Matin vif

Il fait jour à peine et c'est comme un rituel: nettoyer la vitre noircie par le feu de la veille, enlever les cendres, tous les trois ou quatre jours. Déjà les mains sont noires de suie. Puis, disposer dans l'âtre trois feuilles de papier journal froissé, celui qu'on a déjà lu. Empiler le petit bois, pas trop serré, pas trop aéré. C'est une construction dans laquelle il faut veiller à équilibrer vide et plein, air et matière. Souvent je place une petite bûche en équilibre sur un tout petit morceau de bois, une bûche vraiment bien sèche, avec un peu de mousse sèche ou avec de l'écorce décollée ou bien encore avec des filaments de bois qui se détachent. C'est ça qui prend bien feu, ce mélange de matière fine et d'air. Une allumette. Au début on laisse la vitre ouverte. Il vaut mieux ne pas s'être lavé les cheveux avant, à moins d'aimer sentir le feu. Le premier feu est vif, les flammes vigoureuses s'élèvent haut, jaune clair. Elles sont affutées comme des lames, mais on ne peut pas encore leur faire confiance. Quand le papier a brûlé, que le petit bois commence à se consumer et que les flammes attaquent la bûche, j'en rajoute une autre. Même s'il n'y a pas encore de chaleur, le feu a presque pris (ça m'est déjà arrivé pourtant qu'il s'éteigne à ce stade). Je ferme la vitre, il faut encore surveiller de temps en temps. Puis, pendant une heure, je veille, mais plus distraitement encore. Je rajoute des bûches, je laisse les flammes prendre en solidité. Enfin ça chauffe, je peux baisser le thermostat et fermer l'apport en air pour que le feu tienne toute la journée. Maintenant il est solide et rougeoie comme une forge.

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