Rien que du vent

J'observe avec intérêt l'érable du jardin (si c'en est bien un) couvert de pucerons et de coccinelles en pleine copulation. Je ne traite pas. Je me demande si l'histoire, c'est pas tout bêtement que le milieu doit se retrouver un équilibre après changement de propriétaire (et de façon de jardiner). Pucerons, limaces.

Oui, mais aussi milliards de fleurs à venir au lilas, première feuille de vigne, compost, recoins nouveaux. Il me semble que le sol, qui était plein de sable, s'est petit à petit quand même bonifié. Même si on est en pleine zone CEVESO, je suis sûre. Ou si ça ne l'est pas ça devrait l'être. Mais. Possibilité de tailler le buis pour voir le camélia, abri pour le bois à concevoir, etc.

Je vois pas ce que je peux désirer de plus. Mon cœur déborde de ça, tout ce printemps, ce minuscule bout de terre dont je peux m'occuper comme d'un troisième enfant.

J'aime tellement parler de mon jardin et de la nature, c'est affreux.

Je peux lire des livres entiers qui parlent des arbres, des animaux, des changements climatiques, des plantes, des insectes et de la lumière qui baigne tout ça, des sons - de la création, quoi, avec ou sans God, Gott, Dios, Dieu, Dio, Allah, YHVH, etc.

 

Je suis frappée par l'impassible.


Je travaille énormément et sans discontinuer.

J'apprends, à mon corps défendant, la lenteur et l'enracinement. Je scrute les moindres scories qui flottent en surface, je contemple et j'accepte leur miroitement complexe. Dans le corps physique, je cherche le chemin qui mène au-delà de la volonté, au-delà de la force et de l'adresse, jusqu'à sentir l'os entouré de peau d'os et entouré de muscles, l'agencement avec l'os voisin, le nerf en bouquet ou en filaments. Je vais dans l'immatériel pour ouvrir les portes que je trouve sur ma route: raconter les histoires attachées aux lieux du corps, prêter mon attention aux sensations, suivre des animaux et des êtres dont je ne soupçonnais pas à l'intérieur de moi l'existence, les combattre parfois, les aimer si possible, remonter dans la généalogie familiale et faire des découvertes fondées - sans autre document, pourtant, que le corps. Je tente avec application à me soustraire à la mauvaise foi.

Le voyage est long et très beau, je n'en connais pas de plus beau. Cette multitude de formes, de couleurs, de possibles.

Tout ça pour être si difficilement simple, pour savoir être avec les autres et avec moi, pour sentir le flux du temps qui mène à la mort de chaque chose et au recommencement des cycles.

Intimement, la déflagration est de taille.

 

Par contre à l'extérieur, rien ne bouge que le vent.

 

J'ai un souhait pour la lampe: raconter une histoire.