Reset

6 mai

 

Dear Alice dans les villages,

1) crois-tu que je puisse transformer ma vie? 

2a) si OUI, est-ce que je pourrai le faire sans table rase?

2b) si NON, comment continuer, alors?

3) est-ce que tout ça dépend de moi?

4a) si OUI, est-ce que le monde extérieur me laissera faire?

4b) si NON, à qui m'adresser?

- un marabout

- une psychothérapeuthe

- un faiseur de bilan de compétences

5) est-ce que j'aurai le courage d'aller au bout?

6) comment savoir quel chemin suivre?

7) est -ce que je dois faire confiance à mes sens?

8) comment savoir que ça n'est pas une chimère?

9) est-ce que je suis libre?

 

37e ANNÉE = RESET 

+ de mains, - de tête

 

 

 6 mai

 

Je rentre encore de l'agence pour l'emploi. Je suis perplexe. Je me demande aussi si ce que je vis dépend finalement de moi.

Ici, les élections approchent. J'ai lu avec curiosité et intérêt le programme du MR (parti libéral), le seul que j'ai reçu pour l'instant. Ils veulent créer des emplois, baisser les impots, ils veulent ouvrir plus de crèches et des hopitaux et que les agriculteurs gagnent bien... 

Peut-on me dire comment trouver la planète qu'habitent ces gens, et comment y attérir? J'ai hâte de recevoir les autres programmes pour rajouter une couche à ma lasagne de perplexité.

Je pense à cette extraordinaire Marina Tsvétaeva. Et surtout au poème Mars.

Je pense qu'il a pu être écrit il y a 75 ans jour pour jour. C'est un poème printanier.

Elle venait de rentrer en Russie avec Staline aux commandes. C'était il y a des millions d'années. Les choses ont-elles vraiment changé? Deux ans plus tard, elle s'est suicidée "après avoir essuyé des refus à ses démarches pour trouver du travail". 

Alors je pense à elle. Je crois qu'elle s'intéressait peu à la politique, ou je veux croire qu'elle s'y intéressait comme moi.

On dit : "si tu ne t'occupe pas de politique, la politique s'occupera de toi" , (c'est vrai que c'est pas gagné quand on trouve le quotidien insupportable et qu'on n'aime que la poésie).

Et puis elle écrit:

« Éparpillés dans des librairies, gris de poussière,

Ni lus, ni cherchés, ni ouverts, ni vendus,
Mes poèmes seront dégustés comme les vins les plus rares
Quand ils seront vieux. »

 

MARS

Ô pleurs d'amour, fureur !
D'eux-mêmes — jaillissant !
Ô la Bohême en pleurs !
En Espagne : le sang !

Noir, ô mont qui étend
Son ombre au monde entier !
Au Créateur : grand temps
De rendre mon billet

Refus d'être. De suivre.
Asile des non-gens :
Je refuse d'y vivre
Avec les loups régents

Des rues — hurler : refuse.
Quant aux requins des plaines —
Non ! — Glisser : je refuse —
Le long des dos en chaîne.

Oreilles obstruées,
Et mes yeux voient confus.
À ton monde insensé
Je ne dis que : refus.

6 mai toujours

 

6 mai: naissance de Robert Poujade, de Christian Clavier. Mort de Maria Montessori.

6 mai: célébration de la journée de la valeur et de l'armée, en Bulgarie.

6 mai: le chef américain Crazy Horse se rend face aux troupes américaines. Joseph Staline devient chef du gouvernement soviétique.

6 mai: au bord de la route, juste avant le Millénaire, un homme est assis sur un banc. Il a soixante dix ans, une casquette, la peau très mate. Son regard intériorisé est courbé vers le sol, son menton rentré dans la poitrine. Tout, autour de lui, est verdure, est fleurs:  des verts violents et l'air qui grouille d'insectes. Lui assis dans le soleil ne voit rien de tout cela, consacré à sa tristesse.

 

Ces temps-ci j'ai un caractère réellement surprenant. Alors que je n'ai aucune perspective de travail à l'horizon, je me porte particulièrement bien. Aucun projet, et pourtant la sensation concrète d'être en vie. Je prends un plaisir sans pareil à des petites tâches, pourvu qu'elles soient manuelles. Les résidus de ma vie d'avant me pèsent: je dois encore me rendre ici ou là pour faire de l'art. Je m'y plie. Parfois, je regarde les offres d'emplois. Rien de tout ça ne m'intéresse. Je me surprends à rêver de terres glaises, de croupes de chevaux. Personne n'a jamais été artisan, dans ma famille. Rien que des professions de l'esprit. Pourquoi? Et puis mon travail m'emmerde. Il me disperse à la périphérie. Ce qu'il me faut, c'est un bon gros centre, compact et lourd. Le cerveau, c'est de la foutaise.