Monolithe (épisode 2)

Le camion noir se gara devant la maison un jour de mi-novembre.

Trois hommes en descendirent. Ils levèrent les yeux pour se repérer dans la rue.

Le premier était grand, blond, il portait autour du cou une grosses chaine en or que retenait un poisson.

Je me souviens avoir pensé aux discussions que nous avions, toi et moi, sur les individus nés sous le signe du poisson.

Le second était petit et gras, au visage presque enfantin.

Le troisième était le plus vieux. Il portait les cheveux bouclés et bruns sur la nuque, arborait un air fermé, un visage marqué par la vie, une bouche édentée.

Seul le premier parlait français. C'était lui, le chef. Chef du langage, en tout cas, parce que je ne crois pas avoir remarqué un savoir-faire particulier, hormis celui d'user indifféremment avec hommes et femmes de son sourire ravageur, cela sans compter.

Le camion noir était opaque, massif, sans inscription.

Les deux subalternes muets comme des tombes.

 

Ils se dirigèrent vers notre maison, sonnèrent, entrèrent, travaillèrent pendant deux jours en expliquant à minima ce qu'ils faisaient.

Irek s'intéressait à tout ce que je faisais, allant dans mon sens, abondant dans mon sens, surenchérissant dans mon sens. Le fromage mariné aux herbes de Provence? L'éducation des enfants? Les économies d'énergie? L'argent? Le libéralisme? Tout lui convenait.

J'ai horreur des séducteurs. Je les vois venir à cent miles. D'habitude, je les rabroue d'un coup de patte. Mais lui, il tenait ma maison dans ses mains, et j'ai sobrement écouté ses phrases sirupeuses, en bouillonnant.

 

Ils ont rencontré de nombreux problèmes.

Ils ont placé une machine bruyante dans notre salle-de-bain et déroulé plusieurs couches de matériaux argentés sous notre toit.

Ils ont prolongé le travail d'une journée.

Ils ont pensé à attendre la nuit et l'absence de Monsieur pour percer le toit, faire un mauvais joint, et partir sans laisser d'adresse.