Les gorges, sauvages, les défilés encombrés de roches foudroyées, tout est envahi par une brume couleur de suie.

Plusieurs heures plus tard, Manuchehr, se réveillait à cause de la chaleur et de la soif.

Hors de l’ombre, la chaleur accablait. Elle avait reveillé même les plus endormis. Il n’y avait pas un souffle de vent, autour du campement le paysage vibrait sous le soleil. La musique jouait encore faiblement. Regroupés au bord du campement dans une tâche d'ombre plus profonde, aux pieds de rochers qui ne voyaient jamais le soleil, quelques-uns restaient abrités en attendant le soir. Manuchehr se précipita sous le dais à l'ombre de la falaise orientée au nord. Des crampes lui parcouraient les jambes et bloquaient ses machoires, il se sentait fièvreux et nauséeux. Il but autant qu'il pût, puis s'effondra quelques minutes sur le sol. Il se sentait mal physiquement et ses pensées étaient noires et désordonnées. Il ne voulait pas souffrir : défiant le vertige, il ressortit sous le soleil pour retrouver son sac, il le rapporta dans l'ombre, s'assis et pris une aspirine et deux tranquillisants. Il s'alongea en attendant que l'effet se fasse sentir. Il mourrait de chaud. Sa tête et son corps se consummaient et l'air qu'il respirait ne lui suffisait pas, il s'essoufflait. Paralysé, il se demanda s'il allait survivre à cette hyperthermie. Il se dit qu'il était encore tôt, qu'il allait encore faire bien plus chaud dans les heures à venir. Par habitude, par conditionnement islamique, personne du camp n’avait retiré de vêtements. Manucherhr était trempé de sueur, le tissus lui collait à la peau. Il se reversa sa gourde d'eau sur la tête et s'immobilisa, au bord de l'évanouissement. Dans sa téthargie, l'angoisse prennait toute la place. Il sentait monter la peur et la culpabilité. Pourquoi avait-il fait ça? Dans quel engrenage avait-il mis son doigt? Il eut bientôt la certidude des conséquences fatales de ce coup de tête. Pouvait-on retrouver sa trace ? Que devait-il faire? Il aurait sûrement dû brouiller les pistes. Ses traces étaient elles encore visibles? Et s'il avait trafiqué la scène, et s'il avait enterré le mort, peut-être qu’on aurait pu croire à une fuite ? Peut-être devrait-il tout simplement remettre le paquet à sa place ? Se sentant observé, il se redressa et dévisagea les garçons alentours, mais personne ne semblait s'intéresser à lui, pourtant, il en était sûr, il était surveillé. En boucle, il croyait se répettait Que faire? Pourquoi j'ai fait ça? Comme dans un cauchemard, il retrouvait la sensation vague d'être d'un enfant aux parents sévères, qui découvre que ce qu'il a fait innocement est une bêtise et qu'il va être châtié, il tenterait tout pour s'échapper, et était prêt à tous les mensonges, même les plus grossiers pour ne pas être découvert.

Dans le camp, personne ne bougeait, ce n’était pas le bon moment pour retourner vers les rochers.

Il se sentait écartelé entre la peur que quelqu’un d’autre ne découvre le cadavre et son véhicule, et par l’urgence de retourner sur place. Il voulait s’assurer que rien n’avait bougé et trouver une solution pour brouiller les pistes. Rien de tel que d’aller au cœur du danger quand la peur commence à sourdre. Mais il se sentait encore trop mal.

Adossé à une cantine, Manuchehr appercevait les rochers où il avait caché son butin, pas directement en face, mais de profil, et pouvait scruter sans être remarqué. Il fit un effort pour trouver ses lunettes de soleil. A deux ou trois reprises, quelqu’un s’éloigna du campement dans cette direction. Comme c’était le seul endroit éloigné où l’on se trouvait à l’abri des regards, on s’en servait de toilettes. Personne ne s'éloignait davantage : l'espace était suffisant et en pleinne journée, il ne fallait pas plus d'une heure à une crotte pour devenir aussi sèche que de la poussière. A chaque fois que quelqu’un s'éloignait du camp, Manuchehr frémissait. : et si quelqu’un d’autre voyait ce qu’il avait vu, que se passerait-il ? Il était rongé d'inquiétude mais il faisait tout pour garder son sang froid, pour n’avoir l’air de rien. Il faisait semblant de dormir, assis contre la cantine, ses lunettes sur le nez.

Petit à petit, son souffle lui revint et les crampes cessèrent. Il allait s'endormir quand il appercut au loin une silhouette, largement au delà des toilettes, s'apprettant à contourner l'amas rocheux par l'ouest, et qui s’approchait du camp au travers de l’air brûlant. Le souffle coupé, il attendit en le fixant. La silhouette noire se détachait sur le sol moiré, avançant imperceptiblement dans l'infini stérile.

Qui était-ce? D'où venait-il? Qu’allait il faire là-bas derrière? Et qu’avait-il vu ?

Au bout quelques minutes, il devina plus qu'il ne distingua l'identité de celui qui s'approchait. Son énergie lui revint. Manucherh se précipita à sa rencontre, aussi vite qu'il pût, mais il ne l'atteignit qu'à quelques dizaines de mètres camp, ce qui lui parût être juste hors de portée des oreilles de ses camarades.

Il plût à Shamshir de voir accourrir vers lui celui qui, une première fois n’avais pas remarqué son sex-apeal, et qui ensuite l’avait rejeté dans son rêve . Même s'il ne pouvait pas le tenir responsable de la deuxième occurrence, il se sentit dédommagé de le voir s'approcher avec un air si empressé.

Manucherh s'arrêta avant la rencontre, essoufflé par cette marche pressée, plié en deux pour reprendre son souffle et il laissa Shamshir le rejoindre. Celui-ci le toisait légèrement alors qu'il était toujours plié. Il restait immobile, debout et bien droit, il ne prononça pas un mot. Manuchehr se redressa et repris la marche, suggerant de le suivre :

« Mmmmh, je suis redescendu. Cétait lourd ?».

Shamshir, répondit froidement :

-« c’était bizarre » d'un air hautain, avec l’air de dire « c’était insupportable mais je suis poli »

Manucherh perçut qu'il cachait quelque chose, mais il sut que ça n'avait rien à voir avec ce qu'il aurait pu apercevoir dans le désert.