Suite

Je ne sais comment, je retrouvais sa trace au cours de l'année de seconde. Il me semble que c'était par une coïncidence grande comme une intervention divine, (le destin) mais je n'en ai en fait, aucun souvenir. Ce dont je me rappelle, c'est qu'il était parti étudier dans une autre ville et que, lorsqu'il rentrait le week-end, il retrouvait un ou deux copains pour faire de la musique. Je le trouvais un jour par hasard, posant sur la photo de classe de la soeur ainée d'une camarade. La photo fut bien sûr subtilisée, copiée, posterisée et idolatrée. Ma meilleure copine (une autre) le reconnut et me révéla avoir assisté un jour à un concert du groupe. Je la sommais de m'aider à m'introduire parmi eux pour continuer ma filature. C'est ainsi que nous passâmes plusieurs mornes dimanches à leurs courrir après sans succés, quelques autres à écouter jouer ses ennuyeux copains, ou même enfin, quelques précieux après-midis à se cotoyer dans un silence gêné. J'étais empotée et je le savais, et les seules fois où j'osais ouvrir la bouche, on me regardait en penchant la tête à la manière des chiens étonnés, comme si j'avais parlé dans une langue inconnue. Nous avions quatre énormes années de différence.

Je n'ai, de toute ma scolarité, que très rarement séché les cours, aussi je ne me figure pas bien à quelle occasion j'ai pu me rendre pendant plusieurs jours dans la ville où il étudiait, et encore moins comment je pus loger là. Lors de ce premier voyage sans parents, entre des errances sans but dans les rues du centre ville et surement une visite au musée, nous passâmes, mon amie, et moi des heures à le guetter devant la résidence universitaire où nous savions qu'il logeait, à l'abri d'un café inhospitalier. Mais le point d'orgue du voyage fut lorsque nous nous rendîmes à l'école d'art où il étudiait. Nous pénétrâmes dans la cour en silence. J'avais le sentiment d'être une usurpatrice, mais je me sentais encore plus cool que si je transportais l'intégrale des vinyles de Jimi hendrix, et je m'efforçais de prendre un air que je croyais dégagé. Je jubilais de pouvoir fouler aux pieds le lieu de toutes les libertés, un endroit où l'histoire de l'art s'écrivait (sûrement). Je fus éblouie par le foisonnement de créations artistiques qui débordaient du batiment et répendaient le chaos jusque dans la cour.

Par la suite, il me semble que ma fixatiion amoureuse fut diluée dans la vie scolaire et de grands projets d'indépendance et d'aventure.

Un été passa, puis deux, trois, et quatre et j'entrais enfin, sur l'invitation unanime  d'un jury de professeurs que j'avais réussi à convaincre sans chichis, dans la cour bariolée de l'école d'art. L'école où il m'avait précédé, et j'étais certaine d'une certaine façon, que je me trouvait là uniquement pour des raisons sentimentales : j'avais suivi sa voie. Je menais une enquête dès la rentrée, mais le problème fût le même qu'au départ : personne d'entre nous, les bizuths, ne fréquentais de cinquièmes années, où il aurait dû être.

Je passais rapidement à autre chose et je devins pour les cinq années suivantes, une étudiante engagée, libre et ravie.

 

TO Be continUeD...