Le doute comme étoile polaire

15 Mai

 

Que dois-je faire? Que faut-il faire?

Que dois-je dire? Que faut-il dire?

Pourquoi?

Aujourd'hui, je n'aime pas me poser des questions. J'arrête.

 

Vraiment?

(Marie, ce soir, je suis SEULE, et j'écris à mon aise en sirotant toutes sortes d'alcools, quel bonheur!)

Attention! attention! maintenant je vais essayer de rédiger la suite sans un seul point d'interrogation!

 

En ce moment, j'ai deux activités d'écriture récurentes: ce "blog" et des lettres de motivation. C'est difficile, je mélange tout. J'essaie d'être assertive ici et je romance dangereusement les lettres de motivation. Mais je n'ai pas la preuve formelle, malgré ce qu'on s'efforce de me répéter, que ça soit complètement foutu de procéder ainsi et ça me fait PLAISIR. J'enjambe une sourde culpabilité ornée de toute sorte de complexes, et je m'asseois dessus en pensant à cette grosse femme toute de couleur taupe vétue, (avertissement symbolique pour les pauvres chômeurs contraints de pénétrer dans son bureau).

 

J'ai pris aujourd'hui un autostoppeur et j'ai été tellement attentive à lui, tellement gentille, qu'il en est sorti avec le tournis, je l'ai vu. Je sais que ça ne se fait pas d'être aussi avenante avec un futur expert comptable inconnu. Mais je l'ai fait et j'ai vraiment trouvé ça plaisant. Si tu me lis un jour, jeune étudiant (jeune platonicien comme dirait Melville), je sais que tu ne l'as pas cru, mais j'ai été vraiment heureuse de te transporter, même muet comme une carpe, je t'ai compris, et je t'ai aimé.

Parce que juste avant j'étais chez un médecin: il m'a non seulement écoutée, mais aussi entendue, et j'ai vu que ça ne lui avait couté aucun effort, ça lui a fait PLAISIR. Il m'a fait payer un prix ridicule pour une heure de consultation, (c'est un spécialiste), il m'a donné de judicieux conseils et fait un exposé passionnant sur le sommeil. Il ne m'a prescrit aucun médicament. Il ne pratique pas de médecine alternative, il est normal (non, maintenant que j'y pense, il y avait plein de casques militaires dans son cabinet).

C'est une personne au physique normal, portant des vêtements normaux, dans un immeuble normal, dans une ville normale. Anormalement bienfaisant, dirait-on. Mais je n'en suis pas sûre. C'est louche. Je suis sûre que j'ai enfin, sans le savoir, franchi une porte spacio-temporelle qui m'a sorti de mon orbite intergalactique.

 

J'aimerais lui écrire pour lui dire combien c'est rare et précieux, mais je n'ose pas, j'ai peur que, comme le jeune auto stoppeur, il me prenne pour une grande ravie de la crèche.

C'est là où le doute se met. Partout, pour rien, à tout propos. Ca me fatigue. Non, ce n'est pas une étoile polaire, c'est une plaie ouverte.

Aujourd'hui.

Demain je lirais les nouveaux dépliants électoraux que j'ai reçus (des livres!) et je replongerais dans le doute comme dans de bonnes vieilles charentaises. Moi aussi, je vais bien.