L'histoire de Manuchehr

premier épisode

Il fait froid pour un mois de juin, et le vent souffle sans arrêt. A l'abri du tumulte, derrière la fenêtre, je regarde sans les voir les gros cumulus qui se déplacent promptement. Je me demande ce que je dois penser de ce que je viens d'entendre.

Manuchehr, était, il y a quelques années, coiffeur à Montréal. C'était un garçon à l'aise, très stylé, gay et fêtard. Partout où il passait, Manuchehr avait du succès. Non seulement il était beau, mais surtout il était toujours partant. Jamais triste, jamais malade ou fatigué, jamais négatif. On aurait dit que même en pensée, les choses négatives ne l'éffleuraient pas. Il ne disait jamais de mal, ni des personnes, ni des situations, ni des objets et ne relevait jamais les problèmes. Il ne se posait pas de questions, il était dans l'action. Il était très branché mais je ne l'ai jamais vu juger quelqu'un à son apparence. Iranien et ouvertement gay, je ne l'ai jamais entendu déplorer ni l'homophobie, ni le racisme. Il ignorait tout bonnement les obstacles.

Quand je l'ai connu, il était de retour en Iran, pour mettre de la distance entre lui et "sa blonde", un chinois. Il vivait à ce moment là à Ispahan, près du bazar, et organisait des fêtes dans le désert. Ses client venaient de tout le pays, il avait la cote, parce qu'il avait vécu en occident, parce qu'il était hip, parce qu'il s'associait avec de bons DJs et de bons dealers. Il emmenait à chaque voyage une quarantaine de personnes dans des lieux lunaires. L'affaire roulait parfaitement et sa renommée était rapidement montée jusqu'à Téhéran, les voyages dans le désert se succédaient sans embuches, avec des participants de plus en plus selects et de plus en plus riches.

C'était un bon système pour joindre l'utile à l'agréable : il gagnait bien sa vie, et la fête permanente réparait les fêlures de son coeur.