de famille étendue.

 

Nous avons résolu de nous endurcir.

Quelque chose a volé en éclat.

Je le prends pur une initiation.

Maintenant il s'agit de reprendre le fil de ce que j'avais entamé il y a deux mois, avec la même joie, pondérée par ce que je sais de neuf (il était temps): le mal existe.

 

On se voit lundi ou quoi?

Si oui: j'amène du champagne.

sam.

27

déc.

2014

Il paraît que les meilleurs sacs poubelles viennent de chez Aldi

Dis, Peter Doig, toi, le peintre romantique, expert en canoës, toi qui poses comme Picasso -vos cheveux ont-il délaissé votre tête pour la même raison? - Peter, qu'as-tu fais à Noël? As-tu joué aux cartes en famille là-bas, à Trinidad? Ou es-tu plutôt rerourné en Ecosse voir tes parents? T'es tu précipité au Supermarché un peu avant le soir du réveillon pour faire les dernières courses avant que tout ne ferme? Et as-tu aussi déjeuné pendant quatre heures face à ton beau-frère qui ne pipait mot? Qu'as tu pensé, Peter, toi dont l'intérieur des yeux est tapissé d'espace, quand ils ont ouvert leurs cadeaux, tes neveux,tes nièces, et qu'ils ont trouvé des instruments de musique, après qu'ils ont regardé des écrans pendant plusieurs  jours d'affilée? Peter, as-tu bu l'apéro avec les voisins? Avais-tu installé des décorations lumineuses, Peter, qui s'allument entre 17 et 22h?

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ven.

19

déc.

2014

La vérité c'est qu'on s'est bien fait baiser la gueule

J'avais juste besoin de dire ça. Ça soulage un peu.

mar.

16

déc.

2014

Trois rêves

Le dentiste découvre un tout petit trou dans mon palais. C'est un trou sans fond, il dit que c'est à cause des cigarettes, qu'à chaque fois que je fume, le trou s'agrandit. Malgré ça, je sais que je n'arrêterais pas de fumer.


Je suis au FRAC, un FRAC en bois clair, pour un vernissage. Au-dessus de nos têtes, tout le monde nous contemple, suspendus à la charpente, la tête à l'envers, portant une tenue de chantier complète : salopette orange et bleue, chaussures de sécurité, genouillères, gants, casque anti-bruit, casque jaunes. Alignés, toi, moi, Julien, Séverine? Till? Ramona? Lou?


Sous l'oeil inquisiteur de la documentaliste, je cherche des livres de Françoise Héritier (et d'un autre dont j'ai oublié le nom, qui écrit sur l'histoire des techniques artisanales, l'histoire du geste) : je veux prouver à ma fille, qui écrit une thèse de sociologie, que non, ça n'est pas impossible à lire (j'allais dire inbitable, mais je me retiens car ma mère s'appelle Françoise, tu me suis?)


Les nuits sont si longues en ce moment, et les journées si peu intéressantes : je reste engluée dans les rêves. Je sors d'une grippe qui m'a cloué deux jours au lit avec de la fièvre. Une fois les douleurs et courbatures passées, je me dis que c'était quand même bien.

Il y a déjà longtemps, j'ai aussi rêvé que j'étais médecin. En passant des cellules cancéreuses au microscope, je me suis apercue qu'elles formaient une ville, et je pouvais tout voir dedans, les habitants, les bus, les voitures, les routes, les banlieues, les poubelles...

Cette démultiplication cancéreuse résonne, surtout avant Noël....produire, produire, produire.



jeu.

11

déc.

2014

Cet après-midi

J'aidais Barbara à déménager. J'étais près de la porte Vauban, en jogging et pull emmaüs, dans la rue, mon style des meilleurs jours. J'avais chaud et j'avais l'air fatigué et mon léger maquillage avait très certainement un peu coulé. Un mec est passé avec un sapin de noël emballé dans un filet, sous le bras. Il s'est approché de moi et m'a dit "combien? nique nique?".

mar.

09

déc.

2014

Je me demande comment des problèmes d'argent peuvent à ce point tout assombrir

Oui, c'est tout ce que j'avais à dire aujourd'hui, malgré cette très belle lumière claire d'hiver.

ven.

05

déc.

2014

Sony (Manuchehr)

Adossés côte à côte le long de la falaise, ils passèrent l'après-midi à transpirer, immobiles, lascifs, silencieux. Le soir venu, quand la lumière commença à décliner, la chaleur se fit moins oppressante et le mouvement repris dans le camp. On entendit des rires, la musique fut relancée, et tout le désert autour se couvrit de rose, d'orange, de violet. La lumière rasante se refléchissait sur les roches, sur les vêtements, sur les visages. Shamshir contemplait distraitement l'activité qui reprenait, il n'avait pas envie de bouger, ni de particper. Il aurait voulu partir, marcher sans réfléchir, seul. En fixant la scène, il s'échappait en esprit, le visage tourné vers les autres pour avoir l'air d'être là. Derrière lui, Manuchehr l'apercevait de trois quart. Quand il arrêta son regard sur ses machoires et les os de ses pommettes qui se détachaient dans la lumière, son coeur s'arrêta. Dans le visage de Shamshir, dans son attitude vide, juste à ce moment là, il découvrit le visage de celui qu'il fuyait, de celui qu'il avait quitté et qu'il ne parvenait pas à oublier.

 

Pendant cinq ans, Sony avait été son Dieu. Sony était un roi, Sony marchait comme un tigre, Sony était cool. Rivaux, les deux amants faisaient la guerre du cool. Les deux amants étaient très forts, mais Sony faisait de lui ce qu'il voulait. Poseur, cynique, insaissable, fier comme un paon, il glissait de soirée en soirée. Il faisait le DJ,mais  il ne connaissait rien en musique. Il était toujours à l'aise, toujours le meilleur, mais ce n'était que postures, Sony était creux. Il tenait des propos incohérents que Manucherh ne comprenait pas. Manuchehr prenait ça pour du mystère. Ils étaient deux étoiles, quand ils rentraient quelque part, les conversations s'arrêtaient. Ils dansaient, ils festoyaient, ils baisaient, ils se comparaient toujours et toujours. Aucun des deux ne baissa jamais sa garde pour laisser l'autre se reposer. Sony fût plus endurant, il ignorait la tendresse. Sony avait gagné, Sony avait les relations, il était né au Canada, Sony était plus aimé, plus entouré. Sa famille était riche et sa famille ne voulait pas de Manucherh. Il partit. il s'en retourna au pays sur les genoux, vaincu.


En contemplant le profil de Shamshir dans le couchant, beau profil hiératique aux yeux bridés, une montée de regrets le submergea. ll sentait un besoin de revanche.

 

 

 

 

 

 

ven.

05

déc.

2014

Cher employeur (2)

Mes amis et collaborateurs disent de moi que je suis efficace et rapide, que je suis indépendante, entreprenante, réactive et créative, et que travailler avec moi rend la tâche plus légère.

Grand bien leur fasse, (ils sont adorables). Ils n'exagèrent pas : je suis certaine d'être une recrue idéale pour votre entreprise.

Et je me ferais un plaisir de répondre de vive voix à votre question numéro cinq : "quel sont vos principaux défauts?"

Monsieur, Madame, chaque médaille a son revers, plus ou moins poli.


ven.

05

déc.

2014

Bordel matinal

J'ai cuisiné des lardons, des quantités de lardons, lardons fumés et lardons natures, à la poêle. Puis, je ne sais pas où je les ai mis, mais ils étaient importants pour la suite. Je connaissais le promontoire. Je m'y suis dirigée, j'ai étendu les bras face au vide et j'ai plongé. Portée par l'air ou par ma propre force, je ne sais pas, j'ai survolé les falaises, survolé les pentes couvertes de pins, survolé le fleuve jaune qui serpentait tout en bas. La lumière se réfractait dans tout le paysage. J'ai atterri dans l'eau. Je connaissais la route pour remonter et pour voler à nouveau, je l'ai indiquée aux autres, qui m'attendaient. Je ne sais pas s'ils l'ont trouvée, j'ai cru les voir partir le long d'un chemin plus tortueux mais quand j'ai voulu les prévenir, aucune voix n'a franchi mes lèvres. Sur les rives, des artisans fabriquaient des roues de bois. Feu, métal et eau fumante, dans le soleil réfracté, encore.

jeu.

04

déc.

2014

Trois raisons

Trois raisons pour rentrer dans les cases

1) pour les dézinguer de l'intérieur

2) pour trouver facilement quoi dire aux gens quand on se présente

3) pour travailler en profondeur plutôt qu'en étendue 

 

Je trouve pas d'autres bonnes raisons, je sais pas si tout l'aspect matérialiste peut constituer une bonne raison (avoir un statut, gagner plus d'argent, etc)


OÙ SONT CES FOUTUES CASES?

jeu.

04

déc.

2014

Dégivrage arrière

Je couve quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Pas une maladie, c'est déjà fait.

La nuit je fais des rêves étranges qui se diffusent le long ces journées cotoneuses. Julien est apparu plusieurs fois, ça n'est pas habituel. Il ne fait rien de spécial, mais je sens qu'il n'est pas là pour rien.

Et je pleure aussi. Je me sens plutôt joyeuse mais ça n'a rien à voir : mon interlocutrice prononce "rentrer dans les cases" et je pleure.

A la bibliothèque, je rentre par une porte secondaire et on me dis qu'il ne faut pas le faire, et je pleure.

Que se passe-t-il? Je me sens entre deux mondes, entre deux vies, entre deux civilisations, je flotte, j'absorbe, je constate, et je flotte toujours.

Je me reveille avec la chanson de Bashung en tête Malédiction : les porteurs n'iront pas plus loin, pas plus loin...

 

 

 

jeu.

04

déc.

2014

Fumée et feu

Ciel compact et blanc sur lequel peine à se détacher la fumée, blanche elle aussi, qui sort en tremblant des conduits de cheminée.

 

Même avec ce froid, le mec des planètes sort  promener son sale petit chien qui aboie sans cesse. Peut-être pour ne pas l'entendre, il porte comme toujours un casque audio sur les oreilles, rempli de dance music. Il est toujours content de parler à un voisin, et dans son entrée souvent ouverte, on peut lire "l'amitié est le bien le plus précieux".  Il héberge un enfant des services sociaux depuis longtemps. Il trouve que les gitans sont sales. Est-ce qu'il sait si la ville effectue pour eux le ramassage des déchets?

 

Gwladys est partie travailler. Toute la journée, elle est sur la ligne de front à la CPAM: "je veux carte Vitale, Madame". L'état fournit les protocoles mais pas les traducteurs et c'est son corps à elle qui fait barrage, chaque jour, entre les services de santé gratuits de l'état français et la vague de migrants hébétés, obstinés, qui défilent, le regard brûlé de survivre sans avoir les mots français pour le dire. Son corps à elle fait barrage, son corps de travailleuse au salaire minimum, son corps cinq jours sur sept, son corps sept heures par jour. Alors forcément au bout d'un moment elle a la rage. "Putain mais ils peuvent pas apprendre le français? Chais pas, moi, ils veulent habiter ici, pourquoi ils apprennent pas la langue?"

 

Matthieu a neuf ans. il visite son futur collège. Il s'adresse à un sixième.

- Moi mon frère il est déjà ici. Mais il se fait taper par des gens - excuse-moi de te dire ça - des gens de ta couleur. Et par des arabes aussi.

La prof monte au créneau,

- Mais attends tu sais que c'est vachement grave c'que tu dis-là?

- Mais madame chuis pas raciste, mais mon frère...

- Attends, tu sais que toutes les phrases qui commencent par "je suis pas raciste" sont des phrases racistes? Tu serais pas un peu méprisant, toi?

L'enfant noir est désorienté.

L'enfant blanc baisse la tête.

L'enseignante le regarde avec hostilité.

mer.

03

déc.

2014

Il est des entreprises pour lesquelles la vraie méthode est un désordre intentionnel

On dirait qu'il s'apprête à neiger, il fait vraiment glacial. Dans le vent, je marche courbée, le moins longtemps possible. Malgré l'echarpe et le bonnet, mon visage cinglé prend une couleur de radis dès que je retourne à l'intérieur. Malgré tout, je décide de ne pas m'organiser pour aller à la gare, je sors, et je marche, comme ça, hop. C'est très humide, on est dans un nuage. Des gouttelettes suintent de partout, et des flaques s'alignent le long de la route; au bout des branches dressées, les toutes dernières feuilles lamentables me font une haies d'honneur, et s'agitent, petits drapeaux jaunes. Sur cette route droite, longue de plusieurs kilomètres, je tends mon pouce : si une voiture passe, souvent, elle s'arrête. Parfois c'est quelqu'un du village, connu ou inconnu. On s'étonne de me voir marcher sur la route, et je n'ose pas expliquer que j'aime faire du stop. Une délicate incompréhension plane.

En marchant, je repense à ceux qui se sont déjà arrêtés pour me prendre. Des jeunes, des vieux. Peu d'étrangers, et presque pas de femmes. Je cherche dans mes souvenirs, imprécis comme des rêves.

Perchée dans un camion, roulant en surplomb de la méditérranée, un ancien légionnaire me raconte Djibouti.

Perchée dans un camion, à Calais, dans la file d'attente pour entrer dans le ferry, un anglais fait le bilan de toutes les insultes qu'il connait en français : Gwo ventwe, c'est bon ça? gwo ventwe? Camioneurs au grand coeur, vous êtes les meilleurs.

Sur les dock à Londres, un espagnol me propose l'hospitalité sa cabine de camion, et je dors confortablement au dessus de lui, sur la couchette superposée. Le matin au petit déjeuner, on décharge la cargaison de madeleines.

Une autre fois, sur l'aire d'autoroute, des chauffeurs bulgares ont fait des rondes autour de mon buisson pour voir si je dormais bien.

Et puis des automobilistes : un gardien de prison espiègle - qui m'a ramassée plusieurs fois - m'a raconté qu'enfant, il mettait de l'encre dans l'eau du bénitier, et une foule d'autres farces que j'ai oubliées.

Au moins trois missionnaires ont essayé de me convertir. Et deux maréchaux-ferrants ont failli faire dévier ma route,

Un faux flic et des vrais flics, tous aussi dingues (les vrais flics ont forcé une barrière d'autoroute),

Deux mamies si bizarres et mystérieuses que j'ai un moment cru aux fées.

Un type en slip bleu ciel, (vraiment gentil),

Des chiens sur mes genoux, des bébés et toutes sortes de paquets.


Toutes sortes d'autos : une 205 tunée à mort, harnais de sécurité, un néon sous la caisse, lumière noire à l'intérieur et de la techno assourdissante. Mais aussi, sur une route sinueuse de montagne, dans une voiture allemande silencieuse, conduite par des allemands silencieux, Miles Davis qui joue de la trompette tout seul, et dehors, un énorme orage.

Plein de gens, plein de genres de gens, plein de modes de vie, et des histoires. Des témoignages sur des expériences, sur des métiers. Des conversations polies, des silences, des bonnes rigolades. Je me souviens des gens gentils, compréhensifs, et parfois protecteurs. Un homme s'arrête avant ma destination, il dit : "petite, la nuit tombe. Ma fille a ton âge et je n'aimerais pas qu'elle traine sur les routes à cette heure-ci, j'ai payé l'hotel, j'ai payé le repas, tu repartiras demain. Bon voyage".

Quand j'étais étudiante en art, un prof de management farfelu m'a donné sa carte : "si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle moi".

Je me demande si je n'ai pas gardé son numéro.







sam.

29

nov.

2014

Rencontre

Je crois que je suis venue avec ta voiture et ton jean. Une voiture confortable (une multipla) et un jean sexy et moulant (je ne savais pas que tu portais de tels jeans). Ils étaient tous en train d'arriver chez toi. Lou était là, déjà avec Adèle. Julien arrivait avec Basile et Noémie. Je ne crois pas qu'il y avait Lucien. Basile était très grand, il parlait déjà, alors qu'Adèle était comme la dernière fois que je l'ai vue, attentive, sur les genoux de Lou. Isaac aussi était très grand. Il discutait avec Basile. Ella jouait avec Josefien et Liselotte. Séverine était presque là, égale à elle-même, blonde et énergique. La table d'extérieur à Racour, du pain et du fromage qui se tartine, des bières.

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sam.

29

nov.

2014

Grigritologie

(à compléter)

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sam.

29

nov.

2014

Cher employeur,

Après avoir voyagé pendant dix ans dans le milieu culturel bruxellois, et après y avoir exercé une foule de fonctions : depuis Accessoiriste de plateau, Barmaid, Chargée de projet jusqu'à Webdesigner (dommage, je n'ai pas été Zoologue), je suis partie à la campagne pour y élever des enfants. A présent plus disponible, je suis à la recherche d'une nouvelle mission.

Vous proposez un produit ou une activité qui ne nuit ni aux humains, ni aux animaux, ni plantes, ou même qui améliore leur condition?

Vous traîtez vos collaborateurs avec respect, voire équité, voire amitié?

Je suis la personne qu'il vous faut : efficace, très créative, extrêmement polyvalente, je m'adapte à toutes les situations

Engagée et combative, je suis une recrue de choix pour défendre, développer et diffuser votre projet : je vous apporterai des ressources et des données précieuses de l'extérieur, car j'ai des informations sur de nombreux secteurs, un grand cercle de relations, et une excellente culture générale. Toujours à la pointe, je propose des idées novatrices et j'imagine des angles d'attaques originaux, ainsi que des solutions où tout le monde peut trouver son compte.

Je suis drôle et agréable à côtoyer et je m'intègre facilement dans une équipe : tout en étant moteur, je m'applique à soutenir et épauler les autres.

Si vous cherchez à engager quelqu'un, n'hésitez pas à me contacter, je saurais vous décrire mes aptutides plus avant et vous démontrer ma motivation.


Bien cordialement,

Alice Retorré



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jeu.

27

nov.

2014

Marcher dans le caca

Monsieur le Conseiller,

Il y a quelques semaines tu as eu le privilège, avec ta petite conne d'intelligence, de recevoir dans ton bureau l'artiste Alice Rétorré.

Si tu as reçu cette incroyable personne, que j'ai l'honneur de connaître, ce n'est ni pour avoir ton avis de spécialiste, ni parce que nous pensons que toi - qui te prétends si différent des Duplantier et autres minables du marché de l'emploi -, tu aurais pu avoir un regard différent des autres, mais pour que désormais tu ne puisses dire que tu l'ignores.

Voilà une excuse que tu n'invoqueras pas quand l'histoire t'éclatera en pleine gueule, plus vite et plus durement que tu ne le crains.

Toi et tes semblables, je vous méprise.


Le vieux poussin existe.

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mar.

25

nov.

2014

Nord Sud Est Ouest

Merci chère, très chère amie pour ces touchants voeux d'anniversaire, je ne les mérite pas :  je ne suis qu'un résidu présomptueux issu du fond très bas d'une vieille pelle à merde, et je n'arriverais jamais à rien, comme me l'a patiemment expliqué le conseiller de l'agence pour l'emploi la semaine passée.

Petit à petit, comme le blé après une averse, je relève la tête. Il fait beau, mes amis m'arrosent de suggestions les plus incongrues. Je ris dans ma moustache en m'imaginant coach vestimentaire. Plutôt aller danser nue dans la forêt, pour ça au moins j'ai des compétences.
Qu'en dites-vous monsieur conseiller?

lun.

24

nov.

2014

SALUT ALICE! BON ANNIVERSAIRE!

Que ton chemin serpente à travers le monde, qu'il soit parsemé des fleurs odorantes pour sculpter l'intérieur de ton nez délicat, des saveurs nouvelles qui calment la voûte affamée de ton palais et des visions pour l'œil alerte.

Puisses-tu croiser les animaux les plus étranges et caresser leur croupe, de ta main sauvage.

Puisses-tu danser nue dans les forêts du monde jusqu'à la fin des temps.

Je célèbre ton humour et ta grâce. Voici une couronne de fleurs.

Aujourd'hui sera hier.

ven.

21

nov.

2014

Hier soir Till a dormi chez nous, près du feu. Il est parti tôt, avant notre réveil.

Il a laissé le canapé déplié et les couvertures pliées. J'ai retrouvé le réveil, qui fait trop de bruit dans la nuit, tic tac, dans la véranda (ma mère quand elle vient fait ça aussi), après l'avoir cherché un peu partout en furetant. On a passé la soirée à discuter de choses plutôt importantes, comme l'art, la vie et la politique, en buvant du vin. Dommage qu'on ait pas eu le temps de rigoler un peu et d'être un peu plus légers, mais ça ne s'est pas fait. Une autre fois peut-être. Il a l'air d'aller bien, je trouve. Il s'occupe d'une maison et de chèvres, parfois.

On a fait les courses ensemble, lui poussait le caddie en me suivant partout dans les rayons et moi je jetais les trucs à toute vitesse pour sortir de ce trou le plus vite possible. Il a dit que ça portait bien le nom de "courses", vu mon rythme. On a mangé de la polenta avec une conserve moyennement bonne, c'est dommage qu'on ait pas eu le temps de faire des gnocchis de courge comme il en avait envie, mais on est rentrés trop tard: on était allés boire lui un thé moi un whisky chez pierre mercier, où c'est haut de plafond, au sens propre comme au sens figuré d'ailleurs. C'était un drôle de mélange de plusieurs époques de ma vie, pierre, son "appart" qui ressemble à un bateau, le whisky, till, lille, les courses au supermarché pour la semaine. Tout se mélange! J'ai vécu toute cette vie, déjà!

Pour l'heure, Pierre est à Paris, Till à Marseille et moi à Lomme, dans mon château du deuxième étage. Il reste du vin.

jeu.

20

nov.

2014

In quiétus

Alice je suis inquiète,

Mais vraiment inquiète,

Autour de moi, même les personnes plus inattendues, ont des choses à reprocher aux étranger(e)s, que ceux-ci soient roumain(e)s ou voilé(e)s. Des gens que je considère presque comme des amis, en train de devenir des amis (et j'espère que c'est pas ce qu'ils disent qui va m'empêcher de les aimer). Je suis interloquée, je m'y attendais pas. Pourquoi tous ces discours GÉNÉRAUX? Pourquoi ne regarde-t-on pas la magistrale poutre qui se plante et se replante dans notre œil de cyclope? Pourquoi ne voit-on pas que nous faisons tous partie du même monde? Il n'y a qu'un seul monde! Pourquoi ne voyons-nous pas le lien DIRECT entre nous et le premier immigré que nous croisons dans la rue? C'est le même système! L'exploitation de la terre et de l'homme par l'homme. Le lien direct entre nous et la première femme voilée que nous côtoyons? Pourquoi considère-t-on que la laïcité est un état de progrès sur la religiosité? Je frissonne, j'ai froid dedans, un froid terrible. Je ne dis pas qu'il faut fermer les yeux sur l'oppression quand elle existe, mais, enfin. 2015, je m'adresse à toi, pourquoi tant de peurs? Pourquoi tant de repli, tant de rejet? Pourquoi j'entends les phrases terribles que j'entends?

Alors j'ai juste envie de citer ce que j'ai lu il y a pas longtemps, pour contrebalancer et pour mettre les pieds dans le plat, tant cette question remue les cœurs de tout le monde, semble-t-il :

Dans les années 60, les femmes se voilaient le visage avec leurs cheveux. Elles les laissaient pousser très longs, les repassaient et les portaient en quelque sorte comme un rideau, comme si leur chevelure pouvait les protéger, mettre leur personne fragile à l'abri dans un monde où tout était à nu. Nous connaissons toutes la danse des voiles au Moyen-Orient, et, bien sûr, le voile que portent les femmes musulmanes. Les babouchkas d'Europe de l'Est, les trajes d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud sont aussi des vestiges du voile. Les Indiennes et certaines Africaines portent naturellement le voile. En regardant autour de moi, je n'ai pu m'empêcher de regretter un peu que les femmes modernes n'aient pas de voiles à porter. Car être une femme libre et pouvoir porter le voile quand on le désire, c'est détenir le pouvoir de la Femme Mystérieuse. Apercevoir une telle femme voilée est une expérience forte (...) Certains disent que le voile, c'est l'hymen, d'autres que c'est l'illusion. Ni les uns ni les autres n'ont tort. Mais il y a plus. Il est amusant de constater que si le voile a été utilisé pour dissimuler la beauté de la femme aux regards concupiscents, il fait aussi partie de la panoplie de la femme fatale. Porter un voile d'un certain style, à un certain moment, avec un certain amant, d'une certaine manière, c'est exsuder un érotisme torride qui coupe littéralement le souffle. En psychologie féminine, le voile est  symbolique de la capacité qu'ont les femmes d'être, en présence ou en essence, ce qu'elles veulent.

mar.

18

nov.

2014

Jaune paille pour le repos

Corail pour la force. Force et repos pour passer l'hiver, pour se laisser recouvrir de feuilles fraiches, pour se laisser ensevelir sous les feuilles craquantes, vertes quand elles viennent de tomber, puis brunes et en couches épaisses à mesure que la saison humide avance. Rouge corail pour passer plusieurs mois dessous, sous le lit de feuilles, en compagnie des insectes, pour voir avec des yeux de taupe le sol au repos, pour entendre avec des oreilles de roche ou de terre le crissement permanent des vers qui retournent l'humus, pour sentir tout le long du corps la décomposition des feuilles en fragments de plus en plus petits, au goût d'eau, de sable, de moisissures, pour rester allongée sur le sol humide, sur le sol froid, inactive mais consciente, en serrant dans la main les trois petits brins de laine.

 

Ou bien au contraire: force inversée. Pendant que la terre se repose et se recrée, tout au long de la saison froide humide, commencer, avec toutes les forces, à agir. Se ramasser.


Après tout n'est-ce pas l'un et l'autre la même chose?

dim.

16

nov.

2014

Samedi

Hier matin, samedi, je rentrais du marché quand un voisin m'a fait signe. J'ai hésité et j''ai franchi le seuil de la maison de cette très sombre personne. J'ai vite bu le café. Quand je suis sortie, les petits darqueaux qui logeaient derrière les radiateurs sont restés accrochés aux poils de mon pull. Je me suis encourue, j'ai marché et marché. Une vieille femme m'a prise en voiture sur la route, et il y en a qui sont tombés sur ses carpettes, impeccables, en même temps qu'un peu de boue de mes chaussures. J'ai pris un train à grande vitesse alors que la nuit tombait, les nuages étaient gonflés comme des barbapapas, sous le ciel bleu de prusse, déchiré en deux, et quelques uns encore sont tombés dans ma course, quelques uns dans le train, quelques uns le long de la route, sous les platanes, quand je fonçais dans le noir vers mon refuge.
Il devait m'en rester quand je me suis endormie, car dans mes rêves, j'ai continué le voyage avec cette noire personne et nous étions perdus. Perdus sur la carte, perdus dans le tram, en avion, en voiture, finalement je l'ai perdu aussi et j'ai pris un bateau. Je me dirigeais vers une île dont la direction était indiquée sur la carte avec des petits pointillés. Une fois sur l'île, l'eau avait disparu, et je me trouvais avec Maud, au milieu d'un désert mouillé.
Mon amie était décomposée, en alerte, car cette île était hantée par une bête invisible, et la jeune fille, la seule habitante de l'île, avait disparu. Nous étions effrayées, et la peur nous a rendues stupides. Dans un coin de la maison, sur une table basse, un ordinateur clignotait dans la pénombre. On entendait la mère de la jeune fille, folle d'inquiétude qui appelait. Maud y avait touché et avait envoyé un signal. Nous restions interdites, figées devant les supplications. J'ignore si on a pu rattraper notre erreur, mais en me reveillant, j'ai vu une aile noire qui quittait le rebord de ma fenêtre.

J'y ai trouvé trois petits bouts de laine ; un vert pâle, je dirais vert amande, autre jaune de paille et le dernier est couleur de corail. Je les ai enroulés autour des bracelets d'or de ma grand-mère, ceux qui font du bruit quand je bouge, pour les rendre silencieux. Je sais que le brin vert conjure la peur, je me réjouis de ma chance, et je me demande si les deux autres ont aussi des pouvoirs.

ven.

14

nov.

2014

Rassembler des pans de moi pour essayer de connaître (mais connaître quoi?)

Il est quinze heure. Quelle est cette obscurité?

Novembre, la pluie, le soir qui tombe déjà. Je regarde le blog de mes amis partis faire une veillée au Québec. Hauteur du ciel, clarté atmosphérique.

En allant faire des courses de 153euros au supermarché, ce qui est un montant outrageusement excessif vu l'état rouge foncé de nos finances, j'écoutais Benard Stiegler qui parlait à l'antenne de la radio nationale. La manière qu'il avait de dire: les nouvelles technologies ne sont ni bien ni mal, elles sont là. Par contre, elles posent la question suivante: quel corps avons-nous? Il parlait aussi de Kant et des aspects humains de la connaissance (je redis ce dont je me souviens avec une rigueur très relative):

1) l'intuition, qui est l'ensemble des capacités qui nous permettent de connaître le réel,

2) l'entendement, qui en tire des concepts

3) la raison, qui est la seule à pouvoir agencer les concepts pour produire de la pensée.

Or, les outils numériques, aujourd'hui, nous permettent de produire de l'entendement, pas de la raison. Exit la raison. Il prenait l'exemple de la Bourse: on a trouvé une manière de faire fonctionner le système financier de façon à ce qu'il soit entièrement automatisé et fondé sur des données statistiques. Exit la raison.

Cet après-midi, tentant de rassembler les morceaux de moi qui battaient la campagne, j'ai cherché CHOUETTE dans mon dictionnaire spécialisé. L'animal symbolise la connaissance rationnelle, alors que l'aigle symbolise la connaissance intuitive: la chouette a une perception de la lumière (lunaire) par reflet, alors que l'oiseau diurne a une perception directe de la lumière solaire. Ça m'a troublée: j'aurais pensé l'inverse. J'aurais pensé que l'intuition était reliée à la nuit et la raison au soleil. Mais.

Puis, j'ai cherché CORBEAU. Je voulais rendre hommage à ces êtres noirs, sautillants, discrets, que j'aperçois quotidiennement, par groupes de deux, de  trois. Ils vaquent à leurs affaires, picorent un débris de civilisation pour en faire autre chose, une nourriture, un nid. Je les admire. Chaque fois que je les aperçois, ils me réchauffent le cœur. J'ai lu - et c'est ce que je ressentais dans ma mythologie personnelle - qu'ils étaient des guides, des prophètes, des écarteurs de mauvais sort. Sur le trône d'Odin sont perchés deux corbeaux, Hugin, L'esprit, et Munnin, La Mémoire. Mais où tout cela me mène-t-il? Y-a-t-il un lien entre Munnin et ma Mémé Simone? Entre Bernard Stiegler et Chrstine Wahl, qui dispense inlassablement ses cours de conscience corporelle; le mardi midi et le mardi soir? Y-a-t-il un lien entre ces objets magiques que je fabrique parcimonieusement (quand j'ai le temps) et le fond de moi-même que je racle et racle encore, sortant inlassablement de nouvelles épaves qu'il faut laver, polir, ranger? Alice, est-ce que je dois abandonner la pensée analytique? Est-ce que, tout comme la souplesse physique, elle est une manière d'éviter le réel et la limitation qu'il impose? À quoi tout ça rime? Pourquoi ai-je acheté un "séchoir qui se fixe partout" mais pas chez moi? Pourquoi la vie est elle si magnifique, comment ces foutus scientifiques ont-ils réussi à envoyer un engin si loin, si loin, pour le faire atterrir sur une comète (acométir?).

Quel est le geste créatif qui m'est propre?

Comment rassembler les choses?

Est-ce que je dois me lancer dans une encyclopédie, nom de dieu?

mer.

12

nov.

2014

Matin vif

Il fait jour à peine et c'est comme un rituel: nettoyer la vitre noircie par le feu de la veille, enlever les cendres, tous les trois ou quatre jours. Déjà les mains sont noires de suie. Puis, disposer dans l'âtre trois feuilles de papier journal froissé, celui qu'on a déjà lu. Empiler le petit bois, pas trop serré, pas trop aéré. C'est une construction dans laquelle il faut veiller à équilibrer vide et plein, air et matière. Souvent je place une petite bûche en équilibre sur un tout petit morceau de bois, une bûche vraiment bien sèche, avec un peu de mousse sèche ou avec de l'écorce décollée ou bien encore avec des filaments de bois qui se détachent. C'est ça qui prend bien feu, ce mélange de matière fine et d'air. Une allumette. Au début on laisse la vitre ouverte. Il vaut mieux ne pas s'être lavé les cheveux avant, à moins d'aimer sentir le feu. Le premier feu est vif, les flammes vigoureuses s'élèvent haut, jaune clair. Elles sont affutées comme des lames, mais on ne peut pas encore leur faire confiance. Quand le papier a brûlé, que le petit bois commence à se consumer et que les flammes attaquent la bûche, j'en rajoute une autre. Même s'il n'y a pas encore de chaleur, le feu a presque pris (ça m'est déjà arrivé pourtant qu'il s'éteigne à ce stade). Je ferme la vitre, il faut encore surveiller de temps en temps. Puis, pendant une heure, je veille, mais plus distraitement encore. Je rajoute des bûches, je laisse les flammes prendre en solidité. Enfin ça chauffe, je peux baisser le thermostat et fermer l'apport en air pour que le feu tienne toute la journée. Maintenant il est solide et rougeoie comme une forge.

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