Héritage

16 mai

 

Mon père lit le journal sur un transat dans le jardin. Quand je pense à lui, c'est immédiatement l'image qui me vient. Celle-là ou bien celle de lui dans sa cuisine, la taille ceinte d'un grand tablier bleu foncé, un verre de blanc posé à proximité de la main (habitude qu'il a d'ailleurs quittée, par volonté). Ou encore lui dans le jardin avec son tuyau d'arrosage, lui assis à la barre de son bateau, le teint rougi par une journée de voile. Lui tôt le soir blotti sur un canapé, endormi comme un enfant, sans souci des agitations alentours.

Voilà ce qu'il m'a transmis: la manie têtue de l'organisation et le goût de ne rien faire. Je sais que dans de nombreuses familles, la valeur absolue, c'est le travail et la réussite. Pour ma part, j'ai grandi dans une famille (du moins côté paternel) qui plaçait la farniente avant tout autre chose. La farniente, la promenade et la bonne chère. Parfois, en voiture, mon père s'arrêtait brusquement sur le bord de la route et descendait pour contempler en silence le paysage.

De lui, j'ai du prendre aussi à vrai dire un certain goût pour la solitude, et la révolte.