L'important c'est l'histoire

Je prends cinq minutes dans mon travail sur le même texte chiant dont je ne trouve toujours pas la fin, pour une petite considération méthodologique.

Ca fait je ne sais pas combien de temps que je cale sur ce bête texte. A chaque ligne, je trouve des mots, puis je les jette car soit ils sont trop gnangnans, soit trop galvaudés, soit ils ne sont carrément pas justes (c'est fou comme ça m'arrive vite de n'être pas juste). Et je rame et je rame. Et je m'inquiète car je me suis promise de finir un jour Manuchehr et je sens bien que ça ne va pas aller. Je renonce. Et puis tant pis, je vais tirer à la ligne (je dois faire trois pages), ça me fera un bon exercice. Et pour ça il faut quand même que je me demande ce qui doit ce passer vraiment dans ce petit récit. En fait, c'est quoi l'histoire? Et pourquoi il est là? et comment il est venu? avec qui? qu'est ce qu'il veut, le gars? Il a quel âge? Il habite où? Et voilà, la pelote se déroulle tranquillement, les mots se mettent simplement là où ils doivent aller, sans chichis. Ils trouvent leur fonction et moi je trouve un style qui se tient, parce que je n'y fait pas attention. Arch, c'est bon.

 

Depuis le début, depuis qu'on sait parler, combien a-t-on raconté d'histoires? Et si on a déjà tout raconté, si toutes les situations réelles ou imaginaires ont déjà été racontées, sur quoi on peut encore s'arrêter? Je croise ma voisine et elle me raconte une histoire, j'allume la télé et je regarde des fictions, à la radio, un documentaire sur un type rattrapé par une erreur de jeunesse. Plus tard le soir je lis un livre à mes filles, j'en prends un autre pour moi, avant de m'endormir. Qu'est ce qu'on fait d'autre au juste que de raconter et d'écouter des histoires? Je me suis déjà souvent demandé si je ne vivais pas ma vie, si je ne traçais pas ma route en fonction de l'histoire que je voudrais raconter à ma descendance.

 

C'est ça, la puissance des mots?