Vie sauvage

28 mai

 

Hier, il faisait si bon, et j'étais tellement saoule que j'ai dormi dans la forêt. Je me suis reveillée dans une touffe d'ail des ours, les branches qui découpaient le ciel, couverte de griffures et de bosses et puant la fumée. J'ai plongé dans le lac pour me réveiller et j'ai nagé en faisant des bulles, l'eau était un peu rouge, du fer sans doute. Puis j'ai cru distinguer un héron, je me suis approchée mais c'était un tronc d'arbre. Je n'ai pas su retrouver l'endroit où j'avais laissé mes vêtements. Entre temps des bribes de la soirée me sont revenues : c'était un dîner tranquille, mais j'avais voulu goûter ce que ça fait quand on remplace l'eau par l'eau-de-vie dans la cafetière. Je me souviens que j'ai touché des armes à feu et que je me suis faite gronder par le propriétaire. Je me suis sauvée et j'ai vu deux cuisiniers qui s'embrassaient par la fenêtre à l'arrière du restaurant, j'ai regardé longtemps les mouvements de leurs petites toques et de leurs mains. Je suis restée longtemps sur le pont, un peu malade, mais je savourais d'être seule, saoule au-dessus de la rivière, au milieu des géranium rassurants, assise sur le tuffeau tiède. Des jeunes dans un canoë m'ont invitée et puis je ne sais plus.

En sortant de l'eau, j'avais si froid que je me suis mise à courrir, j'ai fait le tour du lac. Les promeneurs semblaient surpris de me voir faire un jogging en slip (je cours très bien sans chaussures). J'ai fini par retrouver mes vêtements.

Ca, c'est ma version. La version réelle est:

Mme R est allée chercher des pizzas mercredi soir. Quelle gentille petite madame avec ses deux belles petites filles.