Chevaus, en ancien françois

J'ai toutes les qualités d'un cheval.

Je suis endurante et fougueuse. Je sais frapper le sol de mon talon de fer pour courir la plaine.

Je détale au moindre bruissement inconnu des feuilles. Quand je m'emballe, il faut me flatter l'encolure avec amour et patience, pour me calmer : on peut compter sur moi, sauf quand je m'affole. Je ressens chaque changement des vibrations alentours, tout me traverse et puis tout passe. C'est à la fois une liberté et un enchaînement.

L'impatience me caractérise, comme la fidélité.

Bientôt, ce sera l'année de la chèvre. J'attends avec espoir cette promesse de repos. L'année qui vient de s'écouler n'a été que tremblements de terre et révolutions du ciel. Je souhaite maintenant retrouver le couvert d'un sous-bois, le calme.

Redevenir vache, faire passer par la panse, le bonnet, le feuillet, la caillette chaque pensée, chaque émotion et m'en défaire comme d'une large bouse. Dormir couchée sur le flanc des heures entières, au milieu d'un troupeau, supportant indifféremment le soleil et l'averse. Courir, enfin, de manière désordonnée et sur une courte distance, sans autre motif que celui de l'intimité du groupe. Ne plus frémir au moindre bruit, paître si possible sans enclos, dans un alpage de semi-montagne au milieu duquel coulerait un filet d'eau froide bordé de chardon, de crottes de lapins, de roches clairsemées sur une prairie dense et verte. Et surtout, surtout, ne pas avoir de sonnaille.